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Les Anglais ont débarqués
Ce matin les externes arrivent avec un air mystérieux en chuchotant " ça y est les anglais ont débarqué ! " Nous les internes d'un pensionnat aux environs de Paris, nous n'osions pas y croire ! Ce n'était pas la première fois que ces bruits circulaient.
" Serait-ce possible ? "
Nous allons cuisiner un professeur sympathique - motus- ou la nouvelle était fausse ou les ordres avaient été donnés pour nous tenir à l'écart…
La journée s'avançait personne n'avait envie de travailler ,nous nous efforcions de lire sur le visage des grands, mais rien ne perçait de leur attitude sinon plus de froideur que d'habitude.
Après le déjeuner les externes nous confirmèrent la nouvelle : les anglais avaient bien débarqués et se battaient comme des lions sur les plages normandes. C'était le six juin 1944.
Ou était la Normandie ? était ce loin de Paris ? en plongeant dans mon livre de géographie j'ai pu faire le point…moi nulle en Géo enfin je lui trouvais un
intérêt…
Suppliant les externes de nous apporter des nouvelles fraîches le lendemain en attendant nous étions toujours dans le brouillard !
Cette nuit les sirènes hurlèrent à la mort, nous passâmes une partie de la nuit dans les abris souterrains creusés dans le fond du jardin de notre pension.
Les bombes tombaient sur la gare de triage de Raincy non loin de chez nous, sifflement- attente- bruit- flamme …ce n'est pas pour nous…le sifflement recommence,
l'attente les petits se serrant contre nous les grandes -" ce n'est rien les anglais ont débarqués
bientôt la guerre sera fini, les mamans reviendront des camps et les papas aussi… "
Mais qu'est ce que je raconte ? Je ne suis même pas sure que le débarquement ai eu lieu !
Les sirènes hurlent la fin de l'alerte. Nous regagnons vite nos lits, le jour pointe ,encore une petite nuit sans beaucoup de sommeil, la nourriture était très chiche et nous avions toujours faim, froid et sommeil.
Impossible de me rendormir et si vraiment ils avaient débarqués combien de temps leur faudra-t-il pour arriver jusqu'à nous ? vont ils bombarder cent sept ans à notre porte ?
La sonnerie du réveil… je me lève et vais aider les petits à s'habiller… l'étude avant le petit déjeuner, une étude pendant laquelle tout le monde somnole…
Petit déjeuner et enfin l'arrivée des externes ! " Alors quoi ? Comment ? ou en sont ils ? "
" Rien ils se battent comme des lions " Oui ils ont débarqué Hourra ! Combien de temps leur faudra-t-il pour arriver jusqu'à nous ?
La fin de la semaine les trains marchaient encore et o miracle je n'étais pas privée de sortie !
Je sautais dans un wagon bondé en direction de Paris … le train se traînait lentement au milieu des décombres maisons en ruines, d'autres coupées par moitié, des lits défaits ont-ils survécu ceux qui l'occupaient auparavant ? nous passâmes lentement devant le cimetière de
Ranci : corps à moitié décomposés, ossements… labouré par les bombes les stèles et les crânes nous regardaient passer…
Non il n'y avait ni cellules de crise ni Psy à notre arrivée à la Gare de l'Est mais une grande fille de quatorze ans qui devait prendre le métro pour rentrer chez ses parents…
03/06/04
UNE JOURNEE PARTICULIERE
C'est dur la vie, surtout quand c'est une journée particulière ! J'ai
appris à m'en méfier ….Dés mon réveil ma grand mère m'annonce:
" -Aujourd'hui est une journée exceptionnelle ! " Cela voulait
dire en clair : attention toute ta vie va être perturbée, plus de tour
de patinette, ni d'amies, ni même de ces jeux tranquilles que j'organise
dans ma chambre : collant des coquillages, ou jouant avec la boite
à boutons que grand mère me prête parfois et qui est remplie de
tant de merveilles, entre le petit bouton de nacre et ce gros en plastique
tout noir sorti d'un conte d'horreur et que je mets tout de suite avec les
méchants…
Gros soupir…
Pendant que grand mère s'affaire dans ma chambre, ouvre les volets prépare
des vêtements inconnus, oubliés, mais certainement pas
sympathiques… " Dépêche-toi ! Aujourd'hui tu
dois -être parfaite ! "
Le mot est lâché…synonyme de martyre… mais je sais que je dois
passer pas par toutes ses volontés ,si je ne suis pas parfaite, je serai
privée de voir ma mère le jour fixée pour sa visite…(papa et maman
s'aiment beaucoup mais ne vivent pas ensemble, cela arrive parfois
m'a-t-on dit).
Donc je ferai mon possible, mais croyez vous que les grandes personnes
sont sensée ?
M'annoncer dés mon réveil une exigence de perfection sans me dire ni
pourquoi, ni comment !…
Vraiment, grand mère ne comprend rien aux petites filles de quatre ans et
demi…
Je m'habillait en hâte, puis ce fut la bousculade : un petit déjeuné bâclé,
et la révision de mes récitations ! j'étais habituée, au cours d'écriture
et de lecture distillé tranquillement sur la table de la cuisine ,mais ce
n'était sûrement pas l'heure de la récitation !
" Bien, bien " me dit elle , après que j'eus ânonné
les deux poésies que j'apprenais déjà depuis un certain temps ! "
Maintenant reste sage "… que pouvais-je faire d'autre affublée
d'un " sarafane " costume d'une princesse russe au moyen age !
dont les bretelles jouaient sur mes épaules, en plus je piétinais ma
jupe au moindre pas…il faut glisser par terre m'a-t-on dit ,et non
marcher! Avez-vous vu une petite fille ne pas marcher ou courir
quand un besoin pressant se faisait sentir ?
J'attendis la suite des événements, Papa vient nous chercher avec son
taxi… Après avoir roulé longtemps dans les rues de Paris, moi parlant
toute seule : personne ne voulant m'écouter, ni même me répondre! c'était
frustrant… " Par derrière, dit grand mère, nous allons
directement dans les coulisse "…
Nous traversâmes des couloirs sales ,Grand mère était énervée au
dernier degré sans que je sache pourquoi …avais-je failli à la "
perfection "?
Et puis tout à coup je fut propulsée en avant sur une scène, me
retrouvant éblouie par les lumières, quelqu'un me soufflait d'avancer
encore, ce que je fis…Une annonce sortit de nulle part
" Voici Natalia Alexeievna Bournacheva , dans ….de
Pouchkine…
Je restais sans voix…
La première strophe me fut soufflé de la salle … je la reconnue m'en
emparait et continuait avec vigueur prenant mon souffle aux points,
faisant une légère pause aux virgules , respectant le rythme et la rime. J' allais jusqu'au bout de
cette interminable poésie que l'on m'avait inculquée depuis des
semaines….Les applaudissements fusèrent de tous cotés me faisant
comprendre que c'était fini…Quelqu'un me prit sur ses épaules et je me
retrouvais dans la salle passant de mains en mains la peur au ventre, j'étais
si loin du sol!
J'avais le vertige, la nausée et presque les larmes aux yeux !
Ou était grand-mère ? Je l'aperçu sur scène couverte de fleurs
souriant de toutes ses dents, apparemment elle est contente de moi…
… Je verrai Maman Dimanche …
Je fut posée à terre et ravie de retrouver le plancher des vaches
ainsi que mes petites amies devant un superbe buffet dressé dans un
jardin.
Ce fut une journée particulière…ma première apparition sur une scène
de théâtre.
DEPART
EN SUISSE
Je fut réveillée en pleine nuit. Habillée à la hâte, trop chaudement,
mon esprit engourdi par mes rêves me donnait l'impression d'être dans du
coton…un immense tas de coton d'ou je n'arrivais pas à émerger.
Grand mère donnait des ordres que je ne comprenais pas .Enfin je suis
dans le taxi de papa ou tranquillement je pouvais continuer ma nuit.
Nous voici arrivée ,on m'extrait de la confortable voiture,
comme un baluchon,: Gare du Nord ,un bruit infernal, les gens courent dans
tous les sens, moi je suis le mouvement qui m'est imposée…
Voilà notre wagon, recherche du chef de train, on me prend et me fourre
dans un compartiment j'ai un petit paquet sur les genoux, et une grande
pancarte autour de mon cou sur laquelle sont écrit mon nom mon prénom
avec des lettres inconnues …
-" Sois-bien sage , me dit grand mère, Le Monsieur en uniforme te
fera sortir du train à Genève ou l'on viendra te chercher. "
Je restais seule…le train se mit a bouger, Papa et grand mère restèrent
sur le quai de la gare me faisant des grands signes d'amitié me
semblait-il !
Ce fut mon premier voyage, j'avais quatre ans et quelques petits mois en
plus… je n'avais aucune crainte.
Seulement je n'avais plus envie de dormir…
22/05/01
DERNIER PERE NOËL
Avez-vous pensé aux difficultés, d'être la seule enfant ,d' une grande
famille ?
Evidemment il y a beaucoup d'avantage ! Mais que d'inconvénient ! Tous
les yeux sont braqués sur vous !
" Tu travailles bien à l'école ? " que répondre sinon oui,
merci…
" Quelles sont tes meilleurs notes ? "… là je triche un peu
en sortant les deux ou trois, moins mauvaises…
" Veux tu nous lire quelque chose ? "…pitié, ça non ! je
suis timide, et Grand mère m'exhibe comme un singe savant devant tous ses
invités…
J'avais horreur des dimanches ou jours fériés quand tous se donnaient
rendez-vous chez nous pour torturer les petites filles - qui n'était que
moi- …leurs voix sonnaient mielleusement fausses juste pour faire
plaisir à Grand mère qui faisait la roue, à l'arrière coulisse,
pendant que j'étais martyrisée sur le devant de la scène !
Par contre, l 'avantage étaient d'être invité à mon tour, à tous les
sapins de Noël , organisés par nombre de comité de russes blancs…
Mon premier Noël était avec ma maman dans l'intimité, le 24 décembre,
un petit sapin une chambre d'hôtel décoré avec soin , un gros paquet déposé
bien en vue et qui était toujours entouré par mille petits riens faisant
de cette journée unique, une fête merveilleuse. Tendresse, amour sans
borne pour une Maman qui m'était accordée au compte goutte, un bonheur
infini…Cette année le gros paquet contenait un énorme nounous, un peu
rêche, tout neuf et de ce fait bien moins sympathique que mon vieux qui
perdait sa paille par endroit, que j'avais aspergé de mes pleurs tant de
fois, qu'il était devenu mon ami et mon confident…
" Pourrais-je aimer mon vieux nounours un tout petit peu plus ?
" demandais je à ma mère . Je crois que je
lui fis de la peine…j'aurai voulu ravaler mes mots, …trop tard !
Après une journée bien trop courte…Je revenais le soir chez Grand mère
qui curieuse voulais connaître le contenu de mes trésors que je tenait
bien serrés contre moi, pour ne pas en dévoiler trop tôt tout le charme
et la tendresse…Je ne voulais partager ces moments avec personne !
Aussitôt Grand mère me matraquait par les nombreux Noël qui
m'attendaient, j'avais souvent une participation sur scène, mais je m'y
étais habituée. Je préférai et de loin les danses folkloriques endiablées
que la lecture de poèmes en solitaire dans une énorme salle!
Dans l'ensemble cette période de l'année n'était pas triste… Surtout
qu'entre temps nous nous préparions à fêter le grand Noël russe à la
maison, chez Grand mère, le six Janvier !
Un jour très fièrement Grand mère nous annonçait qu'elle avait trouvé
un énorme sapin…Grand père sortait toutes les mystérieuses boites qui
contenaient des trésors infinis…Je me rappelais vaguement d'une année
sur l'autre cet oiseau de paradis, ou le petit tambour, le vilain
diablotin, et le tout petit père Noël ! Les boites de boules étaient
tellement fragiles que je ne pouvait " les toucher " qu'avec les
yeux !
J'étais reléguée dans un coin à coller les chaînettes faites de
papiers brillants ramassé durant toute une année. Grand mère
passait son temps dans les préparatifs culinaire, des odeurs
chatouillaient nos narines, je me demandais comment aurai-je le courage
d'attendre…le jour et l'heure dite ?
Puis je fus reléguée dans ma chambre, car le père Noël ne vient jamais
en présence des enfants…
Le saviez vous ?…
J'attendais, j'attendais dans le brouhaha général que le silence se fit
…Grand mère m'appela de sa voix grave : Natalia Aliékcieévna….c'était
moi…oui, c'était enfin moi…je me précipitais en glissant sur le
parquet vers la salle à manger (interdite depuis des heures)….
Je fis une entrée des plus fracassante dans la plus belle pièce du monde
! Tout était éclairé, les moindres recoins, et Notre Sapin énorme trônait,
sentant si bon la bougie et le pin ! Il était merveilleux
Je reconnaissais à peine les joujoux que j'y avais accroché quelques
heures auparavant…Il était féerique resplendissant de tous ses feux !
Gand mère commença à faire circuler quelques friandises….
Le souffle coupé j'entendit trois grands coups sur la porte …Je me
blotti contre mon vieux nounours que je traînais partout, surtout dans
les grandes occasions…
Les battants s'ouvrirent et le Pére-Noël entra courbé sous sa hotte…
" J'ai quelques paquets pour vous, dit-il de sa voix caverneuse.
" et en fouillant les jolis paquets commencèrent à pleuvoir autour
de moi !…. " J'étais totalement ensevelie sous une quantité de
cadeaux qu'en aucun de mes rêves je n'auraient pu imaginer…
Mes yeux commencèrent à clignoter, les Grands parlaient de plus en plus
fort…
Papa va coucher ta fille pour une fois ! (c'est Grand-père qui me
couchait tous les soirs)…Je me laissais emmener dans les bras de mon
Papa et au dernier moment, celui du draps qui borde et l'ultime baiser sur
le front, je lui dit : " Dis moi la vérité…le Pére Noël
n'existe pas ? " Bon sur que non ! ma chérie !
La porte se referma sur ces mots, mes yeux se remplirent de larmes….
Pourquoi ? M'ont-ils encore mentit ? POURQUOI ?
07/01/02
LA PETITE FILLE ET LE PRINCE
Un matin ma grand-mère m'appelle avec une voix sérieuse qui ne présage
rien de bon. J'arrive en courant il vaut mieux répondre tout de suite.
" Voilà, j'en étais sure tu cours encore …ne pourras tu pas
marcher posément comme une petite fille bien élevée ? D'ailleurs tu ne
seras jamais une petite fille bien élevée…tu jacasses comme une pie même
quand tu es toute seule dans ta chambre… tu ris trop fort et pour un
rien…tu oublies tout, et pour comble tu ne sais même pas faire une révérence
correctement… "
Oh la ! la ! mes yeux se remplissent de larmes, si en plus je me
fais gronder quand je n'ai rien fait ! Pourquoi Grand-mère est-elle si sévère
ce matin ?
" Bon, voilà… ton oncle est prié d'être précepteur du petit
Prince cet été et nous sommes invitées, tu seras sa compagne de jeu
ainsi que Serge X qui, lui est un garçon très bien.
Il va falloir revoir pas mal de choses toutes les deux, d'abord la révérence…et
ensuite… "
Désespérée elle marmonne tout ce qu'il va falloir faire pour me rendre
présentable ! A vrai dire je suis aussi découragée qu 'elle. Au diable
tous les petits Princes de la terre !
" Peut-être, puisque je suis si mal élevée pourrai-je ne pas y
aller ? "
" Comment ? s'écria ma grand mère, tu oserais dire non à une
invitation du Prince ! "
Quelle horreur… mes jouets, mes coquillages, j'ai une superbe boite à
coquillages avec lesquelles je m'amuse énormément, pourrai-je prendre
Nounours ? Le désespoir de grand-mère n'avait d'égal que le mien…
A partir de ce moment rien ne me fut épargné, avec une énergie sans
pareille elle se mit à faire de moi une petite fille modèle !
Enfin arriva le jour du départ…Je m'endormis dans le train.
En me réveillant j'entendis des bruits incongrus, des chants d'oiseaux !
J'ouvris un œil, puis l'autre j'étais dans une chambre claire, fleurit
trop grande pour moi, mais je n'avais pas peur…
Par miracle Nounours était près de moi ! Au loin la voix de ma grand -mère
me parut rassurante… Je sautais du lit pour voir la fenêtre : un grand
parc nous séparait d'un fantastique château comme sur les images d'un
livre de conte… c'était comme si mon rêve continuait…
La porte s'ouvrit et Grand-mère entra dans ma chambre,
" vite, vite, la toilette, "
Elle me plonge dans la baignoire, me savonne me frotte, me coiffe en me
tirant les cheveux comme d'habitude
" et tache de garder tes nattes jusqu'à midi ! " me dit-elle en
me traînant vers une énorme cuisine, là un bon petit déjeuner
m'attends, mon petit déjeuner est une de ces choses que j'aime le plus au
monde ! " Vite dépêche toi le prince va bientôt venir te
chercher ! Et n'oublie surtout pas tout ce que je t'ai appris, la révérence
en premier lieu ! "
M'enlevant ma serviette et me lançant un dernier coup d'œil critique
elle me tire vers une grande pièce ou Serge X attends déjà avec sa
famille.
Je m'assois sur le bord de la chaise en baissant les yeux… comme j'ai
envie de me balancer, je m'étais déjà balancée sur toutes les chaises
de la maison, mais là !
Je fut sauvée par le gong …la porte s'ouvrit tout le monde plongea dans
une superbe révérence que je ratais en sautant trop vite de ma chaise à
deux doigts de m'étaler par terre !
Un petit garçon à peine plus grand que moi dit : Natalia Aliekcievna …
C'est moi ! et je courus vers la porte. " Je suis Vladimir, mais
appelle moi Vova, je t'appellerai Natacha … il me prit par la main et je
le suivi en trottinant ayant complètement oublié toutes les leçons de
Grand-mère .
" J 'ai sept ans, et toi ? Moi cinq ans et demi…
" Tu aimes les chiens ? "
" Oh oui ! "
" Alors nous allons en chercher un chacun dans le chenil ! "
Il se mit à courir et je le suivis de toute les forces de mes petites
jambes, pas si petites que ça il avait à peine une tête de plus que moi
et je courais comme une gazelle.
Nous arrivâmes à un enclos, après s'être incliné très bas un
monsieur nous ouvrit je lui dit poliment " Bonjour " ce qui fit
rire le petit Prince…je n'ai pas eu le temps d'éclaircir cette question
car nous étions entouré par une ribambelle de chiens je me jetais aussitôt
au cou d'un superbe chien poilu comme Nounours et même plus encore en me
noyant dans la fourrure de cet animal beaucoup plus grand que moi.
" Tu n'as donc peur de rien, tu me plais ! "
Nous sommes partis gambadant avec nos chiens tout autour du château
…Quand la cloche sonna le petit Prince me ramena vers la maison qui nous
était réservée pour l'été… ouvrit la porte et cria vers tous les
grands plongés dans leurs révérences … Dorénavant Natacha ne fera
plus de révérence quand je viendrai la chercher et il partit en
riant !
Oh là je trouvais que mon petit Prince était très sympathique, et qu'il
savait vivre et s'amuser…
Personne ne m'adressa la parole même ma grand-mère ne me gronda pas,
elle me fit manger et me coucha pour la sieste…pourtant mes nattes étaient
toutes défaites, les yeux brillants et les joues rouges d'avoir trop
couru…
*************************
Pendant les semaines qui suivirent ma vie fut un perpétuel
enchantement…
L'entrée du château était interdite aux invités, le petit Prince cassa
le carreau du rez de chaussée pour que nous puissions nous y glisser.
" Ou vis-tu, demandais-je "
" Au château, bien sure ! "
" Mais par où tu entres ? "
" Par la petite porte sur le coté, mais elle est gardée, Grand-père
ne veut voire personne. "
" Pourquoi ? "
" A cause de l'assassinat de Raspoutine… "
Je savais que Raspoutine était un méchant et qu'il avait été assassiné,
mais quel rapport avec son grand-père ?
" Grand-père avait invité Raspoutine dans son pavillon privé,
c'est là qu'il fut assassiné…Depuis Grand-père est parti de Russie et
ne veut plus voir personne… "
Et si son grand-père nous trouve au château que va-t-il nous faire ?
Grand-mère aussi est partie de Russie, elle n'a assassiné personne, oh là
! là ! Je crois que je vais faire mon enquête auprès de Papa, c'est le
seul qui répond aux questions difficiles…
Je suivais le petit Prince dans les dédales du château tout y était
sombre et je commençais à avoir un tout petit peu peur, quand il ouvrit
une lourde porte en m'invitant à entrer…
Merveille, des merveilles, une énorme salle grande comme tout notre
appartement au moins !
Installé par terre tout un réseau ferroviaire…Je n'avais jamais vu
autant de lignes de chemin de fer, ni de trains différant.
" Tu joues ? "
" Qui, moi ? "
" Bien sur… "
" Oh oui… "
J'étais subjuguée …Jamais aucun garçon ne m'avais laissé jouer au
chemin de fer !
Je m'installais à la place qu'il me désigna : devant les commandes,
je devais appuyer sur les boutons rouges ou verts suivant ses ordres, ou
baisser la manette…
La locomotive se mit en route, plusieurs trains se poursuivaient et
j'entendais crier " rouge " " vert " …Quand tout à
coup le silence… Je regarde : un homme grand mince les cheveux blancs
avec un très gentil sourire et un regard très doux…
" Je te présente mon grand-père…
" Excusez moi je ne voulais pas vous déranger, jouez tranquillement
"
" Au revoir grand-père, " dit le petit prince d'une voix
joyeuse. "
" Au revoir, " murmurais-je avalant le grand-père car j'avais
mon grand-père à moi qui était grand bon, avec un très doux sourire et
des beaux yeux bleus très doux .
Nous sommes revenus souvent jouer aux petits trains mais je ne revis le
Grand Duc (son grand père) que le jour de son enterrement… (Mais c'est
une autre histoire)
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Un de nos divertissements favori était la voiture…
" Viens faire un tour en voiture… "
" Oh oui ! "
A ma grande surprise nous nous trouvâmes dans un vrai garage avec
une Renault miniaturisée, il y avait une pompe à essence comme je n'en
avait encore jamais vue et pourtant j'ai accompagnée Papa souvent dans
son taxi et les voitures n'avaient plus de secrets pour moi ! Mais là…
Il grimpa à la place du conducteur, moi à coté, appuya sur un bouton
bougea les manettes et nous partîmes pour de vrai c'était un miracle !
Le parc était immense avec beaucoup de chemins carrossables c'était une
décapotable, le vent me fouettait le visage
En passant devant un champ, le petit Prince actionna une trompette qui fit
un bruit d'enfer.
C'était ma grand-mère qui se promenait avec ses amies tenant dans ses
bras une énorme brassée de fleurs.
Longtemps j'ai gardé cette image de ma grand mère fleurit me regardant
ébahit filer dans la voiture du petit Prince.
" Demain, me dit-il, nous irons en barque faire le tour des douves.
"
Cela me parut du plus haut intérêt ; cette eau sombre et stagnante qui
entourait le château en passant sous un pont (le pont levis)
…J'attendais le lendemain avec une grande impatience et un pincement au
cœur, une petite crainte que je n'aurai jamais avouée.
Dés le matin ayant avalé mon petit déjeuner j'attendais assise sur ma
chaise, je ne m'étais pas encore balancée dessus, mais trop de centre
d'intérêt bien plus important occupait mon esprit pour faire ce que ma
grand-mère appelait : des bêtises !
Enfin la porte a claqué et nous partîmes en courant vers les douves. Un
escalier étroit et sombre descendait vers l'eau où une barque était
accrochée…
" Monte ", me dit-il en détachant la barque et la tenant de
toute ses forces je sautais dans la barque qui se mit à tanguer une vraie
balançoire, oh ça c'est amusant !
" Fait attention coquine ! "
Pendant que le petit Prince attrape les rames je m'assois sur le nez de la
barque…
" Ne gigote pas, reste tranquille… "
" Oui… "
Un oui qui n'était que pour la forme nous passions par des éclaircies,
puis sous l'ombre du pont, rassurée je commençais à me balancer
doucement c'était drôle je riais et plouf ! Me voici dans l'eau…Je ne
sais pas nager et je tombe lentement jusqu'au fond, mon pied
instinctivement donne un grand coup et je remonte ; le petit Prince s'étant
jeté à l'eau me rattrape et me hisse sur le bateau puis rame de toutes
ses forces, je grelotte et claque des dents. Arrivés à la berge le petit
Prince me prends dans ses bras et me porte jusqu'à la maison.
Cris affolés de ma grand-mère qui se jette aux pieds du petit Prince
pour le remercier de sa bravoure, de sa générosité et que sais-je
encore ! Et moi… je suis mouillée, j'ai froid, je me sens mal. Le petit
prince traité en héros s'en va, il reviendra demain prendre de mes
nouvelles.
Pourtant moi aussi je me sentais héroïque, mais personne ne s'en était
aperçu…
Je fut frottée énergiquement et à l'eau de Cologne, puis on me fit
boire du lait chaud dans mon lit …et je m'endormi brisée par tant d'émotions
et de fatigues…
Après tout je n'étais qu'une petite fille de cinq ans et demi !
Bientôt arriva pour nous le jour de notre départ. J'ai occulté la
tristesse de la séparation, je quittais un grand garçon qui avait été
si gentil avec moi, en me disant au revoir il m'embrassa sur la joue, nous
étions très émus tous les deux…
Je ne l'ai plus jamais revu…son grand-père est mort, il partit
rejoindre ses parents à l'étranger et moi je poursuivis ma route
chaotique…
Un jour en ouvrant le poste de télévision je vis une émission sur la
famille R…..lors de leur premier voyage en Russie. Devenu grand-père,
à son tour, il donnait la main à un petit garçon qui ressemblait comme
deux gouttes d'eau au petit Prince de mon enfance.
FIN le 10/12/03
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