Les vieux
Je me prends de pitié
Pour ces couples vieillis
Que seule l'amitié
A su tenir unis.
Dans leur triste demeure
Que domine le temps
Ils regardent les heures
Qui valsent sur deux temps.
Ils sont abandonnés,
Prisonniers de leur âge
Puis, déjà, installés
Pour le dernier voyage.
Le monde les meurtrit
Insouciant de leur sort,
Mais aussi, les trahit,
Sans aucun réconfort.
De ces êtres antiques
S'exhale la lumière
D'un monde romantique
Que l'on déconsidère
Car c'est ce monde vieux
Qui fit notre bonheur,
Ce monde laborieux,
Ingénieux, créateur.
C'est lui qui instaura
Tout ce que nous savons,
C'est lui qui inventa
Ce que nous possédons
Et nous n'avons pour lui
Pas le moindre regard !...
Seulement... de l'oubli
Pour ce pauvre vieillard.
Or, ces vieux qui nous aiment
Voient notre indifférence ;
Ils en souffrent et peinent
Face à notre insouciance.
Ils n'ont de cette terre
Pour toute certitude,
Pour seule amie sincère
Que dame Solitude.
Il m'arrive, parfois, de sentir la pitié
Envelopper mon cour pour ces êtres méchants
Qui avides d'orgueil, de folle vanité,
Égoïstes, jaloux, m'inondent de tourments.
Je ne leur en veux point. Mais leur sottise est telle
Qu'ils découvrent par là leur inintelligence,
Je crois que le meilleur pour calmer la querelle
Est de vivre auprès d'eux et en toute insouciance.
Leurs colères, souvent, sont sujettes à des cris,
Leurs actes injustifiés, leurs mots diffamatoires,
Pour me défendre, moi, je n'ai que mes écrits
Mais ce moyen, pourtant, m'apporte des victoires.
Oui, vous me blasphémez, mais dites-vous qu'un jour
De cette haine immonde qui s'enfuit de vous,
Du fiel nauséabond qui remplace l'amour
Vous serez maculés, saisis par les remous.
La justice de Dieu brisera votre effort
Alors que peu à peu s'éteindra votre gloire,
Vous serez oubliés lorsque viendra la mort
Alors que mes écrits sont déjà dans l'histoire.
La fable
Une poule élevée
Chez un homme de lettres
Se mit à étudier,
Pouvant se le permettre,
Les œuvres des auteurs
Classiques et récents,
Y puisant des bonheurs
Qui semblaient évidents.
Elle passait ses jours
Dans la bibliothèque
A lire tour à tour
Et Platon, et Sénèque,
Et Voltaire, et Verlaine
Sans oublier Rousseau
Monsieur de La Fontaine
Et puis ce cher Boileau.
Elle étudia ainsi
De l’automne au printemps
Sans le moindre souci
A lire tout le temps
Et lorsque vint l’été,
La saison des vacances,
Elle fut invitée
Pour cette circonstance
A partager le sort
D’un maître généreux
Qui quitta le Tréport
Pour chercher d’autres cieux;
C’est ainsi qu’elle partit
Avec tous ses bagages
Visiter l’Australie
Au cours d’un long voyage.
C’est sur ce continent
Qu’elle découvrit un jour
Un œuf surprenant
Dont elle dut faire le tour
Elle resta pensive
Avant de s’écrier
De manière incisive :
" Eurêka, j’ai trouvé!...
J’ai démêlé l’embrouille
A propos de cet œuf
Il est à la grenouille
Qui devint comme un bœuf. "
L’autruche, dans son coin
Qui restait camouflée
Se dit : " Ça s’est malin
J’ai failli m’étouffer ".
La morale de l’histoire
C’est qu’avoir étudier
Ne veut pas dire savoir
Que l’on sache penser
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