Ecrire par dessus tout

 

Prière

Et j'écoute la vie qui rit
dans les faubourgs de l'illusion
là-bas, là-bas, loin, loin les cris
de l'exclusion !

Mon Dieu dessine-nous les jours
bleutés de tes Cieux gigantesques,
rougeoyant l'horizon toujours
plus romanesque

de ton immense plénitude,
mon Dieu dessine-nous la vie
qui s'évade sans habitude
mais par l'envie

dont l'homme s'éprend sans comprendre
l'hébétude et la volupté,
mon Dieu aide-nous à apprendre
la Liberté !

Le monde pleure sa misère,
je vois ses yeux rouges de sang,
mon Dieu, quel que soit ton mystère,
et moi. absent,

réveille en l'homme l'amour fou,
le profond désir de la joie,
donne-nous l'espoir où se nouent
l'Amour, la Foi !


 

Texte pourri 1

Il ne dort pas...
Le vent glisse son ombre
Sur le monde défait,
Il pleut aux vagues des irréflexions,
L'homme est meurtri
Des sauts du vent
Désemparés
De l'immuable

Et sur l'étrange différence
Qu'il aperçut
Entre un vieux jour
Et d'autres tares
Il ne trouva plus rien...

Laisse aller, laisse aller
Ou... tue la mort.

Texte pourri 2


Il n'eut pas répondu
que déjà l'on savait,
un peu perdu,
ce qu'il voulait

mais ses yeux roux
de l'imprudence
ouvraient des trous
à l'ignorance

la multitude
des errances
et les études
de ceux qui pensent

le vieux soleil
l'autre demain
un chemin-ciel
des cieux sans main

une escapade
un petit jour
et puis... en rade
les mots trop courts.

 

Dialogue

Il lui dit :- Tu meurs davantage
à l'étrangement secondaire,
tu crois, de la vie, son partage,
ses bouffées d'air

- Non je n'ai pas appris cela,
je veillais dans certains silences,
tu sais, ces morceaux d'au-delà
dont on s'élance

- Pourtant tes yeux me réfléchissent
lorsque je vais incognito
à ces choses-là qui frémissent
d'un rien de trop

- Oui je sais bien l'apesanteur
de ta mémoire rhétorique
mais chaque temps a ses acteurs
... parfois lyriques

- Alors, dis-moi, l'aube insoumise
où j'aurais éveillé tes yeux
d'aucune chose-là promise
aux bords des cieux

- Elle dit : - Tu meurs davantage
à l'étrangement secondaire,
il est d'autres vies à tout âge
et toi... tu erres...

- Je pose mon lieu sur tes reins,
enfouis mes gestes à tes bras
et juste là, comme un refrain,
là... seul... je crois.

à vos idolâtries

Sur l'aube voyagée
De quelques vieux débris
Que des hommes' engagés
Dans des lieux sans abris

Auraient laissé traîner
Au gré de leurs souffrances
Nul ne fut étonné
Qu'ici ce fut la France.

Hier ou autrefois
Dans ses chants liturgiques,
Piètre rive à ceux-là
Qu'on a chassé d'Afrique,

Et même maîtrisée
Par des pouvoirs succins
Nul ne fut apaisé
De tous ces mots latins.

Nul ne crut l'équivoque
Et la blessure étrange
De ces guerre qu'on évoque
Et dont chacun s'arrange ;

Il eut fallu des airs
Et des airs de silence
Là-bas sous chaque pierre
Où n'est plus que l'absence ;

Et sur les grands boul'vards
De vos idolâtries
Vos poubelles de gloire 
S'emplissent de débris

A l'aube voyagée
De regards insipides
Puisque ainsi ravagé
L'homme a trouvé... son vide.



L'Enfant

Plus loin que moi, en mes rumeurs,
là où tressaille l'entendu
de ce qui vit, de ce qui meurt,
de ces regards, partout, perdus

parmi les choses incertaines
où l'homme méconnaît ses lieux,
parmi toutes ces voix hautaines
qui posent leurs mains sur nos yeux

ainsi qu'à regarder le monde
l'on ne se voit plus que soi-même,
parmi l'oubli, lui-même immonde,
la vie ne répond plus : je t'aime,

quand l'homme, en ses propres rumeurs,
là où tressaille l'entendu
de ce qui vit, de ce qui meurt,
n'a qu'un regard, partout, perdu !

Où donc s'est terrée la colombe
parmi la fange du destin,
affolée, comme nous, des bombes
éclatées par tous les lointains ?

Où donc poser encor un pied
parmi les déchets et les ruines ?
Nous finirons tous estropiés...
l'homme a souillé... même la bruine !

Il est, à l'Enfant, un sourire
avec ses yeux qui veulent tout,
son insouciance pour nous dire :
« arrêtez ça, vous êtes fous ! »

Plus loin que lui, en ses rumeurs,
là où tressaille l'entendu
de ce qui vit, de ce qui meurt
..l'Enfant, de nous, se sent perdu !





L'Être est là...



A mon ombre ébrouée de lieux indifférents ,
Lorsque, toute esquivée, des regards entrevus
Nul ne sait plus donner, comme d'aucun ne prend...
Je me suis tu.

Les probables raisons des êtres sont fermées
Et s'élance l'oubli et les mots parfumés
Pour des êtres sans lieu, sans histoire, sans voix
Que j'aperçois.

Sur l'autoroute immense où baigne la folie,
Ce monde et tous ses leurr' ne sont, ni ne supplient
Qu'à, quelqu'étrange lieu mouillé de réflexion,
Soit la passion.

Alors dans les divers de cet ordre établi
Le poète d'hier et celui d'aujourd'hui
N'ont de lieux impostures, ni de résurgence
A cette urgence.

L'on ne regarde plus, l'on ne dessine pas,
L'écriture a ses buts dont vous tuez les pas
Et dans l'effrontaison de votre monde impie
L'Etre est là
Sans éclat
Tout petit.



Mon outrage

Exulte, exulte mon outrage
autant que mien qu'à l'homme en rage
lorsque blessée des inutiles
ton ombre est mienne comme il est IL

celui qui demeure insongé
des autres, autour, mensongers,
épris de leur piètre existence
demeure l'outrage où je pense...

alors les verves acrobates
mortifiées des hommes en hâte
comme au bruit des canons qui fument
tombent de l'aube dans l'écume

où l'outrage exulte parfois
tant l'homme athée que l'autre en foi,
et tous deux liés et rebelles
sont en mon cœur comme éternels.





aux hommes qui décident pour nous


Je vous salue bien bas gens de tout acabit
Qui avez mis au ciel, à la terre, ici bas
Le feu, la destruction et la mort comme habit
A ces hommes de rien que je voyais là-bas ;

Ces hommes d'infortune, de simple existence ;
Vous avez bombardé, pourri le moindre lieu,
Oté toute raison de sourire à l'enfance,
Aux vieillards de dormir là où brillent les cieux.

Je vous salue bien bas, attendant l'arme au poing
Que votre pourriture', toutes vos singeries
Nous tombent sous la main, qu'on leurs mettent leurs liens
Et qu'un jour, éclairé, sur d'immenses prairies

Vous ne puissiez jamais plus remettre les pieds,
Je vous salue bien bas, fusse vous insulter
Moi qui, là, pour ce jour, ai tout voulu délier,
Toutes vos impostur'vos grandes libertés.

Je vous salue bien bas, hommes de grands discours
Qui ne saurez jamais comprendre la jeunesse
Ou l'homme qui se plait au fraternel amour,
Je vous salue bien bas de toutes ces détresses.

Et lorsque fleurira la révolte des hommes,
A des chemins promis à de nouveaux combats,
Lorsque vous n'aurez plus qu'à vous cacher, en sommes,
Moi, face à vos armées, moi, moi... je serai là.


Infinitif


Regarder l'homme dans les yeux,
chercher la profondeur du temps,
imaginer un coin des cieux,
s'oublier, au moins, un instant !

Ne plus éteindre les lumières
qu'on alluma en ces mégarde
lorsque tout est comme éphémère
et que l'on prie Dieu qu'il nous garde 

de ne jamais être personne,
d'avoir une bribe d'envie,
un « quelque chose » qui étonne
auquel on entrevoit la vie !

Deviner, quelque part encore,
un élan en quelques « peut-être »,
songer, depuis son coeur, son corps
afin d'encor se reconnaître !

Vibrer pour l'aube défaillante,
trouver la force de l'écrit,
sentir, à la plume impatiente,
le beau, le laid, l'amour, les cris !

Etre en ce monde dépotoir,
avancer d'un pas sur la terre,
et, sur sa dernière écritoire,
pouvoir enfin... vraiment se taire !





Il y va


Il est des choses décousues, 
effilochées de nos tourmentes 
au gré des longues rues qui mentent 
autant, qu'autrefois, j'avais eu 

le rêve de trop, l'impalpable, 
son imaginaire incendie, 
autant qu'aujourd'hui je me dis : 
« de quoi es-tu encor capable ? » 

Sur l'ombre où dessiner la vie 
quand elle est feinte à mes secrets, 
je divague, en ce que je crée, 
l'espoir épris d'une autre envie. 

Je ne m'éloigne que bien peu 
des contraintes amidonnées, 
je prends autant que j'ai donné... 
La vie n'est-elle que ce jeu ? 

Le soir descend fier et paisible 
sur l'entendu des temps enfouis, 
l'aube, demain, lui dira : « oui » 
l'aube n'est pas toujours plausible ! 

Il y va de n'importe quoi, 
il y va de rêver encore, 
il y va d'oublier son corps, 
il y va, mais ne sait pourquoi ! 

Pour ces choses, là, décousues, 
effilochées de nos tourmentes 
au gré des longues rues qui mentent 
de vous à moi, là, de visu. 



Une étoile qui brille. 

à ma fille, Frédérique 


Je me souviens d'avoir oublié trop de choses, 
de n'avoir pas ouvert le jour sur l'horizon 
lorsque, par-ci, par-là, la marguerite éclose 
s'effeuillait à des vents plutôt qu'à des saisons. 

Les rubis de l'amour sont enfouis sous la terre, 
je saurai bien un jour piocher assez profond, 
au-delà des : ceci, des : je ne veux que taire 
mon coeur, là, dans mon corps et le glisser au fond 

de ce trou fabuleux en son noir intérieur, 
m'étendre et regarder le ciel de l'agonie, 
souffrir comme il convient mais seul et sans ailleurs, 
dormir et puis dormir par tout ce que je nie . 

Il m'en souvient trop fort de ces morts en soi-même 
lorsqu'on ouvre les yeux sur la silhouette au loin, 
de ces morts accrochées à des : vois-tu, je t'aime, 
de ces morts combattues par de grands coups de poings. 

Je sais, là, quelque part, une étoile qui brille, 
un sentiment d'amour, une ancienne musique, 
pour les grands yeux profonds de la petite fille 
que j'ai eu autrefois, ma douce Frédérique ! 

Au-delà de tous lieux, par-dessus tous les vides, 
quand, même mort et sourd, me pousseraient des ailes, 
égratigné partout et noué sous les rides, 
elles ne battraient plus, vraiment plus que pour Elle ! 

Alors, pour aujourd'hui, quand le ciel seul m'enlace 
en ses bras diluviens, en ses soleils d'amant, 
je suis heureux de rire au nez de mes « hélas » 
et, croyez-le ou non... je sais que je ne mens ! 


L'arbre, le ciel et l'eau.


Je dessine sur l'eau l'ombre de mon histoire,
le long des quais suintants, sous les ponts ébranlés,
il est, de-ci de-là, presque jubilatoire
cet instant inutile à, par-là, trimbaler

ma quête de présent, ma présence secrète,
ou mon secret regret de n'être plus que ça,
cette silhouette enfouie à tout ce que sécrète
l'oubli de tout ce temps, tout ce temps qui... passa

dans l'ombre médusée de l'infernale errance
où mon pas s'allongea en des chemins boueux,
pas un soleil ici ne sécha ma présence
et mon corps endeuillé en a le cœur noueux !

J'élève l' irraison contre toute imposture,
je brandis les sanglots de ma réalité,
qu'importe la blessure à ce corps qu'on torture
quand l'âme ne se tient qu'aux Mots des Libertés.

Liberté de cracher sur les puissances fières
de ces hommes montés si haut qu'ils auront froid,
je le sais, je le sens... Il n'est plus de prière
pour ceux qui taisent l'homme en plein cœur de ses droits.

J'avais quinze ans, les rues grouillaient de barricades,
mon Père me disait : « menons notre combat »
le drapeau rouge au vent et puis la cavalcade
pour éviter les coups... alors plus de débat.

L'homme par l'homme usé, les lois, les impostures,
ce siècle diffamé par tant de diableries,
toutes les plaies ouvertes sur notre nature,
l'arbre, le ciel et l'eau gravés des boucheries !

Plus rien, plus de pardon à l'humaine folie
où vous jonglez encore avec vos soumissions,
votre monde n'est plus qu'un immense délit
et vous le regardez, béats d'admiration !

Je dessine sur l'eau l'ombre de mon histoire
éteinte à ce moment où les Mots sont en leurre,
là, sur ce quai suintant, ébranlé de ces tares
puisque l'humanité n'est qu'un charnier en pleur.



Un vieux sac

A vouloir élaguer tous les malentendus
quand la vie se résume à : je me suis perdu
entre hier et demain colorés de pâleurs
dont je n'ai, aujourd'hui, plus la notion de l'heure,

au travers des rideaux le jour qui s'insinue,
ne parvient, désormais, jusqu'à mon ombre nue
sur le plancher taché des vieux jours appauvris
où l'autre bord du temps bégaie ses mièvreries ;

mandibules d'amour souillées de leur mégarde
dont le coeur à jamais ne sut comment se garde
le moindre petit lieu protégeant, en pénombre,
mon regard sur la vie comme, au plancher, mon ombre.

Et me voilà passé que je ne fus présent
dans l'obscurci féroce des « tout » malfaisants,
à regarder partout comment l'on peut sortir
de cet abîme-là, se hisser sans mentir.

L'horizon s'assombrit comme va déclinant,
jour après jour, l'espoir, fatigué, lancinant,
de sortir hors de l'eau la tête que l'on baisse
lorsqu'on a, sur le dos, un vieux sac de détresses.


N'est-il donc, quelque part ? 

Les voyez-vous mes mots détruits par l'infaillible 
comme des impostures inintelligibles 
et le profond du sens où vit la négation 
lorsque ne rime à rien le vers et sa diction, 

lorsque sur les miroirs de vos anonymats 
j'écris le feu du temps, hisse le mot au mât 
de l'imprécise et gueuse qu'est partout la vie 
aux blêmes de vos leurres et de vos envies ? 

Qu'entendez-vous de moi dont l'ombre est au poteau 
de l'individualisme et des incognitos, 
de moi dont vous n'avez pas la moindre surprise 
que soient mes mots... d'amour... ou de blessures grises ? 

Je parcours, en mon ciel, la pauvreté des fleurs 
qui ne poussent vraiment qu'aux pieds de ceux qui pleurent 
aujourd'hui qu'en ce monde, partout, les bouquets 
sont des feux d'artifice de bombes-banquets ! 

Et vous allez d'un hymne à sa morne saison, 
à l'autre chant glorieux des destructions crédibles, 
n'est-il donc, quelque part, en vous, une raison 
de lutter contre tout ce qui est invincible ? 






La mort dans l'âme 

Je me suis mis la mort dans l'âme 
comment sauriez-vous que j'en tremble 
et comme le ciel est en flamme 
partout où je ne vous ressemble ? 

A l'ailleurs des folles pénombres 
où vous n'avez le moindre lieu 
ci-gît le cœur de l'homme sombre 
au loin du plus loin de vos yeux. 

Vous allez de désinvolture 
en escapade, en soumission 
et si, quelque part, l'on torture 
un frère à vous... Jouez l'option 

celle qui vous sied comme un gant, 
l'outsider des jeux interdits, 
déclarez : « voilà le brigand » 
et puis dormez sur vos non-dits. 

J'ai brûlé des jours en rafale 
à vous regarder parcourir 
la vie que vos envies avalent 
autant qu'on se brûle pour rire. 

Il y a des odeurs mauvaises 
aux coins de vos rues contournées, 
vous n'êtes rien - j'en suis fort aise - 
mais vous avez tout condamné. 

Vous avez mis la mort dans l'âme 
comment sauriez-vous qu'Ils en tremblent 
ces millions d'hommes et de femmes 
que votre racisme rassemble ? 




O nature sereine ! 

Et puis je prends l'envol à d'impossibles jours 
où la nature écrit au cœur de mes toujours, 
des volutes de vents portent mes mots défaits 
vers quelque calme lieu où je n'aurais rien fait, 

rien appris, rien connu ni même entendu l'eau 
en ces cascades claires, fraîches en sanglots, 
lorsque annone l'ivresse d'aimer quelque part 
un paysage doux qui n'aurait de départ ! 

J'annone mon désir - O nature sereine - 
te demande un jardin qui fleurirait sans peine, 
où le coeur amoureux du parfum des sous-bois 
écrirait ta chanson au plus vert de tes bois ! 

Je veille à ce pays en mon rêve de songes 
où l'on atteint la vie par ce sentier qui longe 
les clapotis fragiles d'un ruisseau-murmure, 
je veille, là, sur lui entre mes quatre murs ! 

Alors je prends l'envol, tel un oiseau de proie 
en des cieux silencieux où tout me dit : je crois 
cette nature exquise de volutes fraîches, 
son calme plaidoyer pour toute âme revêche 

dont le silence écrit sur des murets en pierre 
les impossibles goûts d'impossibles prières, 
et tout au bord du soir aux ombres lancinantes 
je regarde l'envol de ces maux qui me hantent ! 




à cet homme-là

Je suis cet homme-là qu'on recherche à présent
Et dont seule la main, un doux soir apaisant,
Emerge quelque peu de quelque piètre avis,
De quelques vieux discours des gravats de la vie.

Cette main-là, peut-être, eut quelques mauvais gestes,
Quelques fleurs arrachées aux routes des instants,
C'est une main tendue, c'est... tout ce qu'il lui reste,
Les gravats sont si lourds et si lourd est le temps.

C'est une main d'ornière, une main qui résume,
Qui étouffe les mots s'ils étaient imprudents,
Et longue, entre deux doigts, imprécise, qui fume
La cigarette bleue qui se consume au vent.

Je suis cet homme-là qu'on ne trouvera plus
Maintenant que les chiens ont cessé leurs détours,
Cet homme qui pensait, qui croyait, qui voulut
Et qui, sous ses gravats, plaide pour ses amours.


à l'Écriture

Et la vie passerait en ses bleus singuliers
là, sous un ciel de mots, de pleins et de déliés,
tel à mon cœur l'espoir des consonnes qui tremblent
et la voyelle infime en des mots que j'assemble.

Et les petits matins et les nuits, doucement,
m'offriraient à l'Écrit comme un nouvel amant,
et glisseraient les sons entre mes doigts câlins
d'un adagio de mots féminins, masculins.

Éblouir, étonner, s'offrir à l'Écriture
telle, du fond du cœur, le fond de sa nature,
lui rendre cet amour et ce bonheur extrême,
la rencontrer, par-là, pour lui dir': « je vous aime. »

Et ne plus rien laisser à l'horizon du songe
se perdre en l'éphémèr' de tout ce qui me ronge
et l'amour et la peur et la méconnaissance,
offrir à l'Ecritur' le moindre de mes sens !

O mon cœur laisse aller toutes tes démesures,
que le vers s'irradie aux fièvres de l'azur,
et par-dessus le rêve et par-dessus ma vie
et par-dessus l'amour et mes folles envies

donne aux mots la tendresse et le baiser d'orage,
oubliant chaque fois les craintes de ton âge,
et puisse, par ces jours entachés de douleurs,
l'Écriture, en son lieu, éteindre quelques pleures.




Le pas de l'attention

J'ai fait la route seul pour venir jusqu'à toi,
sorti de ces douleurs que la vie improvise,
j'ai vécu d'autres jours et sous bien d'autres toits,
aujourd'hui, tu le sais, pour un rien je me brise.

l'on ne sait vraiment pas les jours qu'on entrouvrait
lorsqu'on avait vingt ans aux rues des libertés
mais la vie nous apprend et le faux et le vrai
au bout de quelque temps l'on ne sait que douter.

Je vais sur le rivage aux fraîcheurs des sous-bois,
où souvent j'ai marché parmi les chemins creux,
je voudrais m'arrêter, je suis seul et, là-bas,
peut-être que le temps se tairait peu à peu !

Il est sous le ciel clair la clarté du silence,
le lointain endormi où l'on rêve en secret
et des incognitos parmi des nonchalances
où je voudrais poser quelque temps mes regrets.

J'ai suivi, aux étranges confins de la vie,
des routes ponctuées de trous béants, de vide,
la blessure du cœur abîme les envies
et les envies de tout ne sont plus que des rides.

L'autre côté du jour où nous allions ensemble,
parfumé, tant il fût, de tes désirs exquis,
s'assombrit lentement et lentement ressemble
à nos cœurs fatigués ne sachant : « où, quoi, qui. »

Les chemins de la vie sont contraints par des peurs
que le cœur fût ouvert à des joies, des passions,
l'on y cueille souvent de gros bouquets de pleurs
et l'on pousse plus loin... le pas de l'attention.


Tout simplement

Je dors sur les lauriers de mes vieilles ivresses
à des soleils couchants au loin de ma jeunesse,
l'azur se déshabille en de frêles couleurs
au gré de ce que furent mes rires, mes pleurs.

J'aime le lent du jour épousé des douceurs
en la nature étreinte en parfums d'âmes sœurs,
et l'insouciante pluie d'été au bord du toit
comme un soleil en pleur qui me parle de toi.

Laisser à la vie aux vierges des pénombres,
n'en galvauder jamais la petite ou grande ombre
qui danse au fond des bois de volages esquisses
où, presque maladroit, d'un regard, je me glisse.

O la paix qui descend sur le feuillage obscur
des arbres balancés lentement où vécurent
les aigles loin, là haut en leur lointaine errance...
O la paix de la vie ! O la folle espérance !

Coule, coule le temps aux vies de la nature
toutes frêles d'amour où les amours murmurent,
coule, coule par-là pour tout ce qui déçoit
et qu'ainsi où tu es, tout simplement, je sois.



Il pleut par trop de lieux...

Il pleut par-ci, par-là des silences en feu
dont la braise des vies grisonne peu à peu
comme aux pâles clartés des aubes éphémères
il pleut par trop de lieux comme aux yeux d'une mère.

Et tenu à son fil aux vertiges du temps
l'homme, à se balancer, en un subtil instant,
pourrait bien, dans l'abîme de ses hécatombes,
tomber sans le vouloir en la nuit de sa tombe !

Depuis tous les labeurs aux urgentes pénombres
où se taisent des vies à tant de recoins sombres,
depuis les au-delà des au-delà de tout
l'homme nie sa douleur n'importe où et partout.

Comme un balbutiement médusé de l'histoire
tous les mots éreintés à tous les auditoires
tombent par-ci, par-là en pluies inhabituelles
dont l'homme se protège en ses instincts gestuels.

A ne plus regarder l'immense négation
de ces vies allumées aux braises des nations,
la conscience demeure en de « propres » vouloirs
dont chacun peut ainsi, toujours, se prévaloir.

Rumine ma conscience, il est temps de partir,
il pleut par-ci, par-là ... de ce fusil l'on tire,
couche-toi sous le deuil des inconsciences vives,
il pleut par trop de lieux, de trop nombreux qui-vive.


Omis

L'on n'est rien...
la promenade de la vie
s'effare
aussi bien
du goût que de la non envie
sans fard ;

Il n'est rien  ...
et le geste bat la breloque,
aussi
le cœur tient
de ces pensées, là, que l'on bloque
ainsi

que plus rien
ne soit issu d'extravagance
et si
l'on en vient
à n'être qu'une manigance,
assis

sur les riens
de sa propre vision du jour
qui suit
le lien
noué de tous les mots d'amour
d'ici ...

l'on en vient
à déserter l'irrévocable,
soumis
l'on n'est rien
et rien devient l'insoutenable
« omis. »


Le silence des vers

Il m'était arrivé bien souvent de me taire,
le silence, en ma vie, démesuré des songes,
déposait l'ombre sourde que couche à la terre
la lune sur les soirs dont s'éteint le mensonge.

Impossible destin ou futiles espoirs,
toutes choses semblaient ne vouloir m'étonner,
à regarder partout l'on tend à ne rien voir
et là-bas, tout là-bas l'on ne sait plus donner ;

Il est encor des lieux dont j'ignore l'envers,
cet îlot de prairie où je veux me coucher,
comme sur ce papier le silence des vers
qui s'en viennent ainsi sans avoir à chercher.

Alors toujours près d'eux, blotti en cette errance,
je demeure étourdi de leur sonorité,
parmi toutes ces choses de peu d'importance
mon silence reprend tout ce qu'on m'a ôté.



Je pose ma langueur

Sur la route impossible
où j'allais d'un pas lent
quelquefois que cessibles
furent tous mes élans,

là où le point du jour
déteint les émotions
et qu'ému pour toujours
fut mon rêve passion,

là où rien ne s'égare
ni le rêve, ni l'homme,
là où j'appris des gares
l'assourdi qui assomme,

là, embrumé de l'heure,
et de son in urgence,
quand toute pluie aux pleurs
tombe par trop d'absence,

lorsque se tait l'entour
et que glisse aux montagnes
la neige des détours
sur les vallées en bagne,

lorsque l'immensité
de mes désillusions
ne sait que m'inciter
à des mots effusions

je pose ma langueur
aux pieds des hécatombes
n'ayant plus pour vigueur
que de creuser ... ma tombe



à la Féminité...


A ne plus dir' les mots d'amour 
je ne suis plus, 
c'est un peu là ce petit jour 
qui ne vient plus ... 

Ces clartés au corps délicat 
de celle qui là se réveille 
du seul éclat 
de ce baiser à son sommeil, 

elle s'étir' ... les draps s'éfforment 
aux plis secrets de galbes doux 
dont on sent prestement les formes 
un peu partout, 

elle est brûlante de la nuit 
et la lumière à peine éclose 
l'éblouit 
de tendres jeux à épouser ... 
des cache-cache l'étincellent 
à ses moindres plis qu'une rose 
peut jalouser 
tant elle est belle, 

les secrets des ombres furtives 
évoquent quelques retenues ... 
quand le drap tombe sur la rive 
et qu'elle est nue 

fraîche amoureuse sans décor 
dont l'errance brûle la vie 
et qui ne cherche que le corps 
là ... qui l'envie.


Et les notes, les mots.

Et j'ai pris ma guitare,
son murmure effleurit
ces moments un peu tard
où j'aurais trop écrit,

elle connaît l'ailleurs
où nous allons, par là,
pour des mots en frayeur
aux sons mineurs d'un la ;

le rêve a son étrange,
la musique mon rêve
et l'écrit, dont s'arrange
ainsi la vie, sa trêve,

et les notes, les mots
murmurés par ici
piani, pianissimo
ne se différencient,

tout les conduit au bord
où l'on se sent vaurien
à savoir, là ... d'abord
qu'on écrit tout pour rien.

Des bleus du jour

Je n'entends pas le temps passer
au bord de l'ombre de la terre,
là où l'encor résonne assez
et ma pensée me fait me taire ;

Je me suis défloré les ailes
dans le pauvrement difficile
à vouloir faire un peu de zèle
là où la vie est imbécile ;

Je n'entends pas le temps passer,
tous les vouloirs sont désuétude
et, par-là, comme un insensé
j'en ai pris la piètre habitude ;

Sur les prairies de mon enfance
vagabondaient de grands espaces,
j'en pris plein les yeux sans méfiance,
ignorant, comme ici, tout passe ...

Mais je n'entends le temps passer,
fut-il ailleurs qu'en mon vertige,
le temps ... qui pourrait bien cesser
puisque bien des choses se figent

ici et là ... des bleus du jour
aux fenêtres de l'imprévu
dont je n'ai plus de mes « toujours »
qu'une image de déjà vu.

 


Et va le monde…

Et la mémoire aurait ses deuils
que le deuil n’eut d’autre pensée,
et le songe, lui, ses écueils
que s’effeuille un rêve insensé …

L’histoire où l’homme fébrilise
les lendemains de ses « toujours »
c’est un peu la « Lettre à Élise »
au piano du compte à rebours ;

Sur les panneaux le nom des rues
rouillent, les murs inétayés
croulent partout où l’on eut cru
qu’il faut tout vivre ou essayer ;

Regarde l’artiste en son temps
meurtri de créer l’autre abstrait …
pour un écrit le peintre entend
le musicien qu’il peint d’un trait …

Et va le monde, va ta route
aucun de ces hommes ne veut
être souillé à tous tes doutes,
ni raisonner de tes aveux.

...........


Car je veux regarder

Puisque démesurée devient l’indifférence
en ces jours agités de brouhahas mesquins
et que l’homme en sa vie aux pas des préférences
se veut premier partout ne serait-il qu’un,

Puisqu’il agite en lois sa conscience perfide
à gérer ses vouloirs plus que les pauvretés
et qu’au long de ses rues des hommes invalides
peuvent bien s’endormir sans qu’il sut s’arrêter,

Puisqu’il en est ainsi que sa richesse même
repose en l’apparence plus qu’en vérité
qu’il a rayé des vies l’amour qui dit : « je t’aime »
pour des semblants de rêves de fausses libertés,

Puisque dans ces faux jours où chacun se débat
sauvant sa peau plutôt que d’oser entreprendre
une lutte réelle, un vrai geste, un combat
contre tous ces pouvoirs élus que l’on dut pendre,

Puisqu’il faut bien le dir’ l’homme a baissé les bras
se laissant aller là où rien ne peut troubler
ceux qui tiennent les rênes souillées de nos droits
ceux qui, vous le savez, songent en assemblée,

Puisqu’il en est ainsi, puisque chacun se terre
je ne sais plus vraiment s’il est encore un lieu
où je pourrais enfin arrêter de me taire
car je veux regarder au moins Dieu dans les yeux.

...........


Et les ombres défaites

L’on ne nous a pas dit
que la mort fait sa route,
qu’être aimé ou maudit
ne change rien au doute,

ni même à l’impuissance
où demeurent nos gestes
quand la mort au silence
condamne ce qu’il reste

à vivre dans l’obscur
et l’incompréhensible
là où d’autres vécurent
la mort comme impossible ;

L’on ne nous a pas dit
qu’aux pas de l’épouvante
l’être aimé ou maudit
en quelque lieu s’évente

et les ombres défaites
au mirage défunt
jamais plus ne reflètent
que leur probable fin.

...........


Et ton rêve et le mien…

Ton rêve s’est posé ainsi sur mon épaule,
je caresse l’oiseau qui lui donna la vie
et lui et moi toujours un peu à tour de rôle
prenons soin du fébrile où veillent tes envies.

Tu vois, tout est facile et simple et délicat,
l’oiseau son chant d’amour à l’ombre d’un sous-bois
où fraîches les raisons d’espérer nous effleurent
et c’est l’oiseau et moi qui cueillons quelques fleurs ;

Et le matin, épris des bouquets qui s’enlacent
sur la table où la vie a retenu nos places
dans le doux crépuscule ellipsé de tendresse,
éclaire le chemin de nos folles promesses ;

Et contre cet amour tout ira basculant
quand l’oiseau de ton cœur là, juste d’un élan,
vient poser au rebord de nos métamorphoses
et ton rêve et le mien qui s’envolent … qui osent.

...........


Fée de l’aube

En dessinant d’un doigt ton nom sur l’air du temps
mon rêve, à tes grands yeux, vagabondait le jour,
et je vis se nouer au fil de cet instant
comme virevoltés des encor, des toujours ;

Sur le fond de la vie où je pus, là, t’apprendre
d’une image en pénombre esquivée de l’amour
j’épousais les parfums sans même oser les prendre
et leurs secrets frôlaient mes gestes en retour ;

Tu danses – fée de l’aube – aussi nue que mon cœur
là, juste où … sous mon doigt je dis ton nom par chœur,
là juste où je m’enivre à regarder là-bas

cet immense dessin où ton nom se balance
au souffle de mes mots comme des fleurs qu’on lance
à la sente bénie où tu poses tes pas.

...........


Le cri…

La porte ouverte au vent distrait
- infatigables rêveries - 
l’ombre d’un cri
souffrait ;

et l’antre de bien des vouloirs
étroite des lieux interdits
qui ne dédient
de gloire,

l’antre des songes imparfaits
mouillée aux rives du destin
tout bas griffait
l’instinct,

instinct de vivre et d’étonner
sa propre négation du jour
mal entonnée,
toujours

fébrile et négociée au temps
comme un appel inaperçu
juste s’étend
dessus

l’extravagante déssaison
où s’effleure dans l’au-delà
l’autre saison
d’un glas.

La porte claque au vent distrait
- rêveries fatiguées du sombre - 
… le cri souffrait
dans l’ombre.

...........


Son sourir’ lui dira

Le silence partout apaisait les laideurs,
ce fut ainsi toujours de peu ou de trop d’heures
lorsqu’ayant rencontré la vie dans les miroirs
il songeait dans le calme de ses illusoires ;

Était-elle ainsi faite l’errance sans fin
où l’on prend la patience comme un coupe faim
et l’on se fortifie de n’être pas pressé
que la vie, quelque part, nous puisse encor pousser ?

Cela jamais, vraiment, ne l’avait démuni
il connaissait si bien Celle à qui l’on s’unit
pour l’avoir rencontrée en des regards de rêves …
la patience, par là, avait été sans trêve ;

Son silence aujourd’hui il n’en voulait vraiment,
Elle était radieuse … il se sentait amant
à bousculer partout toute entrave, tout heurt
qui pourraient entacher le rêve du bonheur ;

Il brandirait des mots les poings serrés de l’âme
afin qu’en tous les lieux Elle put être femme
et que nul, à ses yeux brouillés de ses souffrances,
n’adresse plus jamais, jamais la moindre offense ;

Il serait chevalier, mendiant, homme de l’ombre
mais ne laisserait plus son cœur meurtri et sombre …
Elle aura des miroirs qui souriront sans cesse
à peine sa silhouett’ croisera leur caresse,

Et dans les grands éclats des soleils en amour
son sourire ébloui pour des mots en velours
qu’il aura inventé aux sources des silences,
son sourir’ lui dira : « j’ai chassé ton errance. »

...........


L’homme des jours sans paix

Dans le vide impérieux des mensonges perfides
dont ce siècle détient les rênes de l’enfer
comment ne voit-on pas l’ombre de l’homme avide
d’insignifiances blêmes à tout laisser faire ?

Il se tient, là, tout droit l’homme des jours sans paix
les bras ballants, l’amour défrayé en chroniques
pour lequel il n’a plus, plus le moindre respect,
il se tient, là, tout droit, pauvre veille relique !

Il surveille d’un œil sa petite présence
dessinée aux recoins de ses mésaventures
quelquefois que quelqu’un lui fit la moindre offense,
il se tient, là, tout droit...  ignorant ceux qui turent

et Lorca et mon frère, hier, rue de Charonne
et l’enfant dans les ruines des pays charniers
et la femme violée dont les cris, là, résonnent
à l’autre bout du mond’… qui pourrait le nier ?

A tous ses faux-semblants l’homme s’accroche encore
et dresse autour de lui les murs de l’ignorance
et se ferme les yeux et croit en son décor
parmi ce monde en feu de milliers de souffrances,

et qui pourrait se taire et qui ne dira pas
qu’ici pleurent des mères dans des maisons closes
n’ayant que peu de pain pour le prochain repas …
mais l’enfant, on le sait, se plaît à peu de chose ?

Qui se tait, qui évite ou dit : « fatalité »
hormis cet homme droit dans la rue des vautours,
cet homme d’aujourd’hui médiocre et hébété
à voir tomber sur lui la mort qui plane autour ?

...........


Aujourd'hui tout va bien !

Par tous les lieux de vie où l'homme se déflore
en des tumultes vains de vaines espérances,
bredouillant, çà et là, chacun de nous déplore
les malheurs atterrés qui côtoient l'existence.

Le regard affamé d'un gosse sur des ruines
dont la mère offre au ciel ses grands yeux en miroir,
n'ayant pour toute manne souvent que la bruine
de quelque bombe au loin écrivant son histoire.

Et ce soldat du front aux frontières des haines
déployant son drapeau au gré des boucheries,
ne percevant plus rien des choses inhumaines,
n'entreverra jamais le mot : « mutinerie ».

Parmi toutes ces rides aux plaies des destins,
en tous ces jours encor, par tout cela, creusées,
nous bredouillons « shocking » et demeurons pantins
ficelés par nature et naturalisés.

Le soleil des étés en paix avec eux-mêmes
nous réchauffe la vie lointaine des douleurs,
c'est ainsi qu'on oublie tout ce que l'homme sème
depuis des siècles lourds et de morts et de pleurs !

L'attente est un tourment lorsque plus rien ne bouge,
lorsque l'homme, aux semblants des solidarités,
laisse couler le sang... le nôtre aussi est rouge...
aujourd'hui tout va bien... demain... Où s'abriter ?


desmotsaumonde@wanadoo.fr

 

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