Ecrire par dessus tout

 

Pour Ceux-là, je dis.

Le monde ébloui de lui-même
et par lui-même médusé
de ses révérencieux « je t'aime »
de ses vertiges tant usés,
ses gardes fous
dont je me fous,

le monde, en sa bestiale errance
de lois inversées en recours
pour l'Etre en paix comme en souffrance,
l'homme en château, l'autre en sa cours,
tombe à genoux
et je m'en fous !

Le monde fatigue mon âme
depuis sa morne déraison
à souiller l'enfant, tair' la femme
et tenir l'homme en ses prisons.
ces mains qu'on cloue
là, je m'en fous.

Le monde, insalubre lieu-dit,
mièvre demeure et sombre plaie !
Le monde - pour Ceux-là - je dis,
aussi fort que te voici laid :
« Ceux qui s'y perdent
ainsi t'emmerdent ! »

http://perso.wanadoo.fr/des.mots.au.monde/


Le cour lié

La feuille est blanche et les mots roux.
Le regard fuyant dans le vide
où vont les choses, peu ou prou,
comme sous les yeux, d'autres rides,

d'autres chimères, d'autres seuils
dont palpitait le cour parfois
mais, un à un, viennent les deuils
et, doucement, s'éteint la foi.

J'aime, au ciel, les bleus rosés d'or,
le lent dessin d'ailes d'oiseaux,
toutes ces choses dont s'endort
le reflet, mouvant, sur les eaux

d'un petit ruisseau familier
où l'on n'entrevoit plus personne
lorsque l'on a le cour lié
à ces choses qu'on. abandonne.


O douce pluie de mots!

Au silence éreinté des vides éternels
dans la contre façon des vies abandonnées,
là-même où s'effacer n'est qu'une ritournelle
je dessine mes mots afin de les donner.

Je ne sais, au-delà de leur possible errance,
s'ils toucheront un coeur, ouvriront un chemin !
Cela, en fait, a t'il une moindre importance
quand la plume à mes doigts n'est autre que ma main.

Dans le fébrile exquis de l'instant d'écriture,
lorsque la vie partout n'existe plus vraiment,
le bonheur silencieux efface mes ratures
et je suis au huit clos de tous les firmaments.

Ne plus en revenir - O douce pluie de mots -
demeurer en ce ciel de suaves beautés,
éteindre, là, partout de partout tous les maux
et donner à la vie toutes ses libertés.




Le pas

Et va... l'immesuré ne prend le pas sur rien,
comme le rien des pas ne connaît la distance
entre ce qui serait et, là, ce qui s'en vient...
le pas immesuré ne sait son importance!

Et je marche aux secrets des pas de n'importe où,
là-même où le ciel joint la terre en sa nuitée,
est-ce là-bas la vie, est-ce la vie partout,
et le pas n'est donc rien quant à la Liberté ?

S'il suffit de vouloir pour apprendre le rêve,
que ne sais-je de lui, moi qui le veut profond,
que n'ai-je appris, par là, l'immesuré des trêves
où l'esprit se dissipe en des confins sans fond ?

Je volage, imparfait, des détours féeriques
où l'ombre en sa demeure ébahie ma passion
pour les mots sans mesure en des aubes lyriques
quand mon pas ne va plus qu'au gré des négations.

C'est le propre de l'Être d'aimer sans comprendre
et va... l'immesuré ne prend le pas sur rien,
l'amour, en sa fiévreur, nous oblige à apprendre
entre ce qui serait et puis... ce qui s'en vient !

Je détourne les yeux d'un pas immesuré,
le ciel pleure à l'abri de matins méconnus
et va le peu des tous à jamais épuré
en mon rêve profond au profond de ses nues !





Le Poète


Le poète veillait au froid de ses silences,
L'égratignure ici n'était qu'une apparence
Et les instants meurtris de ses vraies négations
Ne laissaient, ça et là, qu'une drôle impression ;

Il avait éconduit tant de rêves, de songes
A des chemins succins de paisibles mensonges
Qu'à toujours écouter les lieux-dit éphémères
Il s'était fatigué et se sentait amer ;

Les mirages des vies qu'il aurait pu connaître
Ne semblaient plus pouvoir ni mourir, ni renaître,
Il étonnait son lieu de toute son absence,
Le poète était las de ses obéissances.

Un deuil est un îlot pour tout être fébrile
Il avait cru cela mais pas su trouver l'île
Et s'endormant ainsi de rimes et de vers
Il ne cherchait plus rien dans ce monde pervers ;

Son froid brouillait les cartes de l'imaginaire
Et les plaies de ses vies comme des lieux lunaires
Déposées au regret de bien peu de présence
Lui dictaient, là, tout bas, le morne de ses sens.

Le poète veillait à d'autres existences
Et sur les petits jours ébouriffés d'alcool
Ne sachant plus très bien ces choses là qu'on pense
Il prit, d'un pas succin, doucement son envol.




Pour peu ... 

Infatigables nuits sans rêve, 
Extravagantes insomnies 
Pour peu qu'un matin je me lève 
Et tout renie 

Pour peu qu'éclaboussé des songes 
Dont je n'ai le moindre appétit 
Ni le dégoût partout qui ronge 
Ce qu'on ne dit 

Pour peu qu'enfiévré des silences 
Qu'aux yeux des hommes l'on dépose 
Pour peu pour peu que l'exigence 
Soit quelque chose 

Pour peu, pour rien, une chimère 
Une quelque ombre décimale 
La ronce rouillée d'atmosphère 
Qui me fait mal 

Pour l'abord ou le loin de l'homme 
Pour peu de pluie à quelque orage 
La main fermée ici en somme 
Au gré de l'âge 

Pour peu qu'exubérante et vive 
Cogne à mon coeur l'intégrité 
Je ne saurai de vous survivre 
Sans liberté 

Eloignez l'heure et son négoce 
Les agissements méthodiques 
Seul au profond des yeux des gosses 
Naît ... l'esthétique. 


Le temps

Le temps vieilli bien plus que nous,
voyez tout ce qu'il ne dénoue
parmi ces labeurs insidieux,
le temps qui se prendrait pour Dieu !

Futile, futile son âge,
et le lointain de son voyage,
le temps de le nommer il fuit
et chacun se presse et le suit !

Il est fier, il est éprouvant
mais il ne sème que du vent ;
le temps est une vieille ordure
ainsi qu'en nous plus rien ne dure.

Je l'ai croisé, l'autre matin,
songeant à bien d'autres lointains
il nous devance, nous confond,
le temps est autrement profond !

Il engloutit, il démesure,
allume l'aube, éteint l'azur,
le temps se prend pour plus que tout,
il est ici, il est partout !

Ignorons-le juste un instant
s'il nous en offre encor le temps,
lui qui ne voit vraiment pas qu'on
sait bien qu'il nous prend pour des cons !

J'ai pris les armes pour mon Père

J'ai pris les armes pour mon Père,
Non celles qu'on lui fit porter
Mais l'arme-mot, larmes à terre
Là-même où on l'a déporté;

Il me souvient de son visage
Sortit d'un grand congélateur...
Vide, vide, vide mon âge,
Vide le temps et vide l'heure...

Oh revenir, Oh te revoir...
Dis-moi que l'aube est un miroir,
Dis-moi tout ce qu'il faut savoir
Dis-moi, dis-moi, dis-moi l'histoire...

Oh dis-moi, maintenant, dis-moi
Comme là-bas il fait bon vivre,
Que tu n'as plus ni chaud, ni froid,
Dis-moi que je peux en survivre!

Oh l'encre est noire et l'aube blême,
Mais dis-moi, redis-moi quand même
Qu'il y fait bon là où tu dors
Pour que j'y crois, j'y crois encore

Qu'on se retrouvera bientôt
Sur les barricades du temps
Où tu passas ta vie... photos ...
Se confondre... rien qu'un instant.

 

Je ne sais plus vraiment

Je ne sais plus aller au delà qu'en moi-même,
étourdi des regards que j'ai posés partout,
les saisons, en tous lieux, accueillent mes poèmes,
ils fleurissent, s'effeuillent, dorment n'importe où !

Sous la feuille, au trottoir, vagabondant ma verve,
quelques mots, sous le vent, s'élèvent quelque part,
ils n'auront d'autres jours quant, à plus rien, ne servent
ces instants d'écriture à leur point de départ.

Je devine, incertain, l'écrit qui s'insinue
là dans ma dérisoire approche du cessible,
je n'ai d'autre richesse que les mots à nu
lorsque au delà de moi tout est inaccessible !

Il fut bien des décors aux mots de mes ivresses,
bien des lunes blafardes, des soleils levants,
qu'importe tous ces lieux quand l'écrit qui m'empresse
aujourd'hui, ne sait plus être « un être vivant » !

Le songe plisse, aux yeux, les rides de mes rimes
et mon regard ainsi se ferme doucement,
j'eus des mots pour la vie ou bien contre le crime
et, de cela, ne sait où s'en vont, longuement,

tous ces mots étoilés en silence des ombres,
étourdis des regards que je pose en moi-même,
de saisons clair-obscur, en quelque autre plus sombre
je ne sais plus vraiment où s'en vont... mes poèmes !



Se blottir


Se glisser doucement dans le silence où naît
la musique des mots qui s'en vient et qui n'est,
par delà l'alentour, jamais en contre temps
au singulier rivage de ce bel instant !

Ecouter le sanglot d'un mot, là, contre un autre
ou le sourire ici, en un son qu'on fait nôtre,
d'une syllabe bleue parmi les éclosions
de ces rythmes empreints à la tendre effusion

de voyelles mouillées, quelquefois qu'il ait plu
sur la vie, les chemins dont on ne voudrait plus
se souvenir encor à l'autre bout de soi
où la consonne sonne aux douleurs qu'on perçoit.

Se fondre dans l'écrit, n'être que le mot même
quand l'écho, s'envolant, résonnerait « je t'aime »
et par-dessus le songe et par-dessus l'esprit,
en la verve des mots, ne savoir que l'on prie.

Et le ciel éphémère empourpré du langage,
ainsi même qu'à rien l'on ne donnerait d'âge,
comme un poème écrit en un siècle sans peur
n'être plus que ces mots... se blottir en leur coeur 

 

Le vent froid de l'hiver

Le vent emporte au loin mon coeur désabusé
de cette vie sans nom qui m'aurait trop usé
et de volutes bleues et de mirages sourds
...le vent froid de l'hiver souffle sur mes doigts gourds !

J'ai lu, à l'insomnie, les pensées dérisoires
qui dansent sur les murs aux ombres illusoires,
blotti dans le secret des absences trop rudes
dont chaque fois le cœur, un peu plus, se dénude.

J'étais allé, là-bas, parmi des Êtres chers
et puis j'appris, par eux, que j'étais en jachère,
qu'aux sillons du visage l'on ne sème plus
et plus le temps les creuse et plus c'est l'absolu...

ce probable équivoque entre l'aube incertaine
et ces clartés de vie de plus en plus lointaines,
ce geste médusé de n'avoir pas compris
que ce qu'il a donné, en fait, on le lui prit

dés sa moindre existence, au tendre et au serviable,
à ces choses enfin qui n'ont rien d'insatiable,
et qu'au gré des douceurs, en des yeux familiers,
le chêne qu'il était en roseau s'est... plié !

Le vent emporte au loin ma pensée doucereuse
et je songe à la vie que tout prétend heureuse
de ces Êtres si chers dont mon cœur est si lourd
... le vent froid de l'hiver souffle sur mes doigts gourds !

Bien que ses doigts blessés...

O présence - irraison - en ce monde insomniaque
toute vêtue des gestes inculqués d'avance
tu t'ébats dans les vides les plus démoniaques
en ce monde éreinté par ses propres offenses

et va la sentinelle et l'illico-presto,
le deuil enfoui sous l'or des pouvoirs embaumés,
l'immense négation où n'est plus, là, bientôt
que déambulation l'homme qui veut aimer !

et lorsqu'en quelque endroit une clarté ravive
un peu d'espoir défait aux yeux de l'imposture
claquent les grands drapeaux aux vents de leurs dérives
et l'on comprend pourquoi tant d'hommes, là, se turent !

Il est piètre ce droit d'exister qu'il nous reste
à regarder toujours plus loin d'autres ailleurs
dont chaque chose ici à chaque fois atteste
que le bonheur à vivre n'est qu'une frayeur ;

et sous le grand soleil des blafardes errances
dupé dans tous ses maux l'homme va son chemin
égratigné au cœur de cette survivance
bien que ses doigts blessés tendent la même main.



O douce pluie de mots !

Au silence éreinté des vides éternels
dans la contre façon des vies abandonnées,
là-même où s'effacer n'est qu'une ritournelle
je dessine mes mots afin de les donner.

Je ne sais, au-delà de leur possible errance,
s'ils toucheront un cœur, ouvriront un chemin !
Cela, en fait, a t'il une moindre importance
quand la plume à mes doigts n'est autre que ma main.

Dans le fébrile exquis de l'instant d'écriture,
lorsque la vie partout n'existe plus vraiment,
le bonheur silencieux efface mes ratures
et je suis au huit clos de tous les firmaments.

Ne plus en revenir - O douce pluie de mots -
demeurer en ce ciel de suaves beautés,
éteindre, là, partout de partout tous les maux
et donner à la vie toutes ses libertés.

 

Une corde brune


J'ai trouvé une corde brune,
c'était un vieux soir de ma vie
où l'on ignor' les clairs de lune
où l'on va là-bas sans envie.

Elle avait l'air assez solide,
ell' traînait là sur mon trottoir ;
allez savoir ce qui décide
les rencontres qu'on fait le soir !

Je la ramassais en silence
sans trop savoir ce que seraient
nos liens, nos buts, nos existences ...
entre elle et moi c'était abstrait.

Tout en marchant, incognito,
un arbre nous tendit sa branche,
je le saluais aussitôt,
il n'était pas de ceux qui penchent.

Lorsque je vis son air de rien,
jalousant ma corde à mon bras,
je compris qu'il me disait : « viens,
accroches-la, fais un nœud plat. »

J'hésitais ... c'était pas facile,
mais je parvins à la nouer ;
ell' se balançait, malhabile,
la corde brun' que j'ai trouvée.

C'était un vieux soir de ma vie ...
je m'asseyais, sans rien comprendre,
si ce n'est qu'il était ainsi ...
aussi facile de se pendre.

 

Essai pour un hommage à Léo Ferré

Autrement qu'au servile des vies mensongères
dans le limpide feu des verves qui suggèrent
et la nuit et le jour sur les pavés en marbre
de ces folles pensées accrochées à ces arbres
où le lieu écritur' ne compte plus les pieds
j'entends à la légère :
« Poète, vos papiers ! »


Il dégueule son fiel des pensées établies
dans l'obscure insomnie des mots que l'on ne lit,
les ordures pourries des brouillons desséchés,
l'écriture insomnie qui s'en vient le chercher
lorsque aux routes les hommes tuent l'aube des pieds
on est à l'hallali :
« Poète, vos papiers ! »

Morne oraison des siècles soumis aux outrages,
brûlure au coeur en pluie qui n'attend rien de l'âge,
guitare au fond des bois désaccordée d'errance
et détritus enfouis des immenses souffrances
alentour des vieux cris étouffés des guêpiers
et puis la voix en rage :
« Poète, vos papiers ! »

La négation de l'homme en son pas insurgé
parmi les nuits morbides des clochards purgés,
le vieux litre qui roule au caniveau sans chien
et le chien qui aboie tel un Poète en liens
lorsque ici et ailleurs toutes choses épiées
on entend exiger :
« Poète, vos papiers ! »

Regarde-moi, ton jour décuple les mensonges,
comme un vieil arbre mort tu n'as plus aucun songe
hormis l'autre vouloir établi sans vergogne
par tes lois en ces murs auxquels chacun se cogne
le désir innommable, invariable, estropié
qui résonne et me ronge :
« Poète, vos papiers ! »

"Poète, vos papiers!" Citation de Léo Ferré


Bien que soit mon néant... 

Et j'avais trois enfants que je voyais grandir 
au jardin de la vie les aimer... tout leurs dire. 
Petits, chacun mettait du sourire en mes yeux... 
J'ai choisi leurs prénoms en me tournant vers Dieu. 

A leur vie des soleils brûlaient en mes pénombres, 
j'essayais en tout temps qu'ils ne vit mon cœur sombre, 
et passa la saison puis la saison encor, 
mes enfants grandissaient le bonheur en décor. 

La route de la vie à leurs pas se traçait, 
je savais tout, par eux, du peu que je ne sais 
et je croyais, au bout du chemin de leur âge, 
être toujours près d'eux en ce simple voyage ! 

Il fallut bien qu'un jour l'on ouvre grand la porte 
à celui qui - pourquoi ? - était comme une sorte 
de pantin devenu, de père périmé, 
à celui dont on dit : « tu les as mal aimés. » 

Après les nuits grisées de solitude étrange 
lorsque l'on a quitté les Êtres qu'on dérange 
un moment comme un autre qu'on ne vit venir, 
l'on n'a plus que les mots pour unique avenir. 

Et puis l'année se compte en absences certaines, 
on dort le coeur meurtri et d'amour et de haine, 
l'on cherche en quelque lieu à revoir leurs sourires... 
les enfants, tout d'un coup, n'ont plus rien à nous dire. 

Après de longs silences coupés d'aperçus 
s'effilochent des gestes que l'on avait su 
partager quelque part à la moindre raison... 
Mais les enfants sont loin en toute autre saison. 

De cet amour meurtri d'injustice et de peine 
quelques photos jaunies, quelques pensées bien vaines 
nourrissent ça et là le souvenir charmeur 
de ces tendres sourires dont l'ombre se meurt. 

Puis l'on entend la voix que l'on connaît si bien, 
au bout du téléphone en quelques mots de rien, 
préciser, s'il le faut, quelques années plus tard : 
« tu ne te soucies plus de nous dans ton histoire ! » 

Je regarde le ciel vide de ma présence... 
mon pas a retrouvé un peu de son aisance, 
je trébuche un peu moins maintenant par ici... 
bien que soit mon néant : Matthieu, Sarah, Lucie. 

28 07 2003

 

 

Te voici !

Et sur l'Auvergne il pleut ce soir
les monts s'embrument d'habits noirs
je garde au coeur pourtant l'espoir,
là, de te voir...

à peine au loin le ruisseau chante
et se gonfle et la vie s'invente
mais dans les arbres tout s'évente
tu es absente...

doucement descend la lumière
sur la colline juste amère
s'estompent, là, quelques chaumières
mais je t'espère...

l'envie de toi pleure au ciel gris,
toute l'Auvergne entend ce cri
poussé par ces mots que j'écris
mais... te voici !

 4.03.2001

 



Et j'écrivais dans mon lointain,
Cohen effleurait sa guitare
C'était ailleurs si loin, si loin
Qu'il y fit tard ;

Les présages, les insomnies...
Le corps noué de mille aveux
Et Cohen chantait son ennui
Et moi... je veux...

L'autre peut-être des soupirs
Qu'effleurait ton corps entrouvert
Et Cohen nous disait le pire
En quelques vers ;

Mais nos étroites retenues
Balbutiaient l'ombre de l'amour
Et Cohen m'était revenu
Toi... pas toujours ;

Si les aubes sont équivoques
Lorsque je scrute tes silences
Cohen ici partout évoque
Ce que je pense

Quand j'écrivais dans ce lointain
Mouillé d'éclair et d'infortune,
De tremblements au clair de lune 
De tes matins.




L'instant


Et puis triste à tes yeux l'instant s'est suspendu,
l'or de l'été noyait ses ombres éperdues
quand ton coeur, assombri de larmes en secrets,
battait vite et trop fort en de trop forts regrets ;

et la tendresse lut les mots qu'on ne dit pas
dans tes yeux, dans mes yeux... nos cœurs au même pas...
S'étreindre encore un peu... là se toucher encor,
tenir du bout des yeux tes doigts comme ton corps,

et ne sentir jamais que ton souffle de vie
lorsqu'à se séparer toute chose ne vit...
Éclabousser le monde et ses mésimportances
de nos baisers en feu... éloigner la distance...

et dans l'ombre fragile où je te sais encor
cacher nos doux secrets et nos doux corps à corps,
brunir de l'amour fou sur les rives du temps
et ne plus, là, laisser, nous séparer, l'instant.




L'homme imprévu

Il ne demeure en moi qu'une vie balbutiée
en de trop grands silences,
des gestes négociés
aux larmes de l'enfance,

ces choses d'autrefois mouillées de rêveries,
au travers des fenêtres
je pensais : « qui a ri...
je voudrais le connaître ! »

Mais de l'autre côté la rue était blafarde
et les regards trompeurs,
et par tout ce qui tarde
je n'appris que la peur ;

j'avais - le coeur battant - désiré tout comprendre
des mots et des chansons,
l'on préféra m'apprendre
de prétendues leçons.

Derrière un petit jour où je devinais tout
des gestes improbables,
l'on me disait : « surtout
met tes mains sur la table. »

J'ai rivé mon silence en des appogiatures
en mon cœur de mouflet
et seule l'Écriture,
de ses mots, m'appelait ;

Sur le bord de ma vie traînent mes sentiments
d'homme et d'enfant enfouis,
des silences-moments
entre le non, le oui...

Qui, d'hier, aurait su de ce môme l'errance
en son fort intérieur,
le laissant ou commence
le monde des frayeurs

à ne rien y comprendre aux choses entrevues
ce môme divaguait...
Alors l'homme imprévu,
aujourd'hui, fait le guet.

 

Lorsqu'on sait de l'amour...

Aux langueurs amoureuses, de sombres blessures
mutilées pour un rien que n'aurait fait la vie,
à ces rêves perdus pour des éclaboussures
au cœur éteint de tout pour toutes ses envies,

sur le pas dérisoire au chemin mutiné
que le tendre des yeux divaguait en ses songes,
quelques ombres perdues, à jamais ânonnées
posent au bord du temps cet amour qui me ronge.

Je prend mon vieux stylo et ma vieille écriture...
Il dort au fond de moi celui qui t'aime encore,
il hurle à tout jamais, le jamais d'un futur
où s'éloignent sans bruit, de nous deux, nos deux corps.

Nous n'irons pas plus loin... je traîne cet étrange
et magnifique amour dont nos vies se mêlaient,
je ne crois plus en rien, plus rien ne me dérange
à l'histoir' de ton cœur où mon cœur s'envolait.

J'avais, en tes grands yeux, vu briller des étoiles,
aujourd'hui tout se couvre sous le poids des maux,
nous n'irons pas par là quand l'horizon se voile
et que l'amour encor s'éplore mot à mot.

C'est comme une irraison d'être à ne plus savoir
ni le temps, ni les hommes et leurs pauvretés...
à s'aimer, ça et là... juste s'apercevoir
ne nous fera jamais fleurir en liberté.

La langueur, en mon lieu, ébahie le silence,
j'ai perdu mon regard à te chercher partout,
est-il ici ou là, à ces choses qu'on pense
lorsqu'on sait de l'amour... qu'il n'est plus rien du tout.


Mais... je vous vois

Je n'ai plus rien à faire ici,
les murs sont gris des regards froids,
dans les caniveaux les soucis
des hommes que tout négocie
flottent à l'ombre de leur croix.

Dans le ciel aux mornes clartés,
dépouillé de toute espérance,
je me laisserai emporter
par quelques rouges Libertés
que j'avais cueillies à l'errance.

Là-haut, blotti dans l'irréel,
comme l'enfant né de personne,
j'oublierai toutes vos querelles,
la puanteur de vos poubelles
et tous vos gestes qui ordonnent.

Vous avez mutilé la Vie
de siècles en lois infectées,
et de l'homme à l'homme asservi
quel est le reste de l'envie
que vous n'auriez pas édicté ?

Chacun verdoie sa propre tombe
ayant tout oublié des fleurs,
ignorant, volontiers, qui tombe...
Est-ce un Être là sous vos bombes
dont j'entends les milliers de pleurs ?

Ne fusse assez que tout cela
sous vos yeux tournés vers vous-même,
assez toutes choses qui ploient
sous le joug de vos piètres lois
en ces jours d'aubes, d'aubes blêmes ?

Il n'en est rien, vous allez droit
comme des pions dans les mouroirs
de vos villes, de vos endroits
choisis comme l'aigle sa proie
mais... je vous vois dans vos miroirs !

Et l'amour s'y confond

Et là, du bout des doigts, le souffle de ma vie
effleure lentement l'aube de tes envies ;
l'ombre fine, qu'au jour, nous dessinons ensemble
embaume nos secrets qui doucement s'assemblent,

et ton regard s'éprend de mon geste fébrile
et la nuit sur le jour, à ce rêve, s'effile
et nous nous en allons, ma lèvre à ton parfum,
en de longues douceurs dont on ne sait la fin ;

Il est comme étoilé le seuil de l'irréel
où nos corps, s'épelant chacun de leur appel,
trouvent l'autre et se noient dans l'infinie fiévreur
dont nos coeurs, épousés, ont trouvé leur ailleurs ;

Tu dessines ton songe à mon corps exilé
et me rejoints,ici, où nous n'étions allés,
la nuit brûle des feux aux quatre coins du monde
lorsque l'amour nous prend, seconde après seconde,

et si l'orage encor n'était pas inventé
rien que nous deux saurions comme il put exister
au moment même où l'or a des éclats profonds
c'est ton corps à mon corps ... et l'amour s'y confond.



Parce que le monde est fou...


Il n'avait pas vingt ans ...
Et les ombres en feu
De bombardiers géants
Crachaient, méticuleux

Sur les sentiers, les routes,
Les villages, les tombes ...
De toute chose on doute
Mais pas du bruit des bombes!

Il n'avait pas vingt ans ...
C'était là son histoire :
Des villages en sang,
Des corps brûlés, tout noir ...

La puissance des hommes,
La raison du plus fort,
Massacrer tout en somme
Et lui - s'il en ressort? -

Lui qui n'a pas vingt ans
Mais qu'à ses yeux on lit
Trois fois l'âge du temps
Qu'il passa aux abris

A regarder tomber
Les siens, sur cette terre ...
Toutes ces retombées
En soi qu'il devait taire!

Il aura ses vingt ans
Quelque part, loin, là-haut ...
Il finit - en luttant -
... Le dos contre un poteau!

..........


Les Mots, les Mots, les Mots

Les mots, les mots, les mots contre tout ce qui blesse
L'homme en tout lieu de vie que toute vie délaisse,
Les mots pendus aux mâts des drapeaux glorifiés,
Les mots lorsqu'on ne sait plus à qui se fier !

Mais le jour élabore à l'écrit son silence
Lorsque l'homme détient les armes de l'offense
Et qu'au ; au rythme effréné de ses folles tueries
Les mots gisent dans l'ombre de ses boucheries ;

Regardez le glorieux visage du soldat
Quelque soit son drapeau, juste du bout du doigt,
Il fait feu à tous vents dans sa jungle imbécile
Et l'aube des folies ne bronche pas d'un cil !

Regardez, regardez les hier, les demain
Où partout sur la terr' l'on étrangle à deux mains,
L'on torture et l'offense est à ce point blafarde
Que des armes aux poings l'homme partout se farde,

Et les mots et les mots dans le vent des révoltes
Ne peuvent exister qu'au lieu qu'on les récolte
Face aux champs de bataille, aux armes qu'on déballe
Les mots, les mots, les mots, rien que les mots ... pour balles.

..........



Et Nous

L'eau vive aux galbes transparents
des ruisseaux d'ombres en airain,
tachetés d'un soleil errant
même cela ne me dit rien !

La lumière exquise en faux jours
promène aux rives ses senteurs
dont tout semble parler d'amour...
de nous deux quel est le menteur ?

Accroché plus haut que la vie
l'espoir des rêves s'improvise
en des soupirs d'ombres d'envies
comme au ruisseau les pierres luisent.

Aux reflets d'un ciel empourpré
le bord de l'eau se teinte encore
et de la prairie à ce pré
c'est comme mon corps à ton corps.

Danse la vie, dansent les jours
d'eau vive aux galbes transparents
dont tout semble parler d'amour...
et Nous... nous y sommes errants.



Le poète-cancre

Aurai-je tort ou bien raison
dans les entrelacs des saisons
d'écrir' l'injustice et la haine,
les souffrances des cœurs en peine ?

Est-il à l'histoire insurgée
des relents que l'on n'eut purgé,
un peu d'espoir que bouge enfin
l'homme d'un siècle où tout est feint ?

Est-il un ailleurs accueillant
pour la Fraternité seyant
aux visages de tous les Êtres
qui ont à coeur de se connaître ?

Et, comme mendier au monde,
est-il une heure, une seconde
qui nous laisserait entrevoir
la vie sans le goût du pouvoir ?

Aurai-je tort ou bien raison
de laisser couler mon sang d'encre,
ou suis-je ce poète-cancre
au fond d'une classe-prison ?

..........


Je vais là où je suis passé

On reste seul à sa fenêtre...
par là-bas des oiseaux dessinent
quelques courbes qu'on put connaître,
l'ombre d'un baiser assassine.

A songer l'on n'invente rien,
la vie pâlie, le ciel s'égare
en des reflets de petits riens
au bord trop flou d'un quai de gare !

J'ai pris le train de mon silence
là pour quelques voies sans issue
et l'écriture se balance
à la corde des trop-perçus !

Maintenant ma vielle inconduite,
sous les yeux que j'ai trop baissés,
a ridé l'aube de mes fuites...
Je vais là où je suis passé !

Etrange extrême la tiédeur
où je ne sais ainsi renaître,
les jours n'auront plus vraiment d'heure...
Je reste seul à ma fenêtre !

...........

 

Cette feuille brouillon


Et je m'envole à des nuages
de ciel interdit, d'autres verves,
je vais les mots qu'aucune page
en son endroit... un peu... préserve...

Ce sont les rimes dévoyées
comme l'apostrophe à l'injure,
là où mon cœur veut se noyer
au long fleuve de l'écriture,

et je blesse parfois les mots
dans l'urgence des libertés,
à m'envoler si haut, si haut
mes pauvres mots sont hébétés !

Et le son grave en son parloir
tout là-haut comme un résidu !
La clarté d'autres à vouloir
me dicter tout ce que je dus

écrire à l'autre bout du temps
là même où je n'existe pas,
ou fusse juste en cet instant
lors de la verve en son faux pas !

là où s'envole à des nuages
et l'impalpable et l'émotion,
des mots qui ne trouvent de page
hormis cette feuille brouillon !

...........

aux dirigeants de tous bords

 Et je prends à la vie quelques miettes fécondes
Qu'à cette table immense que l'on nomme le monde
Vous laissez échapper sur les parquets du temps
En toute négligence et pour un court instant. 

Je prends l'ombre du reste et le reste de l'ombre
Comme ce chien qui pleure et qu'au matin frileux
L'on voit se dandinant par quelque chemin sombre
Avec un os au bord de son rêve bileux. 

Rien n'est plus étonnant que l'appétit du rêve
Quoique vous ne sachiez ce séjour impossible
Où l'on invente aux guerres les plus longues trêves,
A la misère un peu de mitraille qui crible

Sur les murs édifiés comme des cathédrales
Des usines percluses d'ouvriers médiatiques
Tireraient tous un trait sur le gris, sur le râle,
Sur les jours et les nuits médiocres et cyniques,

Des hommes là, prenant quelques miettes fécondes
Qu'à la vie, à la tabl' que l'on nomme le monde
Vous laissez échapper sur les parquets du temps
En toute négligence et pour un court instant.

Vous ne tirerez pas parti de ces souffrances
Quoique d'un geste habil' vous sachiez nous laisser
Le goût de ces desserts le goût de cette France,
De ces pays partout lentement effacés.

Votre monde est en feu, brasero sans châtaigne
Et cette table immense que l'on nomme le monde
N'a plus le moindre goût  pour aucun, aucun règne
Que vous trouviez ou non les pluies les plus fécondes.

Et ce monde est en feu et ce monde est en reste
A la table de vie où l'on n'invite plus,
Qu'importe les regards et qu'importe les restes…
Moi j'ai celui du chien qu'on ne caresse plus.

...........

 
Au rêve… 

J'aimerais que le vent dans ses plus fous voyages
M'emmena, quelquefois ou, même un court instant
Au-delà de la vie, des regards et des âges
Oublier ces raisons que l'on accroche au temps ; 

Qu'il fut comme un oiseau, une main qui me porte,
Ébloui d'oublier j'aurais le goût des soirs
Et la tiédeur des pluies d'été qui nous apportent
Quelquefois, quelque peu de fraîcheur et d'espoir. 

J'aimerais que le vent m'emmène dans sa fuite
Et que l'on ne revint jamais au même endroit,
Ainsi qu'à chaque chose l'on ne donna de suite
Et que le rêve enfin retrouva… tous ses droits.
            

 ...........

c'est à Vous que je pense  

Et là dans le plus loin des lointaines absences
- bien qu'au bord de la vie veillent encor mes sens -
lorsque pour trois fois rien le cœur ainsi se fend
de l'amour qu'on ne peut plus dire à ses enfants, 

lorsque là sur la route, un peu désaccordée,
ma guitare pourtant - à des sons attardés -
évoque le fragile et l'inconnu voyage
qu'ils feront ça et là au lieu-dit de leur âge ; 

lorsque, dans les pénombres de l'imaginaire,
je leurs parle tout haut de mes tous petits airs,
et qu'au bord de mon lieu, lointain de leur absence,
je ne sais plus très bien, pour eux, quel est le sens 

de l'amour, un matin, qu'on découpa en quatre
tant le père, sans vie, ne savait plus se battre,
et qu'ainsi l'on mit là, ses mots et sa guitare,
à la porte - sans bruit - le poète-batard… 

Je regarde le jour s'éteindre sur la ville,
songeant à ces trois ombres quelque peu fébriles,

ces trois enfants livrés à d'autres importances
à qui je voudrais dir' : " C’est à vous que je pense. "

...........

Regardez-le 

Regardez-le, le mot qui vacille à ma plume,
Son incertain danger d'être au gré de mes brumes
Et sa fièvre irradiée de tous les impalpables,
Regardez-le, le mot que je sens introuvable ; 

Il est là quelque part lancinant et meurtri
A la rive des temps ne sachant son abri
Et comme médusé, là, de sa transparence
Regardez-le, le mot dont je ne sais le sens ; 

C'est peut-être un vouloir comme un malentendu,
Un geste dévoyé lors d'une main tendue
Ou cette autre illusion de croire en l'avenir
Regardez-le, le mot qui ne veut pas venir ; 

Il palpite, bégaie, effleure mes détours
A chaque texte écrit il est là alentour,
Son ombre a, sur ma vie, dessiné des étoiles
Regardez-le, le mot que plus rien ne dévoile ;

C'est comme un ici-gît, une piètre pensée
Mais jamais, non jamais je n'en aurai assez
De le chercher partout et sous tous ses aspects,
Regardez-le, ce mot… le voilà… c'est : La Paix.
 

 ...........

Les Vers et les Détours ?

  Je songe aux mots qu'il faudrait dire
Lorsque Hugo est passé par-là,
Par-là les Poètes qui prirent
Cent fois cette route cent fois ; 

Lamartine aux sources obscures,
Che Guevara, Maïakovski...
C'est à quinze ans qu'on fait le mur,
Je les lisais mais qui est qui?

Maintenant, maintenant sournoise
L'Illusion de ces métaphores,
Qu'elle mutile ou qu'elle toise,
Les mots aux songes n'ont d'effort ; 

C'est ainsi ce monde sans fin
Qui rivalise de stupeur
Aux mornes pluies de ce destin
Les ouvriers auraient si peur ?

 Quelles sont donc ces conséquences
Au milieu de jours affolés,
Quel est ce pas et cette absence,
Ces hommes naissent sans voler? 

Et oui, vois-tu, rien n'est subtil,
Pas plus les mots que la mélasse,
Tu te raccroches au bout d'un fil
Mais c'est la toile qui se casse! 

Alors les tourments tournent courts
Comme éclosent peu ces idées...
Hugo les vers et les détours
Ne serait-ce que jeu de dés ?

   ...........

 

desmotsaumonde@wanadoo.fr

 

      

 

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