PATRICIA GUENOT

 

Verbe calciné

Urgence à ce taire

Pactiser ...

Avenir disloqué

An nouveau

Avenir déjoué

Amnésie secourable

Le puits de mes transes

Fringants alexandrins

Avenir Voluptueux

Au diable...

Sombre troquet

Poète disert

Nuit limpide

Château à bâtir

Stylo à sonnet

Mon coeur mis à nu

Conte de l'Epiphanie

Lac argenté

Maison de Poésie

Déclaration virtuelle

Diane désarmée

Mon réveil

Exaltant voyage

Café amer

Aigle funeste

Les Croyants

Rendez-vous au bar de l'amertume

Silence germinatif

Arrêtons ce naufrage

Toute une vie à endurer

Chemin de notre extase

Ciel d'hiver

Morte saison

Fleur incendiaire

Désert silencieux

Fête champêtre

Bateau amnésique

Aube délivrée

Suite




Fête champêtre

L'amour sourit, jouez violons, tintez glaçons.
Soleil, enflamme-toi pour que les regards brillent.
Zéphyr, viens tournoyer sous les robes des filles.
Musiciens de nos cœurs, chantez à l'unisson.

Messieurs les hôteliers, donnez-nous des boissons
Aux effets si puissants que nos corps s'émoustillent.
Inventez des saveurs qui charment nos papilles,
Un concerto de goûts déclenchant le frisson.

Oiseaux, poussez ce soir les plus gais de vos trilles.
Chardonnerets craintifs et espiègles pinsons,
Célébrez la forêt, courtisez les jonquilles.

Villageoises, dansez sous les feux polissons
D'une lune insensée dont les lueurs sautillent
Pour que vous rayonniez devant les beaux garçons.



Bateau amnésique

Mon cour tangue ce soir sur l'océan amer
Où flottent tristement les lambeaux dérisoires
De l'amour délaissé sous le sombre grimoire
D'un ciel si éloquent qu'il s'exhorte à l'hiver.

Ballottée par le flot des mensonges diserts
Qui jettent sur demain le voile des nuits noires,
Je traque ton sourire au fond de ma mémoire,
À l'abri des douleurs envahissant ma chair.

La houle de l'ennui immerge le navire
De ma nuit solitaire où mes regrets s'étirent
En cauchemars glacés aux visages blafards.

Mon bateau amnésique essuie l'écume sale
Du bonheur effondré sous le mortel rempart
De la monotonie d'un futur sans escale.




Aube délivrée

Dans mon linceul de pierre,
J'appelle la caresse du vent
À dissiper la nuit monotone
Hésitant entre hier et demain
Sous un ciel de désespérance.

Au centre du silence sableux,
L'espace se déconstruit
En boucles de défaillance
Dans le désert de l'oubli,
À la lisière de la rupture.

Aux confins de l'incertitude,
En marge du hasard aboli,
L'avenir évalue nos défaites
Sous l'orbe de la lune qui décante
L'amande amère de mon regard.

Dans mon tombeau desséché,
J'écoute la pluie tutélaire
Dilapider la cendre des choses
Sous l'hélice de l'aube délivrée,
À l'orée de ma renaissance.

 

Désert silencieux

L'homme, pour se distraire, invente des supplices
Qui crachent des torrents de brûlant désespoir
Sur la terre épuisée par les coups de boutoir
Que son enfant funeste assène avec malice.

Il boit jusqu'à la lie l'ineffable calice
De la sauvagerie sur le fil du rasoir,
Condamne sans rougir son frère à l'abattoir
Au nom de l'avenir épris de sacrifices.

L'homme joue son destin aux cartes de la mort
Sous le regard déçu du soleil qui s'endort
À l'orée d'un futur de glaçantes ténèbres.

Un désert silencieux remplacera demain
D'atroces défilés de spectacles funèbres
Dans un monde apaisé, oubliant les humains.

 

Silence germinatif

Dans le ventre de la nuit,
Je hurle le silence germinatif
Illuminant ma solitude.

Mon rêve interdit s’enlise
Dans l’espace rongé
Par ta défaillance.

Je déserte mes souvenirs mensongers,
Dissous en tremblements de voix
Formant la mélodie de mes sarcasmes.

Je déplie l’avenir insolent
Sur le grillage de ma poitrine
Pour conjurer ton abandon.

Le temps se dilapide
En compromis indécents
Désarmant mes impatiences.

Désistée en moi-même,
Au cœur du néant fatigué,
J’appelle à mon secours.



Arrêtons ce naufrage

Nous n’avons plus rien à nous dire.
Notre amour s’est enfui
De nos vies parfumées d’ennui.
N’attendons pas le pire.

Mon cœur désormais solitaire
Pleure notre passé,
Nos corps tendrement enlacés
Dans l’étreinte éphémère.

Le temps a dévasté les rêves
Qui embrasaient nos yeux.
Ce matin, sous un ciel pluvieux,
Notre histoire s’achève.

À l’heure de tourner la page,
Un regret nous surprend.
Séchons nos sanglots déchirants.
Arrêtons ce naufrage.




Toute une vie à endurer

Lundi, retourner au boulot
Mardi, glisser dans la monotonie
Mercredi, s’occuper des marmots
Jeudi, se rouler dans l’ennui
Vendredi, manger du poisson pas bon
Samedi, affronter la fureur du centre commercial
Dimanche, pour couronner le tout, aller à la messe.

Une semaine de corvées,
Toute une vie à endurer.




Chemin de notre extase

J’écris le poème de ma tendresse
À l’encre de mes envies foudroyantes.
À pas feutrés de désir,
Je m’invite dans ton rêve silencieux.
Je me glisse dans les interstices
De ta nuit désertique.

Je lèche tes doutes palpitants.
Je mords ton sommeil monotone.
Dans les replis de tes réticences,
Je cueille les perles de nos joies.
À l’orée de ta pudeur défaillante,
J’invente le chemin de notre extase.

Dans la nudité profonde du néant,
Je plonge à la naissance de tes frissons.
Accordée à ton souffle,
Je sculpte l’abîme de ton plaisir
Au centre de ta soif ineffable,
Dans l’éclat de nos rires mêlés.




Ciel d’hiver

L’hiver grime le ciel d’un voile de cafard
Peuplé de noirs démons, ces charbonneux nuages
Déversant leur ennui sur de sombres vitrages
En flocons dessinant des canevas blafards.

Un soleil paresseux, entouré de brouillard,
Éclaire tristement les étiques branchages
Avant de s’envoler vers de joyeux rivages,
Loin de notre contrée glacée par son départ.

Dans cet âpre désert couvert de neige molle,
Les oiseaux affamés et transis se désolent
Sur les arbres pelés ballottant à tous vents.

Dans les ombres du soir, la tristesse s’affirme
Quand l’horizon déploie le visage émouvant
D’une lune éplorée à la lumière infirme.




Morte saison

Mon cœur est triste ce matin.
Il pleure notre amour sincère.
La griffe de l’ennui l’enserre
Au bord d’un futur indistinct.

Dans le silence de la nuit,
J’emporte l’ombre de mes rêves.
De notre histoire qui s’achève,
Je noie les lambeaux dans un puits.

Dès l’aube, sous un ciel pluvieux,
Je mâche des heures maussades
Loin des délicieuses aubades
Qui nous faisaient briller les yeux.

J’aborde à la morte saison
De mes espoirs déraisonnables.
Je ne mettrai plus sur ma table
Ces fables gorgées de poison.




Fleur incendiaire

Dans la nudité de la nuit,
Je déchire ta pudeur fragile
À coups d’ongles exaltés
Par l’abîme de ta soif infinie.
De mes va-et-vient insatiables,
Je fouille le centre de ton plaisir.

De ma bouche humide de toi,
J’invente le langage de notre ivresse
Au bord du néant unifié.
Dans le ventre de tes envies,
Freinée par mon vertige incandescent.
Je tisse le fil de nos frissons.

Je me liquéfie chaudement en toi.
Je me colle à ta peau fiévreuse.
Dans l’imminence de notre extase,
Je dévore les pétales lunaires
De ta fleur incendiaire.
Je bois les cris de ta joie insensée.


Mon réveil

Le gardien de mes nuits, habillé de métal,
Affiche dans son oil la subtile menace
De l'avancée du temps vers l'aurore vorace
Où mon rêve s'éteint quand sonne le signal.

Il me blesse les yeux de son éclat brutal,
Éclaire méchamment les hargneuses grimaces
Que m'arrachent ses cris lorsque je me prélasse
Dans le tendre velours du repos matinal.

Mon réveil se déverse en notes fracassantes
Qui mordent les secrets que mon esprit fomente,
Avant de me jeter, vaincue, hors de mon lit.

J'assomme ce tyran au nom de la paresse
Afin de m'endormir, mon forfait accompli,
Dans un écrin soyeux où plus rien ne me presse.



Exaltant voyage

Tandis que le marin rêve de longs voyages
Au bout de l'univers, ballotté par les mers,
Sous un ciel tourmenté, vomissant des éclairs,
Je chante nos plaisirs aux frissonnants rivages.

Tandis que l'écrivain déverse sur ses pages
Ses espoirs exaltés, ses cauchemars amers,
En torrents impétueux de vocables diserts,
Je chante la beauté de ton gracieux visage.

J'ai ancré mon regard aux éclats de tes yeux.
Je vogue sur les flots de ton rire joyeux,
Exhalé en diamants de tendresse complice.

J'ai déposé mon cour dans le creux de tes mains.
Je goûte entre tes bras le fruit de nos délices,
Les perles de nos joies embrasant mon chemin.




Café amer

Dans l'épais brouillard du vieux bar
Où tu m'as donné rendez-vous,
J'attends, le cour sous les verrous,
En tremblant devant ton retard.

Dans l'amertume du café,
Je noie ma calme solitude
Sous le regard des hommes rudes
Tenant des propos surchauffés.

Dans la mousse de mon demi,
Je cherche l'empreinte soyeuse
De ta tendresse merveilleuse,
Avant le temps des compromis.

Le patron baisse le rideau
De son troquet et de mon rêve.
Tandis que notre amour s'achève,
Je me dissous dans les badauds.




Aigle funeste

L'aigle de mon destin éploie ses lourdes ailes
En un brûlant linceul aux mouvements trembleurs
Pour étouffer mes cris et enfermer mon cour
Dans un désert poisseux de tristesse éternelle.

Ses yeux gonflés de feu lancent des étincelles,
Un funeste flambeau dont l'atroce chaleur
Emporte mon espoir dans un puits de douleur
Où ma vie se débat dans des flammes cruelles.

Les serres de l'oiseau me plongent dans l'effroi
D'un avenir glacé à l'horizon étroit
Sous un soleil mourant, à l'aube du silence.

L'impavide animal dévore les lambeaux
De mon corps tourmenté par de vaines souffrances
Sous le regard jaloux d'insatiables corbeaux.





Les croyants

Dans l'église moisie, le curé se désole.
Drapé de sa ferveur, juché sur son perchoir,
Il célèbre sa foi à mots gorgés d'espoir
Devant une assemblée assoupie et frivole.

La marmaille s'ennuie, chahute et se gondole,
Galope dans l'allée plutôt que de s'asseoir,
Pendant qu'un Christ en croix, exempt de tout pouvoir,
Endure la chorale aux chants de casseroles.

Sous le regard du Dieu qui règne sur l'autel,
Les pratiquants s'ennuient, le nez dans leur missel,
Bercés par un sermon aux accents insipides

La cloche de midi sonnant aux quatre vents,
La foule des croyants brusquement se dévide
En torrent foisonnant d'avides bons vivants.





Rendez-vous au bar de l'amertume

À pas lourds de tes reproches à venir,
Je suis venue au rendez-vous de l'ennui
Dans ce bar poisseux de ta tristesse pitoyable.

À l'intersection de ton espoir invraisemblable
Et de ta colère désarmée,
Tu te débats devant le miroir
De nos concessions infinies.

Devant mon verre vide,
Sous ton regard liquide,
Je me dissous dans l'eau de mes dégoûts.

Je traque l'ombre de mes certitudes
Dans le désert de mon cour dévasté,
Sous l'oil brouillé du miroir goguenard.

Rassemblée dans les neiges de ma fuite,
Je troque mon impatience larvée
Contre une armure de silence.

Tu ne m'épargnes rien,
Ni l'étalage de ta désespérance,
Ni la litanie de tes supplications,
Ni ton cadeau pour mon chien.

Je t'ai payée argent comptant.
J'emporte l'épave de notre amour aboli.
Évadée de mes remords, vacante,
Je m'installe dans le halètement de l'avenir avide.




Amnésie secourable

Va-t-en, mon infidèle, et laisse-moi tranquille.
Ancrée dans ma souffrance au goût de déraison
J'injecte dans ma plume un sulfureux poison
Déversé en tromblons de tristesse servile.

Je te croque, coquine à l'humeur versatile.
À l'encre du chagrin, j'écris ta trahison
En sonnets flamboyants, hâtant ma guérison.
Au rythme de mes vers, ma peine s'éfaufile.

Le défilé des jours chassera mes soucis
Dans les limbes profonds du passé obscurci,
Loin du curieux lacis où mon esprit s'agite.

Dans la douce amnésie des lendemains meilleurs,
Je relirai ces mots sans sangloter, maudite.
Mais ce soir, ce tercet s'efface sous mes pleurs.


 

 

    Verbe calciné

 

 

Je creuse le tombeau du verbe calciné

Dans mon corps impassible et plus mou qu’une éponge.

À coups d’ongles souillés d’ineffables mensonges,

J’ensevelis mon cœur aux espoirs effrénés.

 

À l’encre desséchée de mes désirs fanés,

Je sculpte le désert dont la glaise prolonge

Le supplice brûlant du néant qui me ronge

Sous le rire étoilé du destin condamné.

 

L’avenir sanglotant se dissout sous la voûte

De mon crâne englouti dans le puits de mes doutes

Aux portes de l’effroi où s’effondrent mes cris.

 

Quand la nuit de l’oubli emporte mes paroles

Loin du monde maussade, étouffant de mépris,

Le silence soyeux de la mort me console.

 

                               

                                                                                     

 

Urgence à se taire

 

 

Le linceul de l’oubli éponge l’eau des dégoûts

Entre fracas fripé et bouderie bornée.

L’empreinte d’un reproche griffe la solitude intimidée.

La main d’incertitude étouffe les mensonges trembleurs.

 

L’image flétrie de l’avenir perverti s’évade

Dans un repli cristallin de conscience désenchantée.

Le compte à rebours hoquette son sursis avare

Dans la nuit lourde de glaise insécable.

 

L’âme balancée au souffle amnésique de l’indifférence

Se drape dans le linceul de l’amertume avide.

La crypte de l’ennui ensevelit les visages vacillants

Sous les vestiges vengeurs de la vie inachevée.

 

Le silence s’enterre

Dans l’urgence à se taire.

 

                                                                                                                     

 

  

Pactiser avec la page paresseuse

 

 

Pactiser avec la page paresseuse

Parler aux passants compassés

Palper le poisson pané

Dépasser la passion pâlie

Propager la pagaille pacifiste

Pagayer dans la panade païenne

Patiner sur le parvis dans un Paris palpitant

Se parfumer au poison paralysant

Passer les parents trépanés par-dessus le parapet

Pallier le paradis par les pavés poisseux

Tomber passivement dans le panneau apparent

 

Assez de palabres

Paf !

Trépasser

 

 

 

Avenir disloqué

 

 

Je calcule ma route aux cartes du hasard,

Seule et désenchantée, voyageuse impavide

À l’âme consumée par l’haleine putride

D’un monde suffoquant sous l’horizon blafard.

 

Le désert abyssal rassemble ses brouillards

En linceul mensonger dont le fil se dévide

À l’entrée de la ville aux souvenirs fétides

Dans un embrasement de venimeux remparts.

 

Mon esprit dévasté affronte le silence

De la nuit abhorrée, suicidée par avance,

À l’orée d’un futur aux désirs fracassés.

 

Quand la mer amnésique ensevelit la lune,

L’avenir se disloque en lambeaux verglacés,

Témoins sanguinolents de nos vaines rancunes.

 

 

 

 

 L’an nouveau

 

 

Dans un déferlement de feuillages fanés,

Décembre en habit gris tire sa révérence

Au bord d’un horizon constellé de souffrances,

Impassible berceau d’un avenir mort-né.

 

La soirée se consume en festins raffinés

Aux alcools capiteux, consommés à outrance,

Dans les replis laiteux de la nuit qui s’élance

Vers l’abîme glacé d’un monde condamné.

 

Sous le ciel cotonneux, les rires se déchaînent

En vagues avinées d’amertume certaine

Qui meurent lentement aux portes du matin.

 

Quand l’aube frissonnante étend ses blanches ailes,

L’impatient carillon aux accents cristallins

Chante pour l’an nouveau sa tristesse éternelle.

 

 

 

 

Avenir déjoué

 

 

La lune se reflète dans l’eau du fleuve.

Un halo d’au-delà halète au pied du lit.

La pâle lumière s’attache à ma douleur larvée.

 

La nuit s’égoutte en doutes acides

Sur les cendres de l’angoisse glacée.

 

Mon cœur lucide s’accorde au néant

Dans le désert boueux de l’ennui.

 

Sous le vaste horizon brumeux,

Enfermée dans ma solitude crispée,

J’attends les heures de l’envie naissante.

 

Au seuil du désir débridé,

Les ombres du passé s’évaporent.

Dans la clarté laiteuse de l’aurore,

Je déjoue mon avenir aux dés.

 

 

 

 

Le puits de mes transes

Je lave mon cafard au comptoir du vieux bar
Dans la chaude amnésie de ma boisson fétiche
Qui fait tourner les murs plus vite qu'un derviche
Jusqu'à l'aube boudeuse aux confins du brouillard.

Les liqueurs du troquet traquent mes cauchemars
Sous les ombres ténues de mon espoir en friche
Promu, dans mon ivresse, au sommet de l'affiche
Pour ôter de ma chair les lames de poignard.

Les lambeaux d'un regret s'échouent en anecdote
Aux portes du matin où mon âme sanglote,
Ajustée au destin exhibant son cercueil.

Délivrée de mes peurs, je calcule mes chances
Aux cartes du hasard costumé pour le deuil
De mon corps assoupi dans le puits de mes transes.




Fringants alexandrins

Secourez l’écrivain, illuminez ses pages,
Entonnez le refrain de l’ardent plumitif,
Fringants alexandrins et quatrains expressifs,
Ornez de votre éclat son courageux ouvrage.

Tanguez, mots assemblés en superbes images,
D’élision en rejet, sur le fragile esquif
De l’esprit embrasé du poète naïf
Qui conte ses espoirs et ses joyeux voyages.

Embrassez-vous gaiement, rimes de qualité.
Au bout de vers grisants, venez nous enchanter
En semant dans nos cœurs votre exquise musique.

Syllabes enfilées en précieux chapelets,
Veillez à respecter la prosodie classique.
Concluez ce sonnet, point final, s’il vous plaît.




Avenir voluptueux

J'aurai apprivoisé le silence
J'aurai assassiné la lumière
J'aurai mis l'espoir en cage
J'aurai désappris ton sourire
Je ne t'attendrai plus

Tu ne viendras pas par hasard
A pas de dérision
Tu forceras ma porte

Tu sauras ma vie à tâtons
Tu sauras mes rêves apocryphes

Tu ne parleras pas du passé
Tu aboliras ma solitude
Tu fractureras mon oubli
Tu dévoileras mes volets clos
Tu effaceras mes fleurs fanées
Tu inventeras un avenir voluptueux
Pour déjouer la mort




Diane désarmée

Au diable le Parnasse et vive les frissons.
Quand Diane désarmée enlève ses cuissardes,
Un soleil indécent inonde la mansarde
Cependant que mon cour s'enflamme à l'unisson.

Aguichée par la fille au regard polisson,
Mon antique pudeur brusquement se lézarde.
Dans les moites replis où ma bouche s'attarde,
Je savoure le fruit de ma tendre moisson.

Je lape les diamants de sa source sauvage
À longs traits enivrants, formant sur mon visage
Un chemin étoilé, gorgé de son désir.

Mes mains, ailes de joie, inventent des caresses
Qui transportent nos corps aux confins du plaisir
Dans un déferlement de liquides promesses.




Sombre troquet

Dans le troquet poisseux, une faune fébrile
Dispute l’avenir au jeu de reversi
Sous le regard glacé du néon obscurci
Par un déferlement de fumées indociles.

Plus chaud qu’un incendie, le liquide rutile
En torrent sanguinaire emportant les soucis
Loin du comptoir jonché de soiffards versatiles,
Dans l’amnésie brouillée d’une nuit sans merci.

Mes rêves se diluent au fil de mon ivresse
En lambeaux indécents dont les angles me blessent
Au nom du désespoir qui me rougit les yeux.

Quand le ciel endormi timidement s’éclaire,
Je blottis mon ennui dans le velours soyeux
Du complice élixir tournoyant dans mon verre.

 

 




Poète disert

Quelle mouche a piqué le coquin déchaîné
Qui pille mes sonnets et envahit mes songes ?
A-t-il brûlé sa plume aux accents raffinés
Pour se laisser griser par l’envie qui le ronge ?

Sur les ambiguïtés du verbe calciné,
Il plaque ses désirs que son talent prolonge
En quatrains illustrant l’esprit bien mal tourné
De l’écrivain charnel empêtré dans sa longe.

Il agace mon âme en composant des vers
Jonchés de mots troublants, brûlants comme les braises
De l’enfer pendant que je prie pour qu’il se taise.

Vaincue par les ardeurs du poète disert,
J’abandonne mon cœur à ses tendres fadaises
Dont le flot lumineux enflamme mon désert.




Nuit limpide

Au cœur de la nuit limpide,
Affaiblie, je m’enlise
Dans les replis de l’oubli,
À l’orée de la ville livide,
En lisière de l’indifférence.

Les limbes de l’ivresse illicite
Diluent ma solitude lucide
Dans le délicat calice
De mes viles envies ligneuses,
À l’angle de la folie abolie.

Dans le linceul délié
De l’avenir inachevé,
Le temps délivré se ralentit
Au son d’un hallali aliénant
A  la mélancolie volubile.

 

 

Château à bâtir

Je ne contrôle plus ce poème bizarre.
Mes mots, hier gorgés de plaisir,
Prennent des accents barbares
M’invitant vivement à m’enfuir.

Mes vers s’enlisent, hilares,
Dans un fouillis poisseux à vomir,
Comme les âcres relents d’un cigare.
Pour échapper à mes mortels désirs,

Je cherche le réconfort d’un nouveau phare.
À tâtons, j’esquisse un pas de danse vers l’avenir.
Le regard hagard, je galope vers la gare.
À l’angle du néant, j’invente un château à bâtir.



 

Stylo à sonnets

Mon stylo à sonnets, gavé de poésie,
Déverse des traînées d’un liquide chagrin
Qui ternit la beauté de mes alexandrins
Avant de les jeter au feu de l’amnésie.

La plume se répand en vers sans fantaisie
Sur les versants poisseux de languides refrains
Lâchement assemblés en sirupeux quatrains
Où trônent gauchement des rimes mal choisies.

La page se noircit sous les élans vengeurs
De la pointe crachant des textes racoleurs
Dont l’insipidité m’encourage au silence.


Quand un bouillard d’ennui anéantit mes vers,
J’exhorte le Parnasse à prendre la défense
De mon verbe trahi par un outil pervers.

 


 

 

Mon cœur à nu

Pour toi
Je mets mon coeur à nu
Sans filet

Tu ne me dois rien
Si tu veux
N'allons pas trop vite

Ne me fais jamais de promesses
Que tu ne pourras pas tenir

J'ai peu d'exigences
Je ne te demande pas l'exclusivité
Rien d'autre
Que l’éclat de ta transparence

Ne me blesse pas pour jouer
Mais joue pour t'amuser
De la gravité de la vie

Je te demande d'être toi-même
L'oiseau aux ailes de liberté
Ignorant le mensonge

Ne nous trahis pas
Sois pure
Sois déraisonnable
Qu'importe le reste ?
Tu apprivoiseras mes doutes
Je changerai de patience

 

 

 

Conte de l’épiphanie

Épiphanie
Filer à l’épicerie
Fine galette artificielle
Nappe froissée
Fête fragile

Fleur de souci
Fille fugace
Épi fané par les années
La fée s’ennuie
Cidre piquant
Le pif d’Annie rougit

Faucher les restes du festin
S’empiffrer à l’office
Ventre affamé finit puni
La fève enflée étouffe Annie
Soirée fichue
Suaire flétri
Le feu de l’enfer griffe Annie
Fin de la fantaisie

 

 

Lac argenté

L’horizon délavé étend son aube creuse
Sur la ville érigée de grisâtres épis,
Flambeaux de solitude où l’espoir décrépit
S’effiloche en lambeaux de violence rugueuse.

Un soleil conquérant chasse l’ombre peureuse
Des chênes réfléchis sur le soyeux tapis
Du grand lac argenté dont l’ondoiement flapi
Orchestre le ballet des étoiles neigeuses.

Sur le chemin d’un vent aux tourbillons joyeux,
Un chapelet d’oiseaux s’envole vers les cieux
Afin de s’évader de la cendre des choses.

Sur les flots cristallins, deux amants clandestins
Contemplent les ébats d’un gracieux flamant rose
Qui célèbre en dansant la beauté du matin.

 

 

 

Maison de poésie

Dans ma maison de poésie,
Je cisèle des vers
Que je lance dans l’univers
Selon ma fantaisie.

Avec mes compagnons poètes,
Je bataille souvent.
Nos réquisitoires fervents
Ne valent pas tripette.

Nous enrichissons notre plume
En mélangeant nos mots.
Loin de nos maladroits chromos,
Notre talent s’allume.

Qu’importe les vaines critiques
Des orgueilleux jaloux
Qui noient dans des exposés flous
La pointe de leurs piques.

 

 

 

Déclaration virtuelle

Vérification du courrier,
Pas de nouveau message.
Je sanglote sur mon clavier.
Que l’amour est sauvage !

Ton silence noie mes élans
Dans un désert de glace.
L’horloge s’étire à pas lents
En heures de grimaces.

Tu m’offres des fleurs de chardon
Aux épines subtiles.
Dans le gouffre de l’abandon,
Ma gaieté se défile.

Pour apprivoiser ton écran,
Je t’écris ce poème
Qui se déverse en gai torrent
Vers toi, celle que j’aime.

 

 

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