Suite PATRICIA GUENOT

 

Galop d'Espoir

Avenir déchiré

Visions Poétiques

Horizon Amnésique

Cinglants Carillons

Sombre dédale

L'or des sons

Égarements Nocturnes

Bilan d'espoir

Quai du Souvenir

Débordements

Joies terrestres

Espoirs abolis

Ville endormie

Ennui fracturé

Avenir inventé

Pluie harmonieuse

Poésie d'espoir

Mon ami professeur

Vagues de tendresse

Vie dilapidée

Le vieux chêne

Mots rebelles

Ouragan funeste

La vieille solitaire

Solitude glaciale

Dominos

J'ai grandi

J'ai grandi en ville

J'ai grandi à la campagne

Palpitations

Pluie harmonieuse

La grande brasserie

Le vieux couteau

Suite ...

 

La vieille solitaire

 

 

La vieille solitaire, assise sous le chêne,

Épanche sa tristesse au bord de la fontaine.

À l’orée du mensonge aussi noir qu’un corbeau,

Elle implore sans cri la bouche du tombeau.

Le long ruisseau des jours écoule ses souffrances,

Son esprit amnésique habite le silence.

Les flaques de la nuit ramassent son sommeil

Dans l’espace aboli qui traque le soleil.

Un rêve se blottit sous ses paupières closes,

Fragile espoir jailli de la cendre des choses.                                                                                         


 

 

 

La grande brasserie

 

 

J’aime la grande brasserie

Où le café et l’infusion

Côtoient la bière à la pression

Dans un joyeux charivari.

 

J’aime ses tabourets hautains

Fleuris d’incroyables fêtards

Alternant Chimay et pinard

Jusqu’aux lumières du matin.

 

Je souris aux vieux baroudeurs.

Le nez plongé dans la Guinness,

Ils parlent d’amours de jeunesse

Avec un pincement au cœur.

 

J’apprécie ce mélange intime

De littérature et d’alcool.

Entre deux demis sans faux-col,

Je me livre au plaisir des rimes.

 

                                                                                                                    

Le vieux couteau

 

 Le couteau fatigué subit l’affront ultime

D’un repas insipide, inodore et frugal,

Sorti directement d’une boîte en métal

Portant l’indication« cuisine de régime ».

 

Il aimait préparer des tartines sublimes,

Il tranchait le rosbif d’un geste triomphal

Et la viande bien dure aiguisait son moral

Tandis que la bouillie d’aujourd’hui le déprime.

 

Il s’activait gaiement du matin jusqu’au soir

Au lieu de réserver son tranchant de rasoir

À des morceaux choisis pour ménager sa lame.

 

Il s’exhorte à l’effort, retient ses haut-le-corps,

Il partage sans bruit ce déjeuner infâme

Mais cherche le moyen de se donner la mort.

 

       

 

Pluie harmonieuse

 

 En carillon de joie, des gouttes cristallines

Déversent sur le sol un voile de fraîcheur,

Des diamants frémissants qui caressent les fleurs

Avant de s’écouler en aimables ravines.

 

Un tiède concerto se joue dans la bassine

Qui lape avidement les bulles de douceur

Offertes par le ciel pour laver notre cœur

Et chasser de nos yeux des images chagrines.

 

Un parfum vaporeux embaume le terroir,

La vigne se rengorge, arbore ses grains noirs,

La campagne promet des moissons abondantes.

 

Le murmure soyeux de la pluie s’affaiblit,

La terre s’assoupit, rassasiée et contente,

Le village s’endort, le labeur accompli.

 

                                                                                                            


Palpitations

Le soleil ramasse la nuit et lave mes rêves.
Ton corps amnésique s’endort enroulé sur son absence.
Ton ventre palpite à l’angle de mon attente.
Les perles de sel sur ta peau
Dessinent le chemin de nos désirs.

Mais ta fixité d’oiseau mort corrompt mes envies
Et dilapide ma patience.

Je m’ajuste à ta solitude,
J’habite la promesse de notre plaisir.
Les vagues de mon sang désarment ta bouderie,
J’improvise nos sourires,
J’invente l’histoire de nos épidermes enlacés.

Arrimée à l’ombre de ton souffle,
Je m’inscris au centre exact de tes frissons.
Le ciel complice s’enflamme.
                                                                                                          

 

 

 

Solitude glaciale

 

 

Son foulard à carreaux

Froid comme une aube de décembre

Emmêle ses cheveux dissipés.

 

La brise brutale la laisse de glace.

Au coin de son œil,

Un souvenir se prélasse.

En été, en hiver, elle attend.

 

À l’heure où la neige salie souille la ville,

Elle promène sa patience immaculée

De bar en banc,

De comptoir en trottoir.

Elle écoute en silence

Des voix aux accents de tendresse.

 

Elle déambule sur le fil du hasard.

Elle pose son regard

Sur les ombres inaccessibles

Au bord de son existence.

Elle s’endort dans sa solitude givrée,

Figée dans l’absence insoutenable

Qui brise son espérance.

 

                                                                                                                    

 

Dominos

 

 

Destin domino je vis au hasard

Vertige de saltimbanque

Échecs assurés

Noir passe impair et manque.

 

Double zéro

Mon cœur muet s’absente

Au bord du chaos

Une ombre m’épouvante.

 

Au fil d’un vent léger

J’oublie mes idées noires

Je construis mon histoire

En jaillissant du néant égorgé.

 

Le double six

Feu d’artifice

Je décapite mon humeur chagrine

Mon regard s’illumine.

 

Je fracture l’avenir silencieux

En chantant le cantique du jeu.

 

                                                                                                                    

 

J’ai grandi

 

 

J’ai grandi tiraillée

Entre fureur et confitures

Enroulée dans mes rêves secrets.

 

J’ai grandi en vitesse

Pressée de déchirer mon innocence

Au lieu de pleurer je serrais les mâchoires.

 

J’ai grandi à voix basse

Pour ne pas figer mon sang

J’apprenais les mots de lumière.

 

J’ai grandi en improvisant

À côté des adultes écartelés

Entre mensonge et cours de la bourse.

 

J’ai grandi en apprenant à sourire

Pour étouffer mes souffrances

Dans le désert de la décence.

 

J’ai grandi sous un ciel inquiétant

J’élaguais ma froide candeur

Sacrifiée à mes châteaux en Espagne.

 

J’ai grandi maladroitement

De flânerie en course folle

J’ai épuisé mon enfance.

 

                                                                                        

 

J’ai grandi en ville

 

 

J’ai grandi à l’étroit dans la fureur des villes

Où le béton compose un tableau de rancœurs

En graffitis sanglants aux messages vengeurs,

La poésie urbaine éclate en mots hostiles.

 

J’ai appris à marcher près des automobiles,

Ornements citadins qui remplacent les fleurs.

Les bourdonnants rubans de taches de couleurs

Défilaient sous mes yeux, sournois comme un reptile.

 

J’ai connu la violence et les tristes leçons

Que donnent dans la rue les bandes de garçons,

De menace en affront, j’ai forgé mon armure.

 

Mon esprit solitaire oubliait les parpaings,

Ma vie imaginaire embaumait la nature,

Je rêvais de jardins, de torrents, de sapins.

 

                                                                                                         

 

J’ai grandi à la campagne

 

J’ai grandi parmi la verdure

Entre des jardins et des prés,

Une rivière et des fourrés,

Bercée par la douce nature.

 

J’ai connu l’aurore câline,

Le parfum des bottes de foin

Et la bonne gelée de coings

Qui venait fleurir mes tartines.

 

J’ai appris le respect des plantes,

Des vignes de notre terroir.

L’odeur de l’herbe dans le soir

Lançait ses notes flamboyantes.

 

J’ai vécu près des mirabelles

Dans un village haut en couleurs

Entre la tendresse des fleurs

Et la chanson des hirondelles.

 

 


Vagues de tendresse

   

Tu es la braise de ma glace.

De baiser en caresse,

Le chaud et le froid s’effacent.

 

Dans l’abri de tes bras, je brûle avec toi.

Sur ta peau je caracole.

Une faim nouvelle me colle

À chaque atome de ton corps

 

Je t’écoute chanter le cantique du feu.

L’océan de nos désirs

S’abreuve aux vagues de notre tendresse.

 

J’habite notre fusion.

Je te dédie mes frissons.

Je m’ouvre à ton extase,

Sésame de nos joies.

 

Transmue ma pudeur.

Distille mon impatience

Dans le chaos de nos douces folies.

 

                                                                                                                    

 

Vie dilapidée

 

 

Je distille le temps en illusions blessées

Ma prison de salive mélange les phrases

Je me mens par intermittence

Je me prends au lasso

D’un piège d’ombre vide

Pour étrangler le silence.

 

J’ai joué ma raison

Sous un soleil de cendres

Je creuse ma solitude

Sursis en filigrane

Garde-fou provisoire

Au bord de la démence.

 

J’extorque des syllabes

Au néant de mes jours

Les lettres que j’assemble

Transmuées en plaies brûlantes

Dissolvent mes pensées

Et gomment mes envies.

 

Les mots détournés m’assassinent.

Ma vie se dilapide

En fièvre que j’entérine.

 

                                                                                                    

 

Ouragan funeste

 

 

Une tiède atmosphère enveloppe la ville,

Musiciens et jardins accordent leur douceur

En concerto de joie qui fait danser les cœurs,

Un bonheur égrené en notes volatiles.

 

Le ciel lâche soudain d’humides projectiles,

Un rideau de chagrin, message de terreur.

Aujourd’hui, le destin, pointant son doigt vengeur,

Punit l’humanité de ses actions hostiles.

 

Dans l’argile du temps s’efface notre orgueil.

L’avenir nous envoie un liquide cercueil,

Notre vie se disperse en gouttes dérisoires.

 

La lessive s’achève en mortel océan,

Un abîme insondable où se noie notre histoire,

La terre se transforme en sanglots de néant.

 

                                                                                                                    

 

Le vieux chêne

   

Le vieux chêne à cinq troncs

Offre sa chevelure frémissante

À la tiède brise du soir.

 

Il retient tendrement

Les derniers rayons du soleil.

Il étend son ombre immense

Sur la rivière assoupie.

 

Les pieds chaussés de mousse,

Il veille sur la prairie et ses habitants.

L’écureuil, le pigeon, le coquelicot,

S’endorment en paix.

 

Dans la nuit silencieuse,

Sa peau ridée s’assombrit.

Il se souvient des jeunes amants

Qui venaient s’enlacer

Sous son feuillage complice.

Le murmure du vent apporte

L’écho de leurs soupirs.

L’horizon rougeoyant reflète

La beauté de leurs visages en feu.

Gorgé de l’espoir distillé

Par sa sève attentive,

Le vieux chêne les attend.

 

                                                                                                                    

 

Mots rebelles

 

 Chaque jour inaccompli

Je livre aux mots une lutte acharnée

Vide de tout autre désir

Que celui de transcrire

Avec exactitude

La nausée métallique

Tapie dans mes tripes.

 

Les mots se vautrent

Dans la glaise de mes incertitudes

À l’angle étroit de l’indicible

Ils annihilent à la gomme mes pensées

Ils bousculent le sens à coups de dés

Et me livrent au hasard

Déracinée au centre de moi-même.

 

Entre ma conscience et la page

La vie s’éloigne impatiente

Le poème se joue de ma maladresse

La parole réduit à néant la clarté de mes idées

Le papier noirci éclate de rire

Je rêve de devenir caillou ou table

Pour dire mon existence limpide.



Mon ami professeur

Il enseigne aux enfants l’éducation physique.
Sa patience infinie leur met du baume au cœur.
Comme il donne à l’effort des notes de douceur,
Chaque élève effectue des progrès fantastiques.

Notre ami généreux aime la botanique,
Les oiseaux des forêts qui chantent le bonheur.
Ce touche-à-tout brillant refuse les honneurs,
Accueille les discours d’un sourire ironique.

Il apprécie les vins de Bordeaux et d’Arbois,
Les repas de copains et le travail du bois,
Le noble alexandrin et les jeunes poètes.

Le discret confident de turbulents gamins
Mérite désormais de prendre sa retraite,
Ce tendre épicurien nous quittera demain.




Poésie de l’espoir

Je ne partage plus mes rêves d’autrefois
Qu’avec la poésie, amie de solitude.
Aux yeux cernés de mort, elle offre un interlude,
Le chant d’une cigale au milieu du grand froid.

La précision des mots fige mon désarroi
Découpé en carreaux griffés d’un geste rude.
En racontant ma vie avec exactitude,
J’invite mon poème à se moquer de moi.

J’invente une saison douce comme un automne,
Parfumée de musique et d’espoir qui bourdonne.
Au seuil de mon hiver, je détourne mes peurs.

J’extrade la souffrance au fil de l’écriture.
La tristesse abreuvée au puits de mes
rancœurs
Se disperse à l’orée de mes phrases futures.


Avenir inventé

Un voile de regret obscurcit son regard,

Il garde au fond du cœur, tranchant comme une lame,

Un sentiment brûlant qui tourmente son âme,

Désir inassouvi parfumé de départ.

 

Il promène sa peine en marchant au hasard

Dans les jardins déserts et les rues de Paname.

Le sifflement d’un train, le rire d’une femme,

Déchirent son espoir comme un secret poignard.

 

Dans ses sombres pensées, cet homme solitaire

S’enterre lentement, figé sur son mystère,

Au lieu d’abandonner ses tremblants souvenirs.

 

Il vit à la lueur d’une illusion étrange,

S’ennuie dans le présent, invente l’avenir,

Efface du passé les mots qui le dérangent.

 

                                                                 


Ennui fracturé

Le silence agonise au bord de notre histoire
En lambeaux d'illusions que le temps brisera
Comme un éclat de rire au cours d'un opéra
Qui blesse le chanteur mais ravit l'auditoire.

La journée se prolonge en nuit blanche si noire
Que le sable du temps s'immisce dans les draps.
Je me désiste en moi au seuil du Sahara,
Vacante de nos joies, brûlées dans ma mémoire.

Je rêve d'effacer ton sourire poli
À l'encre crucifiée de l'espoir aboli,
Rongé par l'impatience et les mots qui se taisent.

Le temps dilapidé creuse le quiproquo,
Le matin se déplie en heures qui me pèsent,
Je fracture l'ennui en fuyant illico.


Ville endormie

Sur la ville endormie veille une douce aurore

Qui élargit son aile et repousse la nuit.

Derrière les yeux clos se repose l’ennui.

Voyageurs impatients, les rêves s’évaporent.

 

Devant les rideaux noirs, le jour hésite encore

À briser le sommeil en agitant ses bruits.

Quand sonnent les réveils, le silence s’enfuit,

Dans la cité s’active une foule sonore.

 

Les heures du matin s’égrènent lentement,

Gorgées du souvenir des caresses d’amants.

La journée se consume en douloureuse absence.

 

Le soir étend sa joie dans la coupe du ciel,

Il met son voile sombre et invite à la danse

Les tendres amoureux au sourire de miel.


Espoirs abolis

 

 

Le souffle du passé s’empare de ton âme

En gouttes de regret qui t’éloignent de moi.

Te voici dans le fleuve aux portes de l’effroi

Dans la main du futur auréolé de flammes.

 

Mon cœur digne et blessé m’entraîne vers la lame

Qui me libérera des griffes de ta voix.

Comme un ancien soleil s’éteignant dans le froid,

Je fuis dans le néant les aveux que tu trames.

 

Écoute tes désirs, oublie tes préjugés,

Tant va la cruche à l’eau qu’elle apprend à nager,

De blessure en échec, façonne ton histoire.

 

Dans la lente agonie de mes espoirs flétris,

J’insuffle ma tendresse au fond de ta mémoire

Loin du désert glacé de mes sanglants débris.


Joies terrestres

Dieu, les saints, les curés, éloignez vos calices,
Je préfère le vin d’ici sans tralala
À celui de Jésus embaumé d’au-delà.
Ajoutez ce penchant au nombre de mes vices.

Je découvre aujourd’hui la vie et ses épices,
La pivoine enflammée, le parfum du lilas,
Un incendie de joie après le calme plat,
Des bouquets de bonheur comme un feu d’artifice.

J’ai tué la fourmi pour devenir cigale,
Jeté dans le fourneau mes livres de morale,
Mon indicible espoir éclate en perles d’or.

La foudre de mon cœur lave l’aube chagrine,
Un soleil prometteur se pose sur mon corps,
Au pays du plaisir, je plante mes racines.

Débordements

Il lance un coup de poing et des mots inconnus,
Puis se met à casser la table et à genoux
Et prend son parapluie, ses jambes à son cou,
Le regard lourd de pleurs et de sous-entendus.

Le trottoir noir de monde et de poisseux cafard
S'accorde à son humeur au bord de l'imparfait.
Attiré par l'espoir et le café au lait,
Il pousse un cri de joie et la porte du bar.

Il tire un tabouret, des plans sur la comète,
Pose ses vêtements, des questions indiscrètes
Au patron qui attend sa femme et de fermer.

Ivre de désespoir et de vin bon marché,
Il oublie de régler l'addition et sa montre
Et sourit au futur, aux filles de rencontre.




L’or des sons

Allongée sur son lit, la belle lit.
Une bulle minuscule de lune luit.

Pour qui sonne l’hallali ?
L’oubli s’enlise dans la lie de l’élixir laiteux.

Lire, hurler, s’engluer dans l’aïoli,
Laisser les lilas bleus dans l’allée ?

L’île lointaine lessivée par les flots
Lutte et s’oppose à la lame
De l’au-delà ou de l’eau d’ici,
Sanglots mêlés.

À la limite de l’éternel,
Elle et lui lassés des lieux lascifs
Et des livres licencieux,
Enlacés dans le linceul glacial.
Élu du ciel, le couple s’envole.

Délire lingual qui lamine l’oral
Et laisse couler les lettres
Loin du pli blessant des leçons
Au fil du libre sens et de l’or des sons.



Égarements nocturnes

Dix demis sans faux-col dans une soirée mousse
N’ayant pas mis un terme à ma vie de hasard,
Dans la triste fumée d’indicibles pétards,
Je tente le suicide à la roulette rousse.

Les trahisons du temps génèrent des secousses
Dans mon corps en dérive au fil des boulevards.
J’esquive des désirs violents comme un poignard
Mais je me damnerais pour une étreinte douce.

De l’espoir plein le cœur, j’arpente la cité
Avant de m’effondrer comme un soufflé raté
Sur un trottoir désert, mon amant de fortune.

Funambule imprudent, je plonge vers le sol
Sous le regard glacé du ciel et de la lune
Déçus par mes penchants pour la fête et l’alcool.



Bilan de l’espoir

L’horloge mâche ma solitude et l’avenir s’écoule en débris.
J’habite mon silence scellé sur ma guillotine intérieure.
Je me tiens debout pour m’approcher du ciel
Mais Dieu m’ignore, avec ou sans majuscule.

Dans la promesse du soir, tremblante à l’heure des comptes,
J’écoute les certitudes tomber de mes souffrances.
Loin des prisons de salive, au centre de moi-même,
Je dresse un bilan implacable.

Dans la colonne des moins, je mets
Mes éternels recommencements, feux de paille dérisoires,
Passions d’un jour, honteux lambeaux d’inachevé,
La poutre dans mon œil ;
La boule d’angoisse tremblée qui envahit mon corps,
Murmure de toi, lointain souvenir sableux mais brûlant ;
Le visage du temps gâché qui me sourit tristement
Dans les rides et le pas ralenti de ma mère.

Les mots impudiques gomment les nuances,
Ils figent mon histoire et salissent ma douleur.

Si l’écrit prend vie comme un acte qui tombe,
Peut-être devrais-je gonfler la colonne des plus ?

Dans la colonne des moins, je mets
Nos négligences répétées mais innocentes.
Dans la colonne des plus, je mets
Ma patience naïve et tendre
Et mes désirs prêts à s’embraser au premier souffle de rire.



Quai du souvenir

Sur ma vieille guitare
Désinvolte et désaccordée,
Je rejoue notre histoire
En notes fracassées.

Plantée sur un quai de gare,
J’esquive les amoureux,
Je cherche l’éclat de tes yeux
Au fond de chaque regard.

Devant moi, un couple se sépare
Sous un soleil pluvieux.
Tant pis pour eux,
À chacun son cafard.

Sur la nappe en papier du bar,
J’écris ton nom en lettres d’espoir
À l’encre de ma mémoire.

Galop d’espoir

De rendez-vous manqué en mensonge facile,
Le désert s’agrandit, inonde les trottoirs
D’un océan de pleurs et de papillons noirs.
Un brouillard menaçant enveloppe la ville.

Comme un vase brisé, ton sourire d’argile
Me mord dans un reproche en lame de rasoir.
L’ombre de mes regrets danse dans le miroir
À l’angle du possible où mes rêves défilent.

Un brûlant labyrinthe illumine les cieux,
Jeu de hasard moqueur précédant nos adieux.
Solitaire et blessée, mon âme se désole.

Dans mon cœur dévasté monte un espoir puissant,
Sur ce coursier fougueux, vers toi je caracole,
Un élixir de joie me réchauffe le sang.


Avenir déchiré

Sur le rouet du temps
L’ennui mâche les jours
Dans une calme agonie.

Le néant s’effiloche
En gouttes d’illusions décentes
Qui font sourire les astres.

Des mythes de bonheur
Amusent les enfants
Entre algèbre et dissection.

Des pleurs poussés trop vite
Au lit de l’abandon
Déchirent l’avenir.

L’espace éberlué
Par nos vaines souffrances
Rétrécit l’horizon.

La nuit de solitude
Lèche nos rêves tremblants
Et fige nos cris d’effroi.



Visions poétiques

Des bouquets d’illusions composent mes poèmes,
S’invitent malgré moi dans mes alexandrins.
À ces mots menaçants, l’espace se restreint.
Mon sommeil disparaît au fil de mes dilemmes.

Je tremble en écrivant, ma plume devient folle,
La bouche d’un ravin entonne un chant cruel,
Une lune écorchée lâche un venin mortel,
La nuit mange le jour et les heures s’envolent.

La vérité blessée libère une spirale
De larmes de cristal qui troublent ma raison,
Un souffle d’arc-en-ciel bouscule l’horizon,
Le monde oscille et perd son épine dorsale.

Dans la gelée nocturne, une planète explose
En fragments de chagrin piquants comme des roses.



Horizon amnésique

À l’aube de la conscience
La vache impassible
Mâche les heures grasses d’ennui.

La nuit déracinée
Endeuille le hasard corrompu
Aux portes d’un oubli séculaire.

Au bord de l’illusion
Le ciel scellé sur l’absence
Glisse dans le sommeil.

L’horizon amnésique
Déchire les certitudes
En lambeaux d’amour aboli.

Dans la main de l’absurde
Une lune vengeresse
Mélange les saisons.

La lessive du temps
Dilue les cendres du souvenir
Dans le sable de l’amertume.


Cinglants carillons

Les cloches du village assombrissent mon âme
Au milieu d’une nuit où le ciel comme un fou
Tempête violemment pour marquer son courroux
Et lâche sur la terre une averse de flammes.

Les cinglants carillons, messagers de ce drame,
Poussent des cris blessants comme une corde au cou
Qui jettent les humains atterrés à genoux,
Ainsi qu’un animal que le chasseur condamne.

Dans mon esprit brisé résonne le tocsin
D’un avenir brûlant aux lugubres desseins,
J’écoute sa chanson dont les accents me glacent.

Au matin cotonneux monte un silence pur,
De la terre apeurée s’éloigne la menace
Qui laisse son empreinte aux portes du futur.

 

 

Sombre dédale

 

Sous les néons tremblants, je me mets à courir

Au hasard des couloirs, direction la misère.

J’accélère le pas près d’un clochard à terre

Qui depuis des années fait semblant de mourir.

 

Station ici ou là, je me force à sortir

Pour échapper au bruit, aux hommes qui me serrent.

Un voyou sur le quai, drapé d’un air austère,

Exhibe sous mes yeux son bâton de désir.

 

Au bord du non-retour, mes illusions m’égarent,

Je rêve de m’enfuir en larguant les amarres

Quand un brouillard glacé étouffe mon esprit.

 

Place de la Nation, la faune me bouscule,

Adroit caméléon, je me fonds dans le gris,

J’enferme dans mon cœur la fureur qui me brûle


Retour Portail