Espoir foudroyé
Le feu de cheminée crépite son douillet appel à paresser.
L’horloge mâche les heures étirées devant l’âtre spacieux.
Les bûches rougeoyantes éclairent le réveillon couronné par la bûche étouffante.
Les chandeliers orchestrent un jeu d’ombres replètes pour égayer les convives repus.
Les enfants ensommeillés s’évanouissent sous des nuages de baisers oppressants.
La nappe, constellée de souillures sanglantes, se répand en cendres clairsemées.
L’aube apeurée débouche les ténèbres de la conscience interdite.
Le coq monotone pousse sa plainte mécanique.
L’enfer, éveillé par le vacarme terrestre, brandit le brasier cristallin de ses flammes vengeresses.
La trêve de Noël s’achève en éclairs amnésiques à l’angle de la solitude glacée du matin fébrile.
Le furieux orage infernal déconstruit l’avenir incertain à l’orée du silence désertique.
Le monde supplicié s’effiloche en spectres indécis aux confins de l’espoir foudroyé.
Cher ami, croyez-moi, vos poèmes me touchent,
J’aime la fantaisie de vos sonnets charmants,
La belle agilité de vos enjambements,
Votre humour farfelu, vos chutes qui font mouche.
Mais vos propositions de rendez-vous sont louches,
Vous noircissez la page avec acharnement
Et vos désirs fiévreux deviennent alarmants.
Surtout n’espérez pas vous vautrer dans ma couche.
Nos quatrains enflammés quêtent le doux frisson
De nos plumes unies, vibrant à l’unisson
Dans une frénésie d’images flamboyantes.
Préférez l’écriture aux plaisirs de la chair,
Remisez au placard votre envie indécente
Qui condamne au bûcher la plupart de vos vers.
La nuit détale à tâtons.
Le matin se disperse
En ivresse inattendue,
Clairvoyante folie
Dans le tourbillon incendiaire
De la chair victorieuse.
Le soleil se déchire
Aux griffes du désir.
Le silence s'affole
Aux cris de la foule flétrie de solitude.
Le rêve s'abandonne
En lambeaux indociles.
Labyrinthe mensonger,
Manège monotone,
Le crépuscule silencieux
Achève sa boucle temporelle
En mouvements trembleurs
Au bord de l'éternité abolie.
Sous le regard glacé d’un soleil impassible,
Tu berces l’être humain dans ton écrin soyeux,
Tu épuises ton sang pour l’enfant capricieux
Qui joue ta pureté aux cartes du possible.
Écorchée par les coups de ton fils inflexible
Dont l’esprit s’aventure en un monde radieux
Au parfum de mystère, en bordure des cieux,
Tu fomentes déjà ta vengeance terrible.
Plutôt que d’arborer tes moissons aux grains d’or,
En hiver, au printemps, tu brûles tes trésors,
Préférant le néant à la folie de l’homme.
Terre, tu sacrifies les clés de ton futur
Au puits des vanités qu’une ineffable gomme
Décompose aussitôt en tourbillons obscurs
Le vent d’avant revient
Entraîner le voyageur
Dans une valse vaudou.
Le vagabond vitupère
Contre les violences vernaculaires
Du volcan aveuglant.
Facétieux ventriloque
Aux versets vindicatifs
Le typhon vomit ses vagues voraces.
Traversée de vives convulsions
La vallée verdoyante vacille
Aux confins du vide vertical.
L’ouragan développe son voile avide
Sur la ville aux boulevards visqueux
Pavés de visages ravinés.
À l’encre amère
De ta torpeur,
Le silence te blesse.
La fleur polaire
Creuse ton cœur
De ses doigts de tristesse.
Ton âme espère
Un vent d’ailleurs
Au parfum de kermesse.
Le gai tonnerre
Brûle tes pleurs,
Détruit ce qui t’oppresse.
Lève ton verre,
Jette ta peur
Dans le puits de l’ivresse.
Secourez l’écrivain, illuminez ses pages,
Entonnez le refrain de l’ardent plumitif,
Fringants alexandrins et quatrains expressifs,
Ornez de votre éclat son courageux ouvrage.
Tanguez, mots assemblés en superbes images,
D’élision en rejet, sur le fragile esquif
De l’esprit embrasé du poète naïf
Qui conte ses espoirs et ses joyeux voyages.
Embrassez-vous gaiement, rimes de qualité.
Au bout de vers grisants, venez nous enchanter
En semant dans nos cœurs votre exquise musique.
Syllabes enfilées en précieux chapelets,
Veillez à respecter la prosodie classique.
Concluez ce sonnet, point final, s’il vous plaît.
Le chemin de l’éternité
J’écris des mots de sang
À l’encre de mes doutes
Pour les offrir au vent.
Je compose des tableaux
Surgis de ma mémoire
Ou nés de mon effroi.
Je trace ma route en moi,
Un chemin vers l’infini,
Une spirale de silence.
Je disloque le hasard,
Joie et revers de fortune
Étouffés dans ma main de glace.
Le flot tenace des heures
Vient mourir en moi
Dans un ennui de pierre.
J’annihile les saisons
Dans mes doigts de cristal.
Je m’abandonne au repos
D’une éternité moqueuse.
Sonnet conforme
Pour écrire un sonnet, j’aligne deux quatrains
Suivis de deux tercets et je soigne les rimes.
Trahir la prosodie serait un odieux crime,
Mes vers sont calibrés en beaux alexandrins.
La première est bouclée, j’ai cette strophe en main.
Je domine le thème, aisément je m’exprime
En des termes concrets et j’évite la frime.
Images raffinées, passez votre chemin.
Je construis le poème au rythme de ma plume.
Dès qu’elle est échauffée, elle a pris la coutume
D’accélérer l’allure et termine avant moi.
Je munis chaque vers d’un parfait hémistiche
Indiquant mon respect des règles d’autrefois
Et je ponctue sa fin par une rime riche.
Obscur destin
Je pleure sur les murs de toutes les prisons.
Frêle esquif ballotté, je cours et je me blesse
Sur les chardons glacés que cache la tendresse.
En moi s’éteint le monde, ultime déraison.
Sur la terre affolée s’effondre l’horizon,
L’espace s’abolit et le néant m’oppresse.
Sur le fil de l’effroi s’écorche ma faiblesse,
En dérive absolue, j’attends ma guérison.
Dans cette nuit de haine aux sanglotants mirages
S’élève une lueur, l’empreinte d’un visage,
Une illusion déçue qui lance des éclairs.
Dans la main du hasard, mon esprit se désole.
L’avenir écrasant trace des ronds dans l’air,
Mon destin facétieux s’assombrit et s’envole.
Souffrance poétique
Pour moi, écrire est difficile et douloureux. C’est une nécessité absolue comme la respiration mais c’est aussi ma pire souffrance, mon obsession impitoyable.
Je vis dans le doute permanent, tout m’affole, je suis complètement nouée de l’intérieur. Par-dessus tout, je redoute la panne d’inspiration, la mort de l’écrivain, ma mort complète puisque je vis exclusivement par l’écriture. J’ai peur de régresser, de m’exprimer moins bien, de m’enliser dans mon propre style, de me répéter, de me parodier de plus en plus mal, j’ai peur de devenir mon ombre ennuyeuse, un pantin ridicule.
Je suis obsédée par la perfection, le souci de la rigueur, effrayée à la perspective d’une malheureuse erreur de ponctuation. La simple évocation d’une éventuelle faute d’orthographe me fait frémir.
L’écriture en elle-même ne m’apaise pas. Avant de m’y mettre, je me torture pour trouver le sujet et la forme du poème. Les premières phrases s’écrivent au fil de mes doutes sur le bien-fondé de ce texte. J’avance pas à pas, j’écris avec lucidité, contrôle, réflexion et non sous l’emprise d’une grâce divine. Enfin vient le moment du point final vécu comme une libération, la sensation du beau travail accompli, une jouissance fugitive.
Hélas, le climax moqueur m’échappe aussitôt, remplacé par le cortège de contraintes post-poème. Tout d’abord, je m’astreins à vérifier interminablement chaque phrase, chaque mot, chaque syllabe jusqu’à épuisement de ma vigilance. Ensuite, je publie mon texte sur Internet et je réponds aux questions et critiques avec patience et humilité.
Ainsi, une page se tourne dans le recueil de ma vie. Je garde les mêmes angoisses, les mêmes incertitudes et je prends une page vierge pour une nouvelle aventure.
Celui-ci est un poème spécial, le poème de ma vie écrit à l’encre sanglante de mes doutes et de mon désir de partage. Je l’offre à mes amis poètes qui se reconnaîtront dans ces mots, à ceux qui savent la souffrance et la violence tapies dans l’ombre de nos textes.
Sonnet fuyant
Ce sonnet malicieux aura raison de moi.
Mes chers alexandrins ont perdu la boussole.
Toute la prosodie passe à la casserole,
Seul le premier quatrain en respecte les lois.
Deuxième strophe et début de l’effroi,
Hexasyllabe ou bien je deviens folle ?
Au fil des vers, ce poème s’envole.
Pour l’apaiser, je prends ma douce voix.
Comme le sang d’une blessure,
Ce tercet file à vive allure.
J’aperçois déjà le suivant.
La chute brève
S’enfuit au vent
Avec mes rêves.
Obsession poétique
De mon âme blessée jaillissent des poèmes,
Des images d’effroi, de l’espoir et des fleurs.
D’un gouffre d’abandon, j’extirpe des couleurs,
J’écris avec mon sang, palpitant anathème.
Je cueille les sujets dans mon jardin de gemmes.
Le puits de ma mémoire exhalant mes douleurs,
Le minéral chagrin qui alourdit mon cœur,
Côtoient dans mes sonnets les joies de ma bohème.
Quand le flot de mes mots s’endort ou se tarit,
Une vague d’ennui envahit mon esprit,
Un silence de pierre écrase mon espace.
Je fuis l’humanité dans mes nuits de cristal.
Je compose ma vie et le monde s’efface,
Il revient au matin sous un soleil brutal.
Pensées d’une rose
Reine de vos jardins, de teinte rouge ou blanche,
Au gré des émotions, je change de couleur.
Des perles de rosée exaltent ma splendeur.
Ma robe de velours embellit vos dimanches.
Rose dans un bouquet, mes effluves s’épanchent
En essence de joie qui éloigne les pleurs.
Mes pétales soyeux, mon habit de douceur,
Raccommodent les cœurs, l’amour prend sa revanche.
Vous me donnez la mort pour un tendre motif.
Qu’importe si demain j’offre à un vent furtif
Les restes de mon corps dépouillé de sa sève.
Victime sacrifiée, troublée par votre émoi,
J’assiste à vos ébats dès que le jour s’achève.
Pourvu que dans le ciel Dieu prenne soin de moi.
Elle raconte sa bohème
En peignant des tableaux,
Mêle son rire à ses sanglots
Dans de tendres poèmes.
Elle habite au creux de ses rêves
Avec des mots charmants.
Elle épuise son jeune amant
Dès que le jour se lève.
Elle déchire le silence
En réveillant le coq.
Sur un air de jazz ou de rock,
Ses pensées se balancent.
Elle se moque de la gloire
Et des méchants garçons.
Elle enregistre des chansons
Au
cœur de sa mémoire.
L’essuie-glace balance
Ses jambes de danseuse
Devant mes yeux éteints.
La porte hésite à tourner
Devant la neige salie
J’attends en ravaudant mes cendres.
Le vent secoue mes chaînes
La porte reste close sur ton absence
Je me fige dans ma soif silencieuse.
Dans les plis d’une nuit divisée
En carreaux de souffrance
Les ombres paressent sous ton porche.
Le corps fumant dans l’air glacé
Je surveille ta maison endormie
Qui se moque de mes désirs saugrenus.
Livrée à un possible rai de lumière
Je jette un drap sur mon hiver
À l’orée d’un phosphore d’espoir.
Allongée bras en croix, je prie pour qu’un orage
Lessive la torpeur qui plombe mon esprit.
J’étouffe sous le corps d’une chauve-souris,
Le vampire poisseux prend ma chair en otage.
Juillet me liquéfie, je m’exhorte au courage
En rêvant de l’automne et de nuages gris.
Un gai soleil moqueur efface mes écrits,
J’assèche mes idées au fil de mes breuvages.
Transformée en mollusque, immobile, j’attends,
Prête à damner mon âme ou à payer comptant
Pour poser sur ma peau une chape de glace.
Je quitte mon absence à l’approche du soir,
Comme un songe oublié, ma paresse s’efface,
Mon âme se ressource à l’orée d’un ciel noir.
Vécue dans mes rêves secrets
Mes premiers émois littéraires
L’odeur du chocolat au lait.
Je dis la table du dimanche
La pintade au four et le riz
Mon aversion pour l’aube blanche
De ma communion à Paris.
Je dis les chères cigarettes
Fumées dans un sombre recoin
Les premiers verres dans les fêtes
Les moqueries de mes copains.
Je dis l’attente des vacances
La joie de quitter la cité
D’oublier les odeurs d’essence
Au cœur de la Franche-Comté.
Marionnette ridicule,
Je déambule minuscule
Dans la ville impassible.
Le labyrinthe de solitude fardée
M’entraîne dans sa toile glacée.
Je renonce à comprendre,
Manipulée par les dés du destin.
L’araignée me prend au piège,
Les perles de lumière sur ses pattes
Forment un carrousel de joie,
Croisement entre effroi et rédemption.
Je me noie dans les fils
De la tendre prison soyeuse.
À l’orée du mensonge inextricable,
J’étouffe les sanglots de mon âme désertée.
Je cherche le moyen d’éteindre le soleil
Qui me change en brasier de la tête aux orteils.
Tandis que ses rayons enchantent les cigales,
Je rêve de fraîcheur et de neige hivernale.
Enivrée de chaleur, je bois des litres d’eau,
Je demeure immobile, allongée sur le dos.
L’inspiration me fuit, mes idées m’abandonnent.
Il ne me reste plus qu’à attendre l’automne.
Cet astre malveillant aura raison de moi
S’il s’obstine demain à incendier mon toit.
Je connais par cœur mes empreintes.
Ces compagnes sournoises,
Imprimées sur le bout de mes doigts
Forment un miroir involontaire.
Je chemine en équilibre
Au bord de mes espoirs brisés,
Érigés en cicatrices brûlantes,
Éclats de destin collés sur ma peau.
J’accorde ma raison à l’exil des morts.
De cendre tiède en abandon,
Je compose avec mon sort
Un bouquet de chardons.
Je troque mon histoire truquée
Et mes nuits de trac solitaire
Contre une tête d’un seul bloc,
Un corps solide comme un roc.
Un soleil de juillet aux accents monotones
Ruisselle doucement sur le village en fleurs.
Il transforme le ciel en voile de touffeur
Brûlant comme la joie que les amants se donnent.
La vie se ralentit sous la chaude cretonne
Qui apporte aux jardins un parfum de bonheur.
Les pinceaux de l’été inventent des couleurs
Si vives que les prés et les hommes s’étonnent.
Les chênes, les bouleaux, en tenue d’apparat,
Offrent aux nids d’oiseaux le secret de leurs bras.
La rivière murmure au pied de la colline.
Quand l’alcôve céleste étend son manteau noir,
La nature s’endort et les fermiers cheminent
Vers leurs blanches maisons pour le repas du soir.
Empreinte calcinée Emprunt puni Souvenir blessé
Poisse glacée
Décombres mouillés Sable souillé Labyrinthe désert
Déception poisseuse
Précipice sanglant Remords obscur Rébellion mentale
Porte figée
J’avance
Sur un fil
Minuscule
En inventant
Mon chemin
Entre hier
Et demain
Poussière obsédante Certitude égorgée Avenir brutalisé
Torture hypnotique
J’aime les bars mal fréquentés
Peuplés de sinistres ivrognes,
De ceux qui se mettraient en rogne
Devant une tasse de thé.
J’aime les cabarets discrets
Où des bourgeois à grise mine
Se livrent à des envies coquines
Dont ils garderont le secret.
J’aime les bistrots parisiens,
Les comptoirs fleuris de gars rudes
Qui échangent leur solitude
Contre l’ivresse des vauriens.
J’aime les cafés démodés
Choisis par des odieux vandales
Pour mettre un terme à la spirale
Qui joue leur avenir aux dés.
C’est le cahier inachevé
Fleuri de mes rêves secrets
Avec la saveur défendue
Du paradis de mon enfance.
Le lieu où j’ai grandi
C’est la tendresse imaginaire
De ma famille d’adoption
Dans le village de Pagnol
En compagnie du Petit Prince.
Le lieu où j’ai grandi
C’est le plaisir des mots nouveaux
Comme un appel interminable
À noyer la monotonie
Dans un encrier Waterman.
Le lieu où j’ai grandi
C’est la peur de la page blanche
Qui me condamne chaque jour
À douter à perpétuité
Jusqu’au bout de la solitude.
Mesure
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