PATRICIA GUENOT

Le sabbat de l'abstinence

Hiver dégrisé

Absence irrévocable

Pli de ma défaite

Blâme poétique

Vers choisis

Squelette de pierre

Soyeux asile

A bas

Temps dilapidé

Désert silencieux Ma belle oublieuse Joie matinale Clé de mon plaisir Ombres du soir

Cheval à bascule

Accents de mon âme

Grenouille affamée

Je hais ces longues nuits

Bagage

Arc-en-Ciel de ma Joie

Ta beauté célébrée

Chevaux de trait

Le Sourd

Explorations stellaires Eve nouvelle Le Buffet La nuit des temps Plume lutine
Avenir illuminé Volutes évasives Tristesse aphone Silence nocturne Timide souris
Briser le silence Vocation d'écrivain L'écho de ton rire Repos de l'oubli Au gré de notre ivresse
Ville désespérante Charnel grimoire Bal des vampires Le maître de l'Anthologie Suite ...

Le maître de l'Anthologie

Le maître de l'Anthologie
Cueille de merveilleuses roses,
Des charmantes feuilles de prose,
Des vers de jolie poésie.

Au sein de son jardin fleuri
Où jamais il ne se repose,
Il se démène pour la cause
De ses poètes favoris.

Il collectionne les sonnets
Dans son admirable carnet
Dressé en site informatique.

Il assemble des mots d'espoir
Dont l'incomparable musique
Efface les papillons noirs.

 


Bal des vampires

Fantômes sulfureux munis de lourdes chaînes
Dont le cliquètement forme un chant sépulcral
Clamant la cruauté des puissances du mal,
Venez au rendez-vous de la mort souveraine.

Loups-garous affamés aux canines obscènes,
Partageant les lambeaux d'un chétif animal,
Vampires élancés en costume de bal,
Dansez dans le royaume où l'enfer vous emmène.

Dans son palais illustre au parfum d'au-delà,
Prosternez vous devant le Comte Dracula,
Sous le brûlant regard de riches candélabres.

Dès la fête achevée, aux lueurs du matin,
Remisez au tombeau vos visages macabres,
Tordus par la fureur de vos odieux instincts.



Charnel grimoire

Guidée par l'écheveau de ton charnel grimoire,
Je butine ta peau parsemée de trésors,
Dont le secret inscrit aux tréfonds de ton corps
Réveille les désirs tapis dans ma mémoire.

Au cœur du labyrinthe où se joue notre histoire,
Je forme un arc-en-ciel qui repousse la mort
Loin du berceau de chair sculpté par mes mains d'or,
Dressées en puits de joie contre tes idées noires.

À l'orée du jardin où naissent tes soupirs,
J'invente l'alchimie exaltant ton plaisir,
Érigé en bouquet de fleurs incandescentes.

Dans les replis soyeux de nos tendres frissons,
Je creuse un tourbillon de gaieté insolente
Qui chante notre amour vibrant à l'unisson.


Ville désespérante

Ville désespérante, accordée à mon âme
Solitaire et blessée, compagne de mes pleurs,
Caveau de ma détresse, apaise ma douleur
Au fond de tes cafés où le rire s'enflamme.

Au lieu de m'étouffer dans ton brouillard infâme,
Dépose le chagrin qui alourdit mon cœur
Sur tes murs graffités, prophètes des malheurs
Concentrés dans tes tours où se trament des drames.

À l'heure où les foyers s'animent pour le soir,
Jette mes cauchemars dans ton grand dépotoir
Qui vomit sa tristesse au bord du crépuscule.

Sous les ombres voilées que dessine la nuit,
Enroule sur mon corps tes puissants tentacules
Pour guérir l'abandon qui m'oppresse aujourd'hui.


Explorations stellaires

De navette en mission, l'astronaute s'agite
Pour aller visiter les coins de l'univers.
Pétri de solitude, il plonge dans les airs,
Brûlant de découvrir des êtres qui palpitent.

Lassé de fantasmer sur des météorites,
Attiré par la voûte où courent des éclairs,
L'homme moderne aspire à gouverner l'éther
Afin de s'évader du monde qui l'abrite.

Pendant que les humains jouent les explorateurs
Au fil d'expéditions exaltant leur grandeur,
Les astres menacés tremblent pour leurs richesses.

Mars subit vaillamment les terrestres assauts
En offrant sa beauté aux monstres qui l'agressent
Pour découper son sol en sinistres morceaux.

 

Ève nouvelle

Perdue dans le désert de mon corps découvert,
Je donnerai mon âme à une Ève nouvelle
Qui saura prodiguer ses gestes de dentelle
Afin que ma carcasse émerge de l'hiver.

Arrimée dans le sol, à l'orée de l'enfer,
J'attends la sauvageonne au sourire rebelle
Dont l'âpre volupté tirera ma cervelle
Du magma incongru de mes regrets pervers.

D'un coup de chèque en blanc, je paierai les délices
Perpétrées par ma fée quand sa main salvatrice
Creusera dans ma chair le puits de nos plaisirs.

Ma sirène viendra verser sur ma tristesse
Les gouttes satinées d'un ardent élixir
Pour noyer dans la joie la torpeur qui m'oppresse.



Le buffet

À portée de regret, le vieux buffet transpire
Des flots de souvenirs aux parfums enivrants,
Des écharpes moisies, les lettres d’un parent,
Intrépide exilé, commandant d’un navire.

Il abrite un fatras d’odorants cachemires,
Un sac à main usé où se cachent des francs,
Un portrait déchiré au visage implorant,
Un trésor oublié dans une tirelire.

Drapé dans le silence, attentif, en retrait,
Il conserve en son cœur de prodigieux secrets
Dont l’arôme attrayant attise les mémoires.

Il mêle habilement les fragments du passé
Aux choses du présent dans ses entrailles noires
En veillant à cacher les vestiges glacés.

 



La nuit des temps

La nuit s’étend au puits du temps.
La lune luit aux nues du printemps.
La nue s’ennuie sous la nuit de l’oubli.
La lune sourit à l’étang distant.

L’ennui latent s’évade à minuit.
L’eunuque pique-nique dans la crique.
La femme nue étend la nuque
Dans la ville qui attend la fête.

La noce s’enlise en promesses atroces.
La mort précoce accoste les amants tentés.
La lune s’allume dans la brume tangente.
L’abîme tangue dans la ville tendue.

La tendresse tempête aux portes de l’absence. 
Le temps s’arrête à l’angle de la lune.
Le jour retient son souffle.
L’avenir appelle le soleil étourdi à inverser le temps.




Plume lutine

Moderne troubadour, je mets dans ma besace
Le compagnon discret de mes pires hivers,
Mon stylo à sonnets qui compose des vers
Dont la douce harmonie efface mes grimaces.

J’emporte les secrets des Muses du Parnasse
Qui guideront mes pas à travers l’univers
Jusqu’au terme éloigné où des branchages verts
Érigeront bientôt mon champêtre palace.

Mon bagage léger ballottant sur mon dos,
J’abandonne la ville aux lugubres badauds
Pour le pays sublime où les mots s’illuminent.

Seule avec mes écrits, j’invente mon destin
Au rythme des envies de ma plume lutine
Qui s’active du soir jusqu’au petit matin.




Avenir illuminé


Je parcours le terrain vague du néant,
Large comme le mépris impassible.
Je cherche le sens de mes blessures
Dans les replis du silence glaiseux.

Je me démène contre le brouillard
De mes envies vite avortées,
Devenues cadavres paresseux. 
Une étoile se pose dans ma main

En signe de délivrance possible
Dans un temps au rythme aboli.
L’avenir s’illumine dans la nuit amnésique
À l’angle de mes défaillances inavouables.

Dans l’abandon fébrile de mes réticences,
Je découvre le vertige incendiaire de mes plaisirs
Au seuil de mon audace ineffable.






Volutes évasives

L’envie du vin se lit sur les visages livides.
L’ivresse délivre l’hélice des vices.
Les vies sévères dévient l’avenir.
Les cerveaux vides délient les aveux aveugles.

Le vent des rivalités renverse la vérité.
La ville dévore les vestiges voisins.
Le sang des cadavres vautrés dans les caniveaux
Se déverse en vagues de vengeance assouvie.

Le venin des revolvers désarme les âmes dévastées.
Les vigiles invulnérables inventent des souvenirs voraces
Qui voltigent sur les rêves vacillants
vachis sous la voûte vespérale.

Devant les visiteurs impavides,
La violence avide dévide sa bave fiévreuse
Dans le ravin vaniteux des évidences versatiles.
Le fleuve de la vertu s’évapore en volutes évasives.




Tristesse aphone

Blessée par les regards qui grouillent dans la nuit,
Repliée en mon âme, au cœur de mes souffrances,
Je cherche un élixir abrogeant le silence
Avant que mon esprit ne fonde dans l’ennui.

Au puits de l’amnésie, l’avenir se construit
En boucles de regrets trahissant ma conscience,
Dans les ombreux replis où mes peines s’élancent
À l’exact opposé de ma joie qui s’enfuit.

Ballottée sur les flots de mon rêve liquide,
J’affronte les passants aux envies insipides
Dans un déferlement de mirages glacés.

Aux portes du matin, ma carcasse frissonne,
rise dans le filet de mes espoirs blessés
Qui clament la folie de ma tristesse aphone.

 



Silence nocturne

J’écoute le silence envelopper la nuit
D’un voile charbonneux d’insolente tristesse
Où mon âme blessée s’enlise avec paresse,
Aux portes de l’oubli qui m’attire aujourd’hui.

Sous la voûte obscurcie, le sable de l’ennui
Déverse un océan de regrets qui se dressent
En cauchemars fiévreux au parfum de faiblesse,
Dans mon esprit flétri dont l’espoir s’est enfui.

Au rythme de mon cœur, je colmate les vides
De ma vie solitaire aux souvenirs livides
Dont le sabbat glacé clame mon abandon.

Quand mon ombre s’enfonce au centre de moi-même,
Le spectre du néant allume des brandons
Sous mon regard plongé dans un effroi extrême.





Timide souris

Je suis la proie du chat, la timide souris
Qui danse adroitement quand le fripon délaisse
L’antre de mon logis pour combler sa maîtresse
De frôlements si doux qu’ils fâchent son mari.

J’ose à peine sortir depuis que mistigri
Du matin jusqu’au soir sur mon palier s’empresse
Pour jouer des chansons proclamant la tendresse
D’un matou éploré qui arpente Paris.

Le félin embusqué au seuil de ma maison
Met ma vie en danger et mon âme en prison.
Le dénouement fatal à grands pas se rapproche.

Il me vient une idée pour tromper l’animal :
Je partirai demain, camouflée dans la poche
D’un pardessus douillet, sous le froid hivernal.





Briser le silence

Je crie pour briser le silence
Tendu comme un rêve avorté
Sur le voile de mes envies.

Je me bats contre la monotonie,
Cette araignée de ma patience,
Qui me condamne à vivre d’ennui.

J’abolis mes invraisemblances
Gonflées de cérémonies radoteuses,
Pendues comme des loques putrides.

Je déplie les ombres de l’oubli
Dans le terrain vague de mes désillusions
Aux portes de mes angoisses perpétuelles.

Je m’abreuve au puits de mes souvenirs
Déferlant en vagues de remords
Dans le ciel de ma mémoire blessée.

J’écrase les scrupules de ma lassitude
Sous les pas de ma délivrance
À la lumière de ma lucidité vertigineuse.

 




Vocation d’écrivain

J’aurais bien voulu travailler,
Mais le réveil m’affole.
La discipline de l’école
M’a toujours fait bâiller.

J’ai connu les ordinateurs,
Ces odieuses machines
Qui mettent la vie en routine
Au détriment du cœur.

J’ai côtoyé des vignerons,
J’aime le jus de treille.
J’apprécie l’âme des bouteilles,
as celle des patrons.

J’ai décidé d’être écrivain
Puisque les mots m’amusent.
Ce soir je taquine la Muse
En buvant du bon vin.

 



L’écho de ton rire

Perdue dans la nuit de silence,
De ton départ jusqu’à demain,
Je t’imagine entre ses mains,
Au centre exact de mes souffrances.

Dès que tu as fermé la porte,
Mon cœur effondré s’est jeté
Dans le gouffre des cruautés,
Où s’enlisent les âmes mortes.

Dans mon tombeau de solitude,
Je m’écorche sur les chardons
Que notre amour à l’abandon
En clamant ma décrépitude.

e traque l’écho de ton rire,
L’étincelle de ton regard,
Un signe contre le cafard
Qui, depuis ce soir, me déchire.

 

 



Bagage

Je mets dans mon panier l’empreinte d’un nuage,
Un éclat d’arc-en-ciel, les clés de ton bonheur,
L’écho de nos serments, des perles de couleur
Pour marquer le chemin de notre doux voyage.

J’emporte nos oiseaux délivrés de leur cage,

Les pétales de joie qui embaument mon cœur,
Les contes merveilleux triomphant de tes peurs,
Le bruissement du vent au fond des coquillages.

Je compose d’un trait une tendre chanson
Exaltant les diamants de nos précieux frissons,
Dont les accents soyeux enivrent ma guitare.

Nous partirons demain, munies de ces trésors,
Guidées par notre amour érigé comme un phare
Scintillant dans la nuit pour sceller notre accord.

 




Repos de l’oubli

Au centre d’une nuit débordant de silence,
Adossée à la foule aux visages fermés,
Tournée face au néant, sous le ciel parsemé
D’étoiles calcinées, vers l’ennui je m’avance.

De mépris en refus, je creuse mes souffrances
Sur le fil du couteau des rires déformés
Par les regards ombreux, menaçant d’exhumer
Les spectres vacillants de ma désespérance.

Un carrousel hargneux de cauchemars brûlants
Insuffle dans mon cœur un dégoût insolent
Qui pose sur ma lèvre un relent d’amertume.

Seule avec ma conscience aux désirs abolis,
Sous la voûte nocturne engoncée dans la brume,
J’accorde à mon esprit le repos de l’oubli.

 



Au gré de notre ivresse

À quoi bon clamer nos souffrances
En mots venus d’enfer ?
Parlons des vagues de la mer,
Pas de l’amer silence.

Puisque l’indifférence est reine,
Dansons sous le soleil
Au lieu de donner des conseils
Pour abolir la haine.

Qu’importe l’avenir du monde
Pour nos vies de fourmis ?

Allons plutôt boire un demi
De bonne bière blonde.

Oublions l’odieuse tristesse
Qui ternit nos regards.
Noyons-la dans le fond d’un bar
Au gré de notre ivresse.


 

       Le sourd

        Tapi dans ses pensées, étranger aux discours,
        Solitaire prudent, plongé dans le silence,
        Perdu dans les banquets, malhabile à la danse,
        Le vieillard ombrageux n'entend que son c?ur lourd.

        Le tombeau de sa tête abolit le tambour,
        Les accords du piano dont les notes s'élancent
        En concerto maudit débordant d'impudence,
        Venu se fourvoyer dans le monde des sourds.

        Condamné à l'ennui d'une vie sans paroles,
        Il cherche le soutien des regards qui consolent
        Dans la foule pressée, drapée dans son mépris.

        Étouffant les lambeaux de l'espoir dans son âme,
        Il s'enferme à présent avec des mots écrits
        Avant de s'adonner à la douceur des flammes.

       

 

Chevaux de trait

Fringant comme un poulain, au sortir de l'étable,
Le vieux cheval de trait pousse un hennissement
Dont les éclats joyeux appellent la jument
En train de s'échiner dans des champs détestables.

Aiguillés par le vent au souffle délectable,
Les deux chevaux s'enfuient sous le noir firmament
Dans un galop d'enfer où leur ressentiment
Se disperse aussitôt comme un château de sable.

Au fil de leur instinct, ils suivent leur chemin
Vers un monde éloigné des cyniques humains
Qui confient leurs corvées à des bêtes de somme.

Délivrés du licol, ils recouvrent l'espoir :
Puisqu'ils ont échappé à la fureur des hommes,
Ils ne subiront pas la loi des abattoirs.

 





Arc-en-ciel de ma joie

Je me débats contre le brouillard monotone
Où s'étouffe ma conscience inquiète
Aux portes de l'inconnu invasif

Je m'enfonce dans le terrain vague du souvenir
Jusqu'à l'ivresse de l'oubli aveugle
Dans le silence de mon désir inversé

Tes mains de joie vêtues de feu
Disculpent ma solitude
Dans le vertige de mes défaillances

Tes ongles grattent les mensonges
Cousus dans la housse des choses
Au fond du gouffre de mes souffrances

Je m'étends dans le velours flamboyant
De la délivrance irrévocable
Sous l'arc-en-ciel ardent de ma joie insolente






Ta beauté célébrée

Les rayons de la lune et du soleil s'enlacent
Pour conjuguer leurs feux au fond de ton regard
Dans un embrasement qui noie le soir blafard
Au puits de ta beauté illuminant l'espace.

Les hôtes des forêts, du pinson au rapace,
De la biche gracile au crapuleux renard,
Fascinés par ta voix, émergent du brouillard
Pour former un cortège et marcher sur tes traces.

L'impavide tempête au souffle fanfaron
Prend des gants de velours au toucher de ton front
Afin de t'égayer par sa subtile haleine.

Les arbres se déploient en chatoyant abri
Dont les branches se plient afin que ta main prenne
Les fruits gorgés de joie parfaitement mûris.




Je hais ces longues nuits  

 

Je hais ces longues nuits lourdes de ton absence

Qui me laissent flétrie aux portes du matin,

Errant dans un fouillis de souvenirs lointains

Dont les lambeaux fanés m’arrachent des souffrances.

 

Je ne supporte pas le voile de silence

Recouvrant sombrement notre amour clandestin.

Pendant que tu t’endors dans des draps de satin,

J’essaie de débrancher les fils de ma conscience.

 

Dans mon lit d’insomnie, j’exhorte ma raison

À vaincre le désir qui verse son poison

Sur mon corps esseulé dont l’âpre feu me blesse.

 

Un soleil lénifiant efface ma douleur

Avant de m’inviter par ses tendres caresses

Au jardin de la joie où s’éteignent les pleurs.


 

Le sabbat de l’abstinence

Ton absence s’immisce

Dans les interstices de ma conscience.

Je m’enlise dans le silence glacé

De la nuit défaillante.

 

Je ronge mon impatience

À la sueur de mes insomnies.

Je me fonds dans mon ombre

Au centre de mon désir.

 

Le glaive du manque déchire

Le ventre des ténèbres ridées.

Un cri de solitude transperce

La braise de ma folie limpide.

 

Dans l’ivresse de ma nudité,

Drapés de chair et d’immondices,

Les spectres de mon effroi se dressent

Pour le sabbat de l’abstinence.





Hiver dégrisé


L’hiver dégrisé grime notre mémoire

Et noie l’eau de nos dégoûts.

Un canevas de solitude blafarde

Camoufle nos consciences calcinées.

L’amertume du futur glisse dans les interstices

Du grimoire de nos regrets sarcastiques.

Le brouillard enveloppe la nuit cafardeuse

Dans sa housse de déraison amnésique.

Nous déchirons le voile de nos défaillances

Aux arêtes du désert poisseux de silence.

 

 

 



Absence irrévocable


Accablée de mensonges, je déambule dans le village de mon enfance, sur les ruines de mon innocence.
La housse de la nostalgie approfondit mes souvenirs et exalte l’évidence de mon exil.
En somme, rien n’a changé, l’univers retient sa respiration sur la cendre des choses, chaque arbre et chaque source demeurent à leur place exacte.
Les parfums du passé déploient leur souffle pur qui chasse mes illusions poisseuses.
Pavé de regrets brûlants, le chemin se faufile sans salut possible dans le théâtre de l’abandon.
Je mesure l’étendue de ma défaite à l’angle de la lumière inaltérable qui creuse mes défaillances.
Résignée, je porte le poids silencieux de mon absence irrévocable.









Pli de ma défaite

 

L’enveloppe lâche le pli de ma défaite.

La lettre déroule les mots lourds

Qui coulent sur les lignes hostiles

Tracées par l’infidèle.

 

Témoins par inadvertance,

Gênées par l’encre de l’abandon,

Ancrées dans ma solitude inédite,

Les lettres s’aplatissent

Au bord de ma conscience.

 

Dans les déliés de l’écriture,

Les griffures prolixes de l’oubli

Délient nos délices abolies,

Livrées au puits de l’inertie argileuse.

 

À la lisière de mes illusions,

Dans les replis de nos défaillances,

Je lis les signes flétris,

Alignés en phrases délavées

Pour résilier notre amour fragile.





Blâme poétique


Prenez garde à vos vers, le Parnasse s’enflamme

Car votre obscénité, vos mots désobligeants

Affligent les lettrés. Soyez intelligent,

Mettez une sourdine à votre ardent calame.

 

Chassez de votre esprit l’envie qui vous affame.

N’attendez pas de moi un soutien indulgent.

Vos cadeaux par milliers, dont la bague en argent,

Attisent ma fureur, vous méritez un blâme.

 

Oubliez vos sonnets aux termes outrageants

Qui blessent ma pudeur. Montrez-vous exigeant

Envers votre talent, sortez vos oriflammes.

 

Adoptez la douceur, votre meilleur agent

Pour calmer ma colère, ensorceler mon âme

Et obtenir bientôt un rencard à Paname.





Vers choisis

J’écris en vers choisis mes modestes délires

Dans des sonnets français aux délicieux appâts.

Je raconte ma vie, mon imminent trépas,

En termes délicats qui forcent le sourire.

 

Pour finir un tercet, tant pis si je transpire.

Je trime jour et nuit, je saute les repas.

J’élimine les mots qui ne me charment pas.

Je sélectionne ceux dont la graphie m’inspire.

 

L’essence de la vie coule dans mes quatrains

Savamment composés de beaux alexandrins

Construits dans le respect des poèmes classiques.

 

Je condamne à l’oubli les vocables grivois

Pour ne vous adresser que les phrases lyriques

Qui sauront vous conduire à donner de la voix.






Squelette de pierre

Mon visage ravagé de solitude

Se replie sur le grillage de ma poitrine

Pour défendre le spectre familier

De l’abandon silencieux.

 

La caresse tiède du vent

Sur mon squelette de pierre

Efface les mensonges obscènes

Ensevelis dans ma nudité.

 

Je renonce à la comédie poisseuse

Du frôlement de corps inconnus,

Gênés par leur étroite armure

De méfiance larvée.

 

À l’abri de l’ombre d’autrui,

Pour abolir le désordre fiévreux,

Je lègue mes os dépareillés

Aux mains du temps impassible.





Soyeux asile

Les ombres de la rue sculptées dans la nuit noire

Composent un ballet devant mes yeux ouverts

Sur l’amour disparu qui m’inspire ces vers

Parsemés des lambeaux du présent dérisoire.

 

Mon cœur, éclaboussé à la vue de l’armoire

Versant des souvenirs plus glacés que l’hiver,

S’emballe violemment, lâchant des flots amers

D’un sang sombre et poisseux, pour noyer ma mémoire.

 

Jusqu’à l’aube déchue, je m’évertue en vain

À vaincre le passé au visage divin,

Drapé dans les replis de mon âme fébrile.

 

Le jardin, éveillé par les tièdes lueurs

D’un soleil apaisant, m’offre un soyeux asile

Dont le bonheur discret ensevelit mes peurs.





À bas


À bas le barbecue et le bitume

À bas la barbe et les cheveux

Abandonnons le basilic et les ciseaux.

 

À bas les bardes et les bébés

À bas la bouillabaisse et les bombardiers

Abolissons les falbalas et les guimbardes.

 

À bas les barrières et les baffes

À bas les bâtisseurs et les cathédrales

Bannissons les banques et les banlieues.

 

À bas le bazar et les probabilités

À bas les bavards et les basses-cours

Abrogeons les ambassades et le baccalauréat.

 

À bas le handball et la masturbation

À bas la mer et les barbares

Balançons l’alphabet et la bêtise.

 

À bas les babas et le rhum

À bas les radars et les bandits

Absorbons des boissons, arrêtons les prisons.

 

Basta !





Temps dilapidé


Ce soir un quiproquo s’amorce

Aux portes du temps dilapidé.

Je m’arrime à l’avenir en épave,

Dans le fatras des mots désarmés.

 

Je me recrée au centre de moi-même

À l’abri des récidives évasives.

Devant l’aube divulguant son impatience,

Je m’installe dans la déraison.

 

En marge de l’anecdote,

Je mesure le poids de l’abandon

Aux rides amères de mon front

Rongé de soif et d’ombre.

 

Loin des murs qui m’oppressent,

Je m’évanouis à la croisée des possibles

Pour conjurer la mort avide

Au nom de mon impertinence inédite.





Désert silencieux

 

L’homme, pour se distraire, invente des supplices

Qui crachent des torrents de brûlant désespoir

Sur la terre épuisée par les coups de boutoir

Que son enfant funeste assène avec malice.

 

Il boit jusqu’à la lie l’ineffable calice

De la sauvagerie sur le fil du rasoir,

Condamne sans rougir son frère à l’abattoir

Au nom de l’avenir épris de sacrifices.

 

L’homme joue son destin aux cartes de la mort

Sous le regard déçu du soleil qui s’endort

À l’orée d’un futur de glaçantes ténèbres.

 

Un désert silencieux remplacera demain

D’atroces défilés de spectacles funèbres

Dans un monde apaisé, oubliant les humains.





Ma belle oublieuse

 

Accordée au cartel marquant des heures creuses,

Je traque le reflet de ma belle oublieuse

Au hasard de la nuit, dans des bars cafardeux,

Jalouse des amants qui s’éloignent par deux

Afin de s’octroyer une complice étreinte.

Dans mon cœur esseulé à la tendresse éteinte,

Je cherche les lambeaux d’un amour chancelant.

Je trompe ma souffrance en errant à pas lents

Pour retrouver les traits de son lointain visage

Dans une vitre épaisse ou un ombreux feuillage.





Joie matinale

 

Va t’en, mon désespoir, laisse-moi accueillir

La douceur du matin à la lueur complice

Qui chassera bientôt les ténébreux auspices

Condamnant sans recours les années à venir.

 

Pendant que mon esprit se délecte à souffrir

En jetant le bonheur au fond d’un précipice

Où la main de l’ennui sournoisement se glisse,

J’appelle à mon secours la force du désir.

 

Le chagrin que la nuit a semé dans mon âme

Se dissipe déjà sous les fougueuses flammes

Du soleil composant la danse du printemps.

 

À l’orée de midi, la joie reprend sa place.

Dans mon cœur dévasté, les accents envoûtants

Du zéphyr amical effacent mes grimaces.





Clé de mon plaisir

 

Quelqu’un a dû jeter la clé de mon plaisir

Au fond d’un précipice à la froideur affreuse

Où mon cœur se déverse en plaintes langoureuses

Sous un soleil d’hiver glacé à en mourir.

 

Tandis que le jardin m’encourage à cueillir

Une rose odorante, une pêche soyeuse,

Accordée au néant, je contemple, soucieuse,

Les lignes de ma main noircissant l’avenir.

 

Repliée en moi-même, à l’orée de l’horrible,

Je calcule ma perte aux cartes du possible

Qui plonge mon esprit dans un puits d’abandon.

 

Je dérive au hasard, esseulée dans ma cage

Aux barreaux plus mordants que des fleurs de chardon,

Jusqu’au terme attendu de ce mortel voyage.

 

 

 

 

 

 

 

Ombres du soir  

 

Au littoral des heures gonflées d’ennui,

La vieille se replie dans les ombres du soir

Sous l’horizon défait à l’orée de l’oubli.

 

Solitaire affalée sur le bord d’un comptoir,

Elle déjoue le présent dans les yeux des enfants

Et brûle sa mémoire à coups de café noir.

 

Elle consume sa peine dans des bars étouffants

Au milieu des buveurs à la solitude complice,

Dont les épaules voûtées portent le poids des ans.

 

Aux accents d’un vieux jazz, ses yeux se plissent

Pour rappeler le lointain souvenir si vite détruit

De celui qui jadis la comblait de délices.






Cheval à bascule


Dans le vieux dépotoir, le cheval à bascule

Dont l’orbite enfoncée évoque le martyr

Appelle tristement le souffle du zéphyr

À venir effacer la boue qui le macule.

 

Pendant que les déchets sur ses flancs s’accumulent,

Le jouet se replie parmi ses souvenirs,

Attendri par l’enfant qui venait s’étourdir

Dans des galops furieux de l’aube au crépuscule.

 

Coincé entre un divan et un vélo cassé,

Il suffoque, blessé par les airs compassés

Du visiteur pressé à l’œil froid comme un glaive.

 

Quand la lune flétrie darde un rayon chétif,

L’animal s’assoupit dans les plis de ses rêves

Où son esprit s’envole en mouvements rétifs.





Accents de ton âme

Aux prises avec mes incertitudes

Dans cette nuit vide de toi

Où des solitudes se rejoignent,

J'écoute les accents de ton âme

S'épancher en concerto d'ivresse fulgurante.

Les mots de tes chansons résonnent

Au coeur de ma conscience déraisonnable

Comme un appel à vivre.

Au centre de mes défaillances,

Je disculpe tes maladresses inquiètes

Dans le tourbillon volubile

De nos étreintes incandescentes.

 

 

 

 

 

Grenouille affamée

 

La grenouille affamée cherche une libellule,

Un insecte distrait, même un sale cafard,

Sur la mare peuplée d’immenses nénuphars,

Mais la vie se replie avec le crépuscule.

 

L’animal consterné gobe les grosses bulles

Qui troublent l’eau croupie devant l’œil goguenard

Du chat dans les buissons montant un traquenard

Contre le batracien dont les cris le stimulent.

 

A force de jeûner, la rainette maigrit.

Ses cuisses effilées dégoûtent mistigri

Qui préfère la chair des souris grassouillettes.

 

Ressembler à un boeuf lui paraît écoeurant.

Grâce à l’agilité de ses frêles gambettes,

La grenouille moqueuse échappe aux restaurants.

 

 

 

 

 

 

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