Suite PATRICIA GUENOT

 

Le pouvoir des mots

Éteindre le soleil

Empreintes

Village en juillet

Labyrinthe temporel

J'aime les bars

Labyrinthe de solitude

Je dis l'enfance

Torpeur de juillet

Porte hésitante

Au creux des rêves

Flânerie au bord du lac

Pensées d'une rose

Obsession poétique

Sonnet fuyant

Souffrance poétique

Obscur destin

Sonnet conforme

Le chemin de l'éternité

Empreinte du temps

Poésie de l'espoir

Concerto d'espoir

Les Griffes de l'Hiver

Lambeaux amnésiques

Promesses soyeuses

Horizon démasqué

Guitare

Guitare Solitaire

Fringants alexandrins

Le puits de l'ivresse

Le vent d'avant

Vengeance terrestre

L'Aveugle

Statue brisée

Evolutions vagabondes

Ivresse funeste

Arlequin désemparé

Nuit de Noël

Triste Noël

Flammes de l'Enfer

Quatre saisons

Espoir foudroyé

Frissons

Boucle temporelle

Suite ...

 

                                                                                                                    

 

 

Espoir foudroyé

 

 

Le feu de cheminée crépite son douillet appel à paresser.

L’horloge mâche les heures étirées devant l’âtre spacieux.

Les bûches rougeoyantes éclairent le réveillon couronné par la bûche étouffante.

Les chandeliers orchestrent un jeu d’ombres replètes pour égayer les convives repus.

Les enfants ensommeillés s’évanouissent sous des nuages de baisers oppressants.

La nappe, constellée de souillures sanglantes, se répand en cendres clairsemées.

 

L’aube apeurée débouche les ténèbres de la conscience interdite.

Le coq monotone pousse sa plainte mécanique.

L’enfer, éveillé par le vacarme terrestre, brandit le brasier cristallin de ses flammes vengeresses.

La trêve de Noël s’achève en éclairs amnésiques à l’angle de la solitude glacée du matin fébrile.

Le furieux orage infernal déconstruit l’avenir incertain à l’orée du silence désertique.

Le monde supplicié s’effiloche en spectres indécis aux confins de l’espoir foudroyé.

 

               

 

 

                                                                                                     

 

Frissons poétiques

 

 

Cher ami, croyez-moi, vos poèmes me touchent,

J’aime la fantaisie de vos sonnets charmants,

La belle agilité de vos enjambements,

Votre humour farfelu, vos chutes qui font mouche.

 

Mais vos propositions de rendez-vous sont louches,

Vous noircissez la page avec acharnement

Et vos désirs fiévreux deviennent alarmants.

Surtout n’espérez pas vous vautrer dans ma couche.

 

Nos quatrains enflammés quêtent le doux frisson

De nos plumes unies, vibrant à l’unisson

Dans une frénésie d’images flamboyantes.

 

Préférez l’écriture aux plaisirs de la chair,

Remisez au placard votre envie indécente

Qui condamne au bûcher la plupart de vos vers.

 

                                                                                                                     

 

 

Boucle temporelle

 

 

La nuit détale à tâtons.

Le matin se disperse

En ivresse inattendue,

Clairvoyante folie

Dans le tourbillon incendiaire

De la chair victorieuse.

 

Le soleil se déchire

Aux griffes du désir.

Le silence s'affole

Aux cris de la foule flétrie de solitude.

Le rêve s'abandonne

En lambeaux indociles.

 

Labyrinthe mensonger,

Manège monotone,

Le crépuscule silencieux

Achève sa boucle temporelle

En mouvements trembleurs

Au bord de l'éternité abolie.

 

                                                       

 

Statue brisée

Drapé d'éternité, constellé de souillures,
Il domine la place, impavide sauveur
Dont la froide statue conserve la rigueur
Sous les lances du temps qui heurtent son armure.

Il subit bravement le mépris, les tortures,
Les saletés des chiens, les graffitis vengeurs,
Les pigeons roucoulants, les pétales de fleurs,
Témoignant du passé pour les années futures.

Quand l'horizon s'égorge au bord de son shako,
Le carillon résonne en funestes échos,
Océan de regrets aux ténébreux rivages.

Le soldat s'abandonne, après un bref effort,
Au tourbillon vainqueur réduisant son image
En poussière mortelle, envolée vers le nord.

 

 



Évolutions vagabondes

Je vagabonde de vers sévère en verset versatile.
J'évolue en aveugle sur les vestiges de mes envies.
Mes aveux évasifs se travestissent en viles balivernes.
Mes vertiges volages lavent ma réserve revêche.

J'ensevelis la ville aux visages vides
Sous les volutes vespérales du caveau des vanités vaincues.
Mes rêves violents dévoilent l'envers de mes évidences frivoles.
Ma volonté vacille en vagues désinvoltes.

Mes souvenirs s'envolent au vent des vérités
Évaporées en bavardages véhéments.
Le volcan de ma fièvre volubile vomit sa lave venimeuse
Sur le versant équivoque de l'avenir vindicatif.

Je m'enivre hâtivement au ravin des voluptés
Avant de m'évanouir dans l'univers inversé.



Ivresse funeste

Dans ma nuit de charbon, j'étouffe ma conscience
Entre neige interdite et râpeux élixir,
Les bijoux enflammés troquant mon avenir
Contre un manteau moelleux camouflant mes souffrances.

À coups de dérisions, de pures déchéances,
Je lave ma raison au gouffre des plaisirs
Jusqu'à l'oubli glacé brûlant de m'engloutir
Dans les volutes bleues où mon âme s'élance.

L'ivresse m'envahit en vagues de sang blanc
Qui purifie mon cour des vastes faux-semblants,
Étendards saugrenus de ma vie mensongère.

Ma volonté s'effrite en fulgurants lambeaux,
Éclatant concerto de cris crépusculaires
Accompagnant mes pas au seuil de mon tombeau.



Arlequin désemparé

Arlequin désemparé
Je soliloque sombrement
Sur les remparts de ma conscience égarée.

Noyée de vains regrets
Ma mémoire se disloque
Dans l'océan de mes envies avortées.

Aux portes du désir calciné
Le silence emmuré
Mâche mes souvenirs amers.

À pas feutrés d'ennui
Je déconstruis l'avenir
Sur les bords de mon errance.

En boucles de tristesse cristalline
Je calcule mon chemin
Aux cartes du hasard moqueur.

Sous mon toit impassible
Ma silhouette oublieuse
Réchauffe sa solitude.

Effrayé d'exister si fort
Mon esprit s'évapore
En poèmes amnésiques.



Nuit de Noël

Décembre magistral ensevelit la ville
Sous le calme étoilé des diamants passagers
Que sa céleste main lance pour alléger
Les âmes tourmentées par des peines futiles.

Dans la nuit de Noël au parfum d'Évangile,
Les enfants rayonnants, leurs petits bras chargés
De cadeaux merveilleux, dès demain saccagés,
Sombrent dans la candeur de leurs rêves tranquilles.

Tandis que la froidure assaille les clochards,
La débauche s'invite aux tables des fêtards
Dont le festin étanche une année de tristesse.

Aux portes du matin, la cité s'assoupit,
Cependant qu'un ruisseau à la gadoue épaisse
Déverse dans les cours ses trombes de dépit.



Triste Noël

Noël saupoudre les écrans
De tables gorgées de volailles,
Promesses de folles ripailles
Perpétrées une fois par an.

Témoin du présent menacé,
Décembre étend ses griffes blanches
Sur les sapins aux longues branches
Chargées de diamants verglacés.

Aux portes des restos du cour,
Les sombres indigents se pressent
Pour une assiette de tristesse
Échangée contre leur pudeur.

Après la messe de minuit,
Les pratiquants troquent l'étable
Contre un festin interminable,
Drapé d'un ineffable ennui.



Flammes de l'enfer

Maintenant je souris aux flammes de l'enfer
Dont la bouche affamée lacère ma mémoire
En lambeaux calcinés de serments illusoires,
Emportés par le vent aux confins du désert.

Sous le feu infernal, un tourbillon amer
Déchiquette mon cour envahi d'ombres noires,
Fantômes desséchés sur l'insensé grimoire
De mes rêves flétris, incrustés dans ma chair.

Seule et désenchantée, j'oscille dans l'espace
Entre un soleil d'argent et des astres de glace,
Témoins indifférents de mon présent hagard.

Mon âme s'abandonne à la fervente étreinte
Du funèbre flambeau conduisant mon départ
Vers l'amnésie fatale où s'immolent mes craintes.


 

Quatre saisons

Tourbillon glacé
De désirs interdits
Tu éveilles ma neige ténébreuse
À hauteur de ta fantaisie
Diamant de l'hiver.

Gerbe de promesses
Pétale gorgé de soleil
Tu palpites et crépites
À l'aube de mes envies enfiévrées
Printemps jaillissant.

Vertige aveuglant
De volutes véloces
Tu valses sur la voûte voluptueuse
De mon ivresse inventive
Dans l'été avide.

Sur les notes monotones
Du saxophone ombreux
Les heures s'allongent
Le plaisir frissonne
Au ventre de l'automne étonné.

L'amour se construit
En feu d'artifice
Dans les replis
Du temps complice.


 

L'aveugle

Il darde obscurément sa canne trébuchante
Dont la froideur s'exprime en claquements brutaux,
Jouant sur le pavé le sombre concerto
De l'homme condamné aux ténèbres glaçantes.

Dans le printemps drapé de couleurs insolentes,
L'implacable néant referme son étau
Sur la prunelle éteinte, offerte en ex-voto
À l'avenir jonché d'illusions foudroyantes.

Sous le regard distrait d'impavides fêtards,
L'aveugle s'aventure aux confins du hasard,
Royaume dévasté, bordé de crépuscule.

Quand la ville s'étire au soleil de midi,
Il se fond dans sa nuit, impatient vestibule
De la mort attendue par son cour alourdi.

 


Vengeance terrestre

 

Sous le regard glacé d’un soleil impassible,

Tu berces l’être humain dans ton écrin soyeux,

Tu épuises ton sang pour l’enfant capricieux

Qui joue ta pureté aux cartes du possible.

 

Écorchée par les coups de ton fils inflexible

Dont l’esprit s’aventure en un monde radieux

Au parfum de mystère, en bordure des cieux,

Tu fomentes déjà ta vengeance terrible.

 

Plutôt que d’arborer tes moissons aux grains d’or,

En hiver, au printemps, tu brûles tes trésors,

Préférant le néant à la folie de l’homme.

 

Terre, tu sacrifies les clés de ton futur

Au puits des vanités qu’une ineffable gomme

Décompose aussitôt en tourbillons obscurs

 

 

 

Le vent d’avant

 

Le vent d’avant revient

Entraîner le voyageur

Dans une valse vaudou.

 

Le vagabond vitupère

Contre les violences vernaculaires

Du volcan aveuglant.

 

Facétieux ventriloque

Aux versets vindicatifs

Le typhon vomit ses vagues voraces.

 

Traversée de vives convulsions

La vallée verdoyante vacille

Aux confins du vide vertical.

 

L’ouragan développe son voile avide

Sur la ville aux boulevards visqueux

Pavés de visages ravinés.

 

 

 

 

 

Le puits de l’ivresse

 

 

À l’encre amère

De ta torpeur,

Le silence te blesse.

 

La fleur polaire

Creuse ton cœur

De ses doigts de tristesse.

 

Ton âme espère

Un vent d’ailleurs

Au parfum de kermesse.

 

Le gai tonnerre

Brûle tes pleurs,

Détruit ce qui t’oppresse.

 

Lève ton verre,

Jette ta peur

Dans le puits de l’ivresse.

 

 

 

 

 

Fringants alexandrins

 

 

Secourez l’écrivain, illuminez ses pages,

Entonnez le refrain de l’ardent plumitif,

Fringants alexandrins et quatrains expressifs,

Ornez de votre éclat son courageux ouvrage.

 

Tanguez, mots assemblés en superbes images,

D’élision en rejet, sur le fragile esquif

De l’esprit embrasé du poète naïf

Qui conte ses espoirs et ses joyeux voyages.

 

Embrassez-vous gaiement, rimes de qualité.

Au bout de vers grisants, venez nous enchanter

En semant dans nos cœurs votre exquise musique.

 

Syllabes enfilées en précieux chapelets,

Veillez à respecter la prosodie classique.

Concluez ce sonnet, point final, s’il vous plaît.

 

 

 

 

Guitare Solitaire

 

Complice reléguée au fond d'un étui noir
Dans l'échoppe exiguë d'un banal antiquaire,
La guitare s'ennuie, amante solitaire
Pleurant le compagnon perdu un triste soir.

Ensemble ils enflammaient les parcs et les trottoirs,
Ils donnaient de l'espoir à ceux qui désespèrent,
Du pochard bedonnant rêvant d'un dernier verre
À l'amant délaissé, vautré sur un comptoir.

L'instrument se replie à l'orée du silence,
Son vernis se fendille en amères souffrances,
Manche et corps racornis sous l'abandon brutal.

Quand deux voyous furieux incendient la boutique,
La guitare crépite un accord sépulcral,
Testament calciné en flambante musique.


 

 

Guitare

Dans la fraîcheur du soir, sur le quai de la gare,
De ses doigts exaltés, l'intrépide chanteur
Joue une mélodie aux accents enjôleurs
Dont le bouquet s'envole au gré de sa guitare.

À l'encre du regret où son âme s'égare,
Il compose un ruban de cristallines fleurs
Échappées dans le vent en perles de couleur
Comme la fumée bleue d'un éternel cigare.

Il  puise dans son cour des notes gorgées d'or
Qui déferlent cousues en scintillants accords
Sous les yeux ébahis des passants incrédules.

Le musicien entonne un hymne de plaisir
Qu'il dédie aux amants du discret crépuscule
Pendant que l'horizon commence à s'assombrir.


Promesses soyeuses

Au seuil de ton indifférence armée
Mes mots gorgés d'espoir se noient
Dans le ruisseau amnésique de tes sarcasmes.

À l'encre de mes souvenirs déchirés
L'araignée moqueuse tisse sa toile impassible
Au cour de mes émotions sanglantes.

Témoin de ma tristesse béante
Un quartier de lune grise s'effiloche
Au bord de la nuit silencieuse.

Le ciel glacé verse des gouttes d'ennui
Sur mon corps tremblant de funambule
Perdue à l'orée de l'avenir calciné.

À la lisière de mes désirs intrépides
Les orties lépreuses de nos souffrances se fanent
En fin tapis de promesses soyeuses.

Au centre intime de tes cauchemars fiévreux
Je creuse le chemin de nos lendemains somptueux
Dans l'écrin flamboyant de nos plaisirs complices.


 


Horizon démasqué

Sur le fil du hasard, l'arlequin se balance.
Solitaire engoncé sous sa peau de métal,
Il chasse ses regrets d'un geste machinal
Sous l'éther frissonnant aux accents d'une danse.

À l'angle du futur s'égorgent nos défenses
Constellées du remords de l'être sépulcral
Qui lacère l'espoir, son malheureux rival,
Victime abandonnée au gré de nos errances.

Sur l'océan visqueux de nos sombres erreurs,
Le pantin soliloque et confisque nos cours
Offerts en sacrifice au puits de l'amertume.

L'horizon démasqué se drape dans l'ennui
Échappé en secret d'un ciel chargé de brume
Pendant que le futur se nourrit de la nuit.

 



Lambeaux amnésiques

Le temps étire son ruban sévère
En chemin monotone
Constellé de reproches épineux.

Dans un repli de conscience
Un souvenir joyeux
Expire à l'infini.

Ivre d'incertitude
L'horizon inversé déploie ses vains regrets
Sur la terre insolente.

Sous la main du destin
Le carillon entonne un chant sépulcral
Au tranchant de rasoir.

À l'angle du silence glacé
Le futur calcule nos chances
Aux cartes du hasard impassible.

À la lisière de la déraison
L'histoire se déconstruit
En lambeaux amnésiques.

 

 

Les Griffes de l'hiver


J'offre mes yeux brûlés, l'ombre de mon sourire,
Mes souvenirs déçus, aux griffes de l'hiver,
Ces poignards acharnés qui lacèrent ma chair
En lambeaux exilés dans un sanglant empire.

Le vent glacé répand les accords de sa lyre
Sur la ville écrasée par le grisâtre éther,
Impassible gardien d'un vieux soleil amer
Dont les rayons pâlis nonchalamment s'étirent.

A l'orée de l'oubli, le fantôme du soir
Brûle mes illusions au creux d'un encensoir
Qui exhale un parfum de candeur enivrante.

Les frimas de la nuit étendent leur manteau
Au centre de mon âme où ma folie fomente
Un feu pétri de joie qui m'enflamme aussitôt.


 


Concerto d'espoir

Saltimbanque éclairé, je construis mon histoire
En sonnets ciselés, enfilades de vers,
Où dansent mes plaisirs et mes tourments amers,
Alexandrins soyeux fleuris dans ma mémoire.

À l'encre de mon cour, je noircis mon grimoire,
Je chasse les frimas qui tapissent l'éther.
Au gré de mes pinceaux, j'invente un univers
Où coule un élixir contre les idées noires.

Au fil de mes quatrains, j'arpente la cité.
Sur le quai de l'oubli, je m'obstine à chanter
Les refrains de mon âme aux accords de bohème.

Le rideau du mépris se change en chapiteau
Pendant que je déclame une strophe, un poème,
Perles de mon espoir sculptées en concerto.

 



Poésie de l'espoir

Je ne partage plus mes rêves d'autrefois
Qu'avec la poésie, amie de solitude.
Aux yeux cernés de mort, elle offre un interlude,
Le chant d'une cigale au milieu du grand froid.

La précision des mots fige mon désarroi
Découpé en carreaux griffés d'un geste rude.
En racontant ma vie avec exactitude,
J'invite mon poème à se moquer de moi.

J'invente une saison douce comme un automne,
Parfumée de musique et d'espoir qui bourdonne.
Au seuil de mon hiver, je détourne mes peurs.

J'extrade la souffrance au fil de l'écriture.
La tristesse abreuvée au puits de mes rancœurs
Se disperse à l'orée de mes phrases futures.

 

 

L’empreinte du temps

Solitaire et curieux, le fœtus se balance,
Maladroit, il s’agite au fond d’un gouffre noir.
Sa mère épouvantée par ses coups de boutoir
Attend l’accouchement comme une délivrance.

Dans son parc, le bambin sur les genoux avance.
Ce noble aventurier muni de son bavoir
Se dresse fièrement, marche et se laisse choir,
Préférant barboter dans sa première enfance.

Au bras de son destin, l’homme apprend à danser.
Il épuise sa vie à brûler le passé,
Un insondable ennui appesantit ses gestes.

La cruauté du temps lui détraque le dos,
L’empreinte de son corps disparaît sous sa veste,
Il s’exhorte à l’effort pour tirer son rideau.

 

 

 

Le chemin de l’éternité

J’écris des mots de sang
À l’encre de mes doutes
Pour les offrir au vent.

Je compose des tableaux
Surgis de ma mémoire
Ou nés de mon effroi.

Je trace ma route en moi,
Un chemin vers l’infini,
Une spirale de silence.

Je disloque le hasard,
Joie et revers de fortune
Étouffés dans ma main de glace.

Le flot tenace des heures
Vient mourir en moi
Dans un ennui de pierre.

J’annihile les saisons
Dans mes doigts de cristal.
Je m’abandonne au repos
D’une éternité moqueuse.



Sonnet conforme

Pour écrire un sonnet, j’aligne deux quatrains
Suivis de deux tercets et je soigne les rimes.
Trahir la prosodie serait un odieux crime,
Mes vers sont calibrés en beaux alexandrins.

La première est bouclée, j’ai cette strophe en main.
Je domine le thème, aisément je m’exprime
En des termes concrets et j’évite la frime.
Images raffinées, passez votre chemin.

Je construis le poème au rythme de ma plume.
Dès qu’elle est échauffée, elle a pris la coutume
D’accélérer l’allure et termine avant moi.

Je munis chaque vers d’un parfait hémistiche
Indiquant mon respect des règles d’autrefois
Et je ponctue sa fin par une rime riche.



Obscur destin

Je pleure sur les murs de toutes les prisons.
Frêle esquif ballotté, je cours et je me blesse
Sur les chardons glacés que cache la tendresse.
En moi s’éteint le monde, ultime déraison.

Sur la terre affolée s’effondre l’horizon,
L’espace s’abolit et le néant m’oppresse.
Sur le fil de l’effroi s’écorche ma faiblesse,
En dérive absolue, j’attends ma guérison.

Dans cette nuit de haine aux sanglotants mirages
S’élève une lueur, l’empreinte d’un visage,
Une illusion déçue qui lance des éclairs.

Dans la main du hasard, mon esprit se désole.
L’avenir écrasant trace des ronds dans l’air,
Mon destin facétieux s’assombrit et s’envole.



Souffrance poétique

Pour moi, écrire est difficile et douloureux. C’est une nécessité absolue comme la respiration mais c’est aussi ma pire souffrance, mon obsession impitoyable.

Je vis dans le doute permanent, tout m’affole, je suis complètement nouée de l’intérieur. Par-dessus tout, je redoute la panne d’inspiration, la mort de l’écrivain, ma mort complète puisque je vis exclusivement par l’écriture. J’ai peur de régresser, de m’exprimer moins bien, de m’enliser dans mon propre style, de me répéter, de me parodier de plus en plus mal, j’ai peur de devenir mon ombre ennuyeuse, un pantin ridicule.

Je suis obsédée par la perfection, le souci de la rigueur, effrayée à la perspective d’une malheureuse erreur de ponctuation. La simple évocation d’une éventuelle faute d’orthographe me fait frémir.

L’écriture en elle-même ne m’apaise pas. Avant de m’y mettre, je me torture pour trouver le sujet et la forme du poème. Les premières phrases s’écrivent au fil de mes doutes sur le bien-fondé de ce texte. J’avance pas à pas, j’écris avec lucidité, contrôle, réflexion et non sous l’emprise d’une grâce divine. Enfin vient le moment du point final vécu comme une libération, la sensation du beau travail accompli, une jouissance fugitive.

Hélas, le climax moqueur m’échappe aussitôt, remplacé par le cortège de contraintes post-poème. Tout d’abord, je m’astreins à vérifier interminablement chaque phrase, chaque mot, chaque syllabe jusqu’à épuisement de ma vigilance. Ensuite, je publie mon texte sur Internet et je réponds aux questions et critiques avec patience et humilité.

Ainsi, une page se tourne dans le recueil de ma vie. Je garde les mêmes angoisses, les mêmes incertitudes et je prends une page vierge pour une nouvelle aventure.

Celui-ci est un poème spécial, le poème de ma vie écrit à l’encre sanglante de mes doutes et de mon désir de partage. Je l’offre à mes amis poètes qui se reconnaîtront dans ces mots, à ceux qui savent la souffrance et la violence tapies dans l’ombre de nos textes.



Sonnet fuyant

Ce sonnet malicieux aura raison de moi.
Mes chers alexandrins ont perdu la boussole.
Toute la prosodie passe à la casserole,
Seul le premier quatrain en respecte les lois.

Deuxième strophe et début de l’effroi,
Hexasyllabe ou bien je deviens folle ?
Au fil des vers, ce poème s’envole.
Pour l’apaiser, je prends ma douce voix.

Comme le sang d’une blessure,
Ce tercet file à vive allure.
J’aperçois déjà le suivant.

La chute brève
S’enfuit au vent
Avec mes rêves.



Obsession poétique

De mon âme blessée jaillissent des poèmes,
Des images d’effroi, de l’espoir et des fleurs.
D’un gouffre d’abandon, j’extirpe des couleurs,
J’écris avec mon sang, palpitant anathème.

Je cueille les sujets dans mon jardin de gemmes.
Le puits de ma mémoire exhalant mes douleurs,
Le minéral chagrin qui alourdit mon cœur,
Côtoient dans mes sonnets les joies de ma bohème.

Quand le flot de mes mots s’endort ou se tarit,
Une vague d’ennui envahit mon esprit,
Un silence de pierre écrase mon espace.

Je fuis l’humanité dans mes nuits de cristal.
Je compose ma vie et le monde s’efface,
Il revient au matin sous un soleil brutal.


 

Pensées d’une rose

Reine de vos jardins, de teinte rouge ou blanche,
Au gré des émotions, je change de couleur.
Des perles de rosée exaltent ma splendeur.
Ma robe de velours embellit vos dimanches.

Rose dans un bouquet, mes effluves s’épanchent
En essence de joie qui éloigne les pleurs.
Mes pétales soyeux, mon habit de douceur,
Raccommodent les cœurs, l’amour prend sa revanche.

Vous me donnez la mort pour un tendre motif.
Qu’importe si demain j’offre à un vent furtif
Les restes de mon corps dépouillé de sa sève.

Victime sacrifiée, troublée par votre émoi,
J’assiste à vos ébats dès que le jour s’achève.
Pourvu que dans le ciel Dieu prenne soin de moi.




Flânerie au bord du lac

Portée par le zéphyr caressant mon visage,
Je flâne au bord du lac, j'observe les canards.
Le muret écroulé où paresse un lézard,
Le vieux chêne ombrageux surveillant le barrage.

La perdrix assoiffée pousse des cris sauvages,
Reproches destinés au soleil dont les dards
Brûlent dès le matin les pâles nénuphars
Sous un ciel orgueilleux dépourvu de nuage.

J'écoute murmurer les feuillages soyeux.
Des poissons élancés jaillissent sous mes yeux,
Composant pour moi seule une danse magique.

Le chemin du retour embaumant le jasmin
Déroule sous mes pas sa moelleuse tunique,
Discrète invitation à revenir demain.


 

Au creux de ses rêves

 

 

Elle raconte sa bohème

En peignant des tableaux,

Mêle son rire à ses sanglots

Dans de tendres poèmes.

 

Elle habite au creux de ses rêves

Avec des mots charmants.

Elle épuise son jeune amant

Dès que le jour se lève.

 

Elle déchire le silence

En réveillant le coq.

Sur un air de jazz ou de rock,

Ses pensées se balancent.

 

Elle se moque de la gloire

Et des méchants garçons.

Elle enregistre des chansons

Au cœur de sa mémoire.

 

                                                                                                                 

 

Porte hésitante

 

 

L’essuie-glace balance

Ses jambes de danseuse

Devant mes yeux éteints.

 

La porte hésite à tourner

Devant la neige salie

J’attends en ravaudant mes cendres.

 

Le vent secoue mes chaînes

La porte reste close sur ton absence

Je me fige dans ma soif silencieuse.

 

Dans les plis d’une nuit divisée

En carreaux de souffrance

Les ombres paressent sous ton porche.

 

Le corps fumant dans l’air glacé

Je surveille ta maison endormie

Qui se moque de mes désirs saugrenus.

 

Livrée à un possible rai de lumière

Je jette un drap sur mon hiver

À l’orée d’un phosphore d’espoir.

 

 

 

 


Torpeur de juillet

 

 

Allongée bras en croix, je prie pour qu’un orage

Lessive la torpeur qui plombe mon esprit.

J’étouffe sous le corps d’une chauve-souris,

Le vampire poisseux prend ma chair en otage.

 

Juillet me liquéfie, je m’exhorte au courage

En rêvant de l’automne et de nuages gris.

Un gai soleil moqueur efface mes écrits,

J’assèche mes idées au fil de mes breuvages.

 

Transformée en mollusque, immobile, j’attends,

Prête à damner mon âme ou à payer comptant

Pour poser sur ma peau une chape de glace.

 

Je quitte mon absence à l’approche du soir,

Comme un songe oublié, ma paresse s’efface,

Mon âme se ressource à l’orée d’un ciel noir.

 

      

                                                                                                              

  Je dis l’enfance

 

 Je dis l’enfance solitaire

Vécue dans mes rêves secrets

Mes premiers émois littéraires

L’odeur du chocolat au lait.

 

Je dis la table du dimanche

La pintade au four et le riz

Mon aversion pour l’aube blanche

De ma communion à Paris.

 

Je dis les chères cigarettes

Fumées dans un sombre recoin

Les premiers verres dans les fêtes

Les moqueries de mes copains.

 

Je dis l’attente des vacances

La joie de quitter la cité

D’oublier les odeurs d’essence

Au cœur de la Franche-Comté.

 

                                                                                                                    


  Labyrinthe de solitude

 

 

Marionnette ridicule,

Je déambule minuscule

Dans la ville impassible.

 

Le labyrinthe de solitude fardée

M’entraîne dans sa toile glacée.

Je renonce à comprendre,

Manipulée par les dés du destin.

 

L’araignée me prend au piège,

Les perles de lumière sur ses pattes

Forment un carrousel de joie,

Croisement entre effroi et rédemption.

 

Je me noie dans les fils

De la tendre prison soyeuse.

À l’orée du mensonge inextricable,

J’étouffe les sanglots de mon âme désertée.

 

 

 

 

 

Éteindre le soleil

 

 

Je cherche le moyen d’éteindre le soleil

Qui me change en brasier de la tête aux orteils.

Tandis que ses rayons enchantent les cigales,

Je rêve de fraîcheur et de neige hivernale.

Enivrée de chaleur, je bois des litres d’eau,

Je demeure immobile, allongée sur le dos.

L’inspiration me fuit, mes idées m’abandonnent.

Il ne me reste plus qu’à attendre l’automne.

Cet astre malveillant aura raison de moi

S’il s’obstine demain à incendier mon toit.

 

                                                                                                                    

 

Empreintes

 

 

Je connais par cœur mes empreintes.

Ces compagnes sournoises,

Imprimées sur le bout de mes doigts

Forment un miroir involontaire.

 

Je chemine en équilibre

Au bord de mes espoirs brisés,

Érigés en cicatrices brûlantes,

Éclats de destin collés sur ma peau.

 

J’accorde ma raison à l’exil des morts.

De cendre tiède en abandon,

Je compose avec mon sort

Un bouquet de chardons.

 

Je troque mon histoire truquée

Et mes nuits de trac solitaire

Contre une tête d’un seul bloc,

Un corps solide comme un roc.

 

                                                                                                                    


 

Village en juillet

 

 

Un soleil de juillet aux accents monotones

Ruisselle doucement sur le village en fleurs.

Il transforme le ciel en voile de touffeur

Brûlant comme la joie que les amants se donnent.

 

La vie se ralentit sous la chaude cretonne

Qui apporte aux jardins un parfum de bonheur.

Les pinceaux de l’été inventent des couleurs

Si vives que les prés et les hommes s’étonnent.

 

Les chênes, les bouleaux, en tenue d’apparat,

Offrent aux nids d’oiseaux le secret de leurs bras.

La rivière murmure au pied de la colline.

 

Quand l’alcôve céleste étend son manteau noir,

La nature s’endort et les fermiers cheminent

Vers leurs blanches maisons pour le repas du soir.

 

 

 

 

 

Labyrinthe temporel

 

 

Empreinte calcinée Emprunt puni Souvenir blessé

Poisse glacée

 

Décombres mouillés Sable souillé Labyrinthe désert

Déception poisseuse

 

Précipice sanglant Remords obscur Rébellion mentale

Porte figée

 

J’avance

Sur un fil

Minuscule

En inventant

Mon chemin

Entre hier

Et demain

 

Poussière obsédante Certitude égorgée Avenir brutalisé

Torture hypnotique

 

           

 

 

J’aime les bars

 

 

J’aime les bars mal fréquentés

Peuplés de sinistres ivrognes,

De ceux qui se mettraient en rogne

Devant une tasse de thé.

 

J’aime les cabarets discrets

Où des bourgeois à grise mine

Se livrent à des envies coquines

Dont ils garderont le secret.

 

J’aime les bistrots parisiens,

Les comptoirs fleuris de gars rudes

Qui échangent leur solitude

Contre l’ivresse des vauriens.

 

J’aime les cafés démodés

Choisis par des odieux vandales

Pour mettre un terme à la spirale

Qui joue leur avenir aux dés.

 

 

 

 

 

Le pouvoir des mots

 

 Le lieu où j’ai grandi

C’est le cahier inachevé

Fleuri de mes rêves secrets

Avec la saveur défendue

Du paradis de mon enfance.

 

Le lieu où j’ai grandi

C’est la tendresse imaginaire

De ma famille d’adoption

Dans le village de Pagnol

En compagnie du Petit Prince.

 

Le lieu où j’ai grandi

C’est le plaisir des mots nouveaux

Comme un appel interminable

À noyer la monotonie

Dans un encrier Waterman.

 

Le lieu où j’ai grandi

C’est la peur de la page blanche

Qui me condamne chaque jour

À douter à perpétuité

Jusqu’au bout de la solitude.

 

                                                                                                                  

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