A la découverte d’un auteur

Biographie

de

Jack HARRIS

Né le 24 novembre 1940, à Aulnay- sous-Bois, dans le département de la Seine-Saint-Denis, Jack Harris est issu d’une famille dans laquelle, en remontant deux générations, fleurissaient les vocations artistiques. En effet, du côté maternel, son grand-père, appartenant à l’une des branches les plus anciennes de la noblesse française établie dans le Nord de la France, faisant fi de tous les tabous, sous le pseudonyme du "Prince de Crouat", son patronyme étant Etienne Decroix, se produisit en qualité de chansonnier et bénéficia d’une notoriété internationale. La grand-mère de Jack Harris "La Petite Margot" était, quant à elle, l’émule de Mayol. Elle fit partie, en compagnie de deux de ses sœurs, sous le titre de "Trio Koklins", de l’affiche du Casino de Paris. Georges Harris, frère de la Petite Margot, fut tour à tour chansonnier, directeur de cabarets dont, entre autres, le célèbre "KA-TA-KLOUM" à Anvers, puis directeur du cirque "GLECHE" avant de terminer sa carrière en qualité d’administrateur général du cirque "ZOO-CIRCUS" qui, en 1923, se trouvait composé de deux cent cinquante personnes et cinq cents animaux.

 

D’abord Petit Chanteur à la Croix de Bois puis, en solo, imitateur de Bourvil, dès l’âge de quatorze ans Jack Harris compose ses premières chansons et se produit en attraction dans divers cinémas de la banlieue parisienne. Après avoir passé un C.A. P. d’ajusteur, il s’engage dans la Marine Nationale comme apprenti mécanicien à l’école de Saint-Mandrier (Var). Au cours de la dernière année de ses études il dirige la chorale de l’École des Apprentis Mécaniciens de la Flotte, chorale composée de cent-quatre-vingt exécutants, puis il va passer brillamment le brevet d’atelier de tourneur, qui précédera celui de mécanicien marine (chaudière, turbine, diesel). Après quoi il embarque en fin septembre 1959 à bord de l’escorteur rapide "Le Basque" où, tout en navigant, il entame des études par correspondance en électronique. Quand il termine son engagement avec l’armée en septembre 1964, l’enfant est devenu un homme marqué profondément par la souffrance et la misère qu’il aura si souvent côtoyées au cours de ses multiples voyages en terres étrangères, plus particulièrement sur le continent africain.

 

Durant cette longue période passée à sillonner les océans, le jeune auteur, au cours de ses escales, exerce ses talents de chansonnier, de poète et de musicien, dans divers cabarets ainsi que dans de nombreux foyers militaires. Il obtient d’ailleurs, en 1963, à deux reprises, l’autorisation du Ministre des Armées de publier ses poèmes.

 

En 1960, Jack Harris qui envisageait sérieusement de rompre son engagement avec l’armée pour rentrer dans les Ordres depuis plusieurs mois, va voir son destin totalement basculer. En effet, alors que son navire se trouve en grand carénage à Lorient, le jeune marin fait la connaissance d’une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Il ne parviendra jamais à oublier Maryse Renaud qui tiendra une place prépondérante dans son cœur et pour laquelle il rédigera, quarante années plus tard, son roman versifié "Les deux cœurs", espérant ainsi exorciser ses douloureux souvenirs.

 

De retour à la vie civile, Jack Harris quitte sa profession de mécanicien pour se lancer à corps perdu dans l’électronique et tout en continuant ses cours par correspondance, il suit régulièrement durant deux années, ceux distribués par l’École des Arts et Métiers à Paris. Il se spécialise rapidement dans la recherche sur la haute fidélité et transforme bientôt une pièce de son logement en un véritable laboratoire d’où il en sortira de nombreuses réalisations.

 

Vivant dans le souvenir de son amour pour Maryse Renaud qu’il ne parvient pas à oublier, c’est en Juin 1963, sur l’insistance de sa mère et par dépit , qu’il épouse Renée Vanhée, pour laquelle il n’éprouve qu’une simple amitié, sans plus. L’échec conjugal sera donc inévitable, néanmoins Jack Harris veut assumer ses responsabilités jusqu’au bout aussi, afin de sauver son ménage il accède aux exigences de sa femme en brûlant la totalité de ses productions littéraires et artistiques, soit dix années de travail dans lequel se trouvaient regroupés des centaines de poèmes, des chansons, une opérette "Le Marin", mais encore le scénario d’un film "La balle d’un frère".

 

Complètement désabusé et profondément meurtri, en 1965 l’auteur abandonne pratiquement tout ce qui le rattache aux arts à l’exception de cours d’art dramatique qu’il poursuit le soir, à raison de deux fois par semaine, aux Ateliers du Théâtre, à Paris, puis des études de Français à l’École A.B.C. où il a pour professeur (et confidente) Raymonde Pitoëff, la femme de Sacha, le célèbre comédien. C’est à la fin de 1969 qu’il connaît un nouvel élan. Il puise son inspiration dans la chaleur d’un nouveau foyer. "Je me suis trouvé dans l’obligation de repartir à zéro, je n’avais plus rien à l’exception d’un lourd fardeau composé de souffrances et de pleurs", dira-t-il plus tard. Toutefois, le bonheur de son couple demeure fortement assombri car, malgré le temps, la plaie de son échec conjugal ne s’est pas refermée. De plus, habitué à vivre dans "une solitude quasi complète lorsque je naviguais", Jack Harris ne parvient pas à retrouver son équilibre parmi l’expansion démographique que connaît la banlieue parisienne. "Reviendrais-je au pays ?" est une évocation à cette douloureuse période qui agita l’auteur.

 

Fatigué par ses études qui lui imposent de nombreuses veilles, le moral ébranlé, les nerfs malades, il continue néanmoins de lutter. Il lui faut à tout prix parvenir à quitter ce climat qui l’engourdit, dans le but de retrouver les vastes étendues marines. Mais les emplois sont difficiles à trouver dans les régions côtières et le service des Grands Travaux de la Ville de Paris dans lequel il travaille depuis des années n’a guère de poste à lui offrir en province. Il découvre pourtant l’occasion de s’échapper de son enfer banlieusard après avoir passé "avec succès"— il fut reçu premier — un concours dans la Police Municipale. Cette première étape loin de la capitale l’entraîne dans le département de l’Aisne, à Chauny très exactement, où il est affecté trois mois plus tard au service de la Police Judiciaire ; là, il exerce en tenue civile sous la direction du commissaire Jan, Chef de Poste, et d’un inspecteur de la Police Nationale. Dix-huit mois plus tard, il a la faculté de réaliser son vœu en se faisant muter dans le Calvados, à Blonville-sur-mer, petite bourgade située près de Deauville, où il se retrouve seul pour assumer ses fonctions..

 

Dès son installation au bord de la mer, l’homme retrouve pleinement son équilibre, et le poète qui sommeille en lui commence à le transfigurer. Sa sympathie naturelle, son dévouement envers autrui, lui ouvrent le cœur des habitants qui le baptisent par amitié "Le Shérif". Un shérif qui ne demeure pas inactif puisqu’il arrête, en deux ans, plus d’une quarantaine de malfaiteurs dont deux, seulement, comparaîtront devant un tribunal. Il s’explique sur ce fait :

 

"Le rôle d’un flic, est comme celui d’un prêtre. Pour ma part, j’estime qu’il faut toujours accorder une chance à quelqu’un. Il est stupide de marquer un homme à vie pour un menu larcin, alors que des criminels n’ont, trop souvent, que des peines légères. Je me suis toujours arrangé pour procurer du travail à mes délinquants afin qu’ils puissent dédommager leurs victimes, car agir de la sorte me semblait plus humain, plus intelligent, et plus équitable."

 

En novembre 1974, sur l’insistance de son entourage, Jack Harris caresse l’espoir d’être publié. Est-ce par orgueil, par vanité, ou simplement par timidité, que le Shérif refuse de s’adresser à un éditeur? Non, ce qu’il veut, c’est parvenir à trouver un procédé original qui lui permettra de frapper un grand coup pour le révéler au public. A force de persévérance il obtient satisfaction. Quoiqu’il se doute que l’opération qu’il envisage sera longue et pénible, il est loin de s’attendre aux difficultés, et surtout aux conséquences, qui découleront de ses réalisations. Mais il est un battant et, chez lui, le désir de vaincre se montre le plus fort.

 

Alors qu’il ne possède pas la moindre notion sur l’art de l’imprimerie, pas plus qu’il n’en possède de la reliure, par l’entremise d’un instituteur, il fait l’acquisition d’une petite imprimerie d’école, selon l’ancienne méthode Freinet, avant de se mettre courageusement à l’ouvrage, secondé par son épouse et ses enfants. Des journées de vingt heures, pendant son mois de congés, seront nécessaires pour l’impression du recueil comportant deux cent dix pages, puis la reliure lui demandera un effort supplémentaire de trois semaines.

 

C’est à bout de force, mais heureux d’être parvenu à sortir victorieux de ce combat, que Jack Harris présente, le 25 Mars 1975, le tome 1 de son ouvrage intitulé "Du fond du cœur". La presse et la télévision régionale lui rendent un hommage qui l’incite à poursuivre sa tâche. Il rédige un second volume, l’imprime et le relie en trois mois et demi. Ce second tome il le présente sur les Planches à Deauville, le 8 août 1975. En septembre, parrainé par la poétesse Louise Bruand-Appert, il est admis à la Société des Gens de Lettres de France où il ne restera que quelques années pour de simples et stupides raisons pécuniaires.

 

En effet, durant ce temps-là, plus poète que réaliste, l’auteur qui a voulu défendre le bon droit, dans toute l’acceptation du terme, s’est heurté au cours d’une enquête judiciaire qu’il a menée rondement, et dont le motif portait sur d’importants détournements de fonds publics, à certaines personnes très influentes dans le monde politique. Cette bataille inégale contre les montagnes va lui coûter son emploi et la perte du logement de fonction qu’il occupe avec sa famille. C’est à cette occasion qu’il rédigera son fameux poème "A un secrétaire général de mairie", poème qui fera scandale au plan régional et lui vaudra, à partir de cet instant, d’être fiché par les Renseignements Généraux en qualité d’anarchiste.

 

Sans ressources, près d’un an s’écoule avant que renaisse un nouvel espoir car, au fond de sa misère, le poète s’acharne. Tout en travaillant comme rédacteur en chef et critique d’art pour le compte de la revue "Standing", dont le siège social se trouve à Fontainebleau (Seine et Marne) et dont il a toutes les difficultés du monde pour percevoir son salaire, il est contraint de se faire employer de nuit au Casino d’été de Deauville (ou il assure la sécurité des chaudières) afin d’avoir le minimum pour se nourrir et régler ses charges. Parallèlement à ces deux emplois, il donne naissance à un troisième ouvrage qui parait en mai 1976. "Libre Cours" sous l’aspect d’un dictionnaire regroupant des pensées humoristiques et philosophiques, prend la forme d’une leçon de morale et d’amour qui s’adresse aux hommes. "Un ouvrage que devraient posséder les écrivains en toutes catégories" souligne Philippe Devillard dans la revue "Le Mois à Caen".

 

Jack Harris reçoit enfin le couronnement de ses efforts car, lors du Festival Littéraire de Honfleur, il se voit attribuer le Prix de l’Originalité du festival. Peu après, il reçoit le Grand Prix des Arts et des Lettres du salon de Saint-Pierre-sur-Dives et enfin, au début de l’année suivante, il lui est décerné la Palme d’Or de l’Académie du Disque de Poésie.

 

En 1977, parait un recueil intitulé "Reflets", puis le Tome 1 des "Poètes Normands". Fin 1977, le poète crée deux associations dont le siège social sera situé à Deauville, à savoir le Cercle des Poètes et Artistes Normands, mais également le Cercle d’Étude et de Recherche de Psychologie et Parapsychologie. Quelques mois plus tard il s’implantera à la ferme de Sarlat, située sur la Commune de Dives-sur-Mer.

 

L’année 1978 se révèle une année prolixe qu’il va partager entre le spectacle et la littérature. En effet, Jack Harris se produit dans de nombreux galas et il réédite le tome 1 de "Du fond du cœur", avant de publier un nouveau livre de poèmes sous le titre "Un feu dans la nuit". Ce dernier ouvrage, comme les précédents, obtient un succès considérable auprès du public puisque, en moins de cinq mois, l’édition est complètement épuisée.

 

En septembre 1978, après être sorti victorieux d’une hémiplégie qui l’a immobilisé plus de deux mois, Jack Harris sponsorisé par Edmond Siboni, transitaire à l’aéroport de Roissy, va s’installer au village artisanal de Guillaume-le-Conquérant, à Dives-sur-mer. C’est dans ce cadre rustique qu’il ouvre un atelier d’art ou il y fait de l’imprimerie d’art, et fabrique ses premiers santons et soldats de plomb. L’année suivante dans un second local, il ouvre un café-théâtre dans lequel il se produit chaque soir sur scène avec sa fille Aurore jusqu’en septembre 1980.

 

Parallèlement à ses occupations scéniques, le poète publie au cours de l’année 1979, un nouveau dictionnaire de pensées et de maximes sous le titre "Puisque je suis ton frère". Cet ouvrage sera présenté au public en janvier 1980, année où il termine la rédaction d’un premier volume d’une série d’anticipation intitulée "La fin des tyrans". Le premier tome est baptisé "Les révoltés d’Urion".Vont suivre, quelques mois plus tard, un disque 33 tours ainsi qu’une sélection de ses meilleurs poèmes, imprimés toujours par ses soins, sur des papiers de luxe tels que du parchemin, papier à inclusions florales, etc... Désormais ses travaux ne s’effectuent plus sur la petite presse à volet mais sur une antique presse à pédale, venue directement de Boston, aux U.S.A. C’est un vieil imprimeur de Lisieux, qui lui a fait cadeau de ce matériel en lui disant: "Plutôt que de la vendre à des antiquaires, je préfère te l’offrir car je sais qu’avec toi, la machine revivra." Effectivement, le poète va garder toute sa vie une véritable vénération pour sa vieille Pearl datant de 1870, qui lui a permis d’exécuter tant de travaux.

 

En 1981, de retour en banlieue parisienne, outre les nombreux spectacles dans lesquels il se produit, il publie "Recueil de chansons - tome 1" tout en travaillant comme taxateur et déclarant en douane dans l’entreprise Air Sea International, d’Edmond Siboni.

 

Travaillant sur une base de dix-huit heures par jour en raison de ses multiples activités, le 24 décembre 1982, il est pour la seconde fois victime d’une paralysie partielle. L’artiste va lutter de longs mois avec une énergie peu commune mais qui, en définitive, va lui permettre de se rééduquer et de reprendre ses activités scéniques. Cette difficile période crée, pour la vie de la famille, une situation financière catastrophique qui s’ajoute aux soucis causés par la santé précaire à laquelle le poète doit faire front.

 

Le 6 Janvier 1983, il est admis comme auteur-compositeur-interprète à la Société des Auteurs-Compositeurs et Éditeurs de Musique. En septembre de la même année, il termine le premier jet d’un roman versifié "Les deux cœurs", par lequel il tente d’exorciser de vieux souvenirs qui le tenaillent. Puis, en 1984, ne pouvant plus travailler qu’à mi-temps en raison de sa santé, il perd son emploi à l’aéroport de Roissy ce qui représente un écueil de plus à surmonter tant sur le plan moral que pécuniaire.

 

Bravos d’or du Cercle des Poètes et Artistes Indépendants de la Région de l’Aulnoye, Jack Harris sort en févier 1984 un nouveau disque "Hommage à Jacques Brel" qu’il dédie en souvenir de l’artiste disparu. Les chansons qui composent ce disque sont tellement imprégnées de l’esprit de Brel que François Rauber lui mentionne dans un courrier qu’il lui adresse pour en établir la critique : "... mais je me demande surtout dans l’ensemble de votre démarche s’il est utile ou même de bon goût "d’en ajouter" à ce qu’à écrit Jacques Brel. Cela se suffit à soi-même et il est préférable - me semble-t-il - de ne pas y toucher". Sans doute est-ce là l’une des raisons pour lesquelles si le disque, dès sa sortie, fut diffusé sur les radios et la télévision en Grèce, il passa pratiquement inaperçu sur le territoire français à l’exception de quelques radios libres, d’où l’amertume du poète.

 

Quoique très fatigué, physiquement comme moralement, il se réfugie en Ardèche, à Annonay, où il innove un atelier de créations d’art. C’est dans un cadre rustique qu’il présente ses œuvres en juillet 1985.

 

Un an après son installation, sur la demande de quelques-uns de ses amis, le poète va céder à la tentation d’exercer à nouveau ses talents de journaliste. Jusqu’à ce que "La Chronique" disparaisse en mars 1988, il alimente chaque semaine sa rubrique sous le titre de "Chronique d’humeur" par des articles dans lesquels il s’insurge contre la bêtise humaine, la corruption, la politique et autres causes sensibles ; autrement dit, il expose sans la moindre retenue ses sentiments contre "tous ces grands fléaux qui ravagent notre Terre et la pourrissent". Sa franchise, claire et directe, mais également violente, acide et souvent indigeste, ainsi qu’il se plaît à l’exprimer, lui attire de nombreux ennemis. Cela lui importe peu car, dit-il : "Seuls se vexent ceux qui se sentent visés et qui sont en plus des imbéciles, car une personne intelligente possédera assez de sagesse pour effectuer son examen de conscience."

 

En décembre 1987, il présente le premier tome des "Poèmes maudits" et, quelques mois plus tard, il édite la troisième édition du tome 1 de "Du fond du cœur". Alors qu’il n’a aucune intention de le faire, le poète établit un record littéraire lorsqu’il présente le 22 avril 1988 son roman intitulé "Les deux cœurs". Ce roman est le plus long roman en vers publié depuis deux siècles. "Ce chant d’amour ressuscite une littérature que l’on croyait à tout jamais disparue" s’empresse de souligner dans ses colonnes le Dauphiné libéré. Encore que cet ouvrage représente uniquement le premier jet d’un ouvrage qui va trouver une seconde version en 1998, version qui comportera pas moins de 8.906 vers en alexandrins.

 

Après l’édition du tome 2 de "Recueil de chansons", en septembre 1988, il publie un nouvel ouvrage sous le titre désabusé de "Réflexions d’un homme sans culture". A ses nombreuses activités littéraires et artistiques auxquelles s’ajoutent en plus ses autres activités professionnelles, et ce depuis des années, se rapportent maintenant les fonctions qu’il exerce aussi bien comme président, vice-président départemental, délégué national, auprès d’associations d’anciens combattants, mais également artistiques et religieuses. Ce dévouement perpétuel épuise rapidement ses forces aussi, le 1 avril 1991, pour la troisième fois le poète se trouve immobilisé par une paralysie qu’il va encore parvenir à surmonter après plusieurs mois de souffrance.

 

Vieilli prématurément par les épreuves successives, Jack Harris puise de nouvelles forces dans la foi. L’artiste continue à écrire et à s’occuper de son atelier d’art mais il remplit également, avec une dévotion toute particulière, son sacerdoce de prêtre orthodoxe. Son ordination en novembre 1985 fut pour lui la plus grande des joies que Dieu ait pu lui donner en compensation des malheurs qui furent les siens. Cet appel vers la foi est le résultat d’un long cheminement que rien ne laissait présager puisque le poète se disait et fut réellement un anticlérical acharné durant plus de vingt années. Il témoigne de la cause de son retour vers la foi dans le chapitre "Dieu m’a fait homme" inclus dans son livre "Réflexions d’un homme sans culture".

 

Mais la petite chapelle qu’il a su allègrement aménager, avec l’aide précieuse de son épouse, ne tarde pas à devenir trop étroite pour recevoir et contenir les nombreux fidèles qui viennent de toutes confessions voir ce prêtre hors du commun. Espérant jouir d’un peu de paix et de sérénité, en novembre 1991, il se retire dans un petit hameau de l’Aude, Clermont-sur-Lauquet, perdu dans la montagne à vingt-trois kilomètres à l’est de Limoux. Malheureusement, il ne tarde pas à déchanter car la commune qui l’a fait venir afin qu’il puisse desservir l’église dans laquelle aucun office religieux n’a eu lieu depuis trois ans, lui a également loué un logement qui ne tarde pas à se révéler totalement insalubre. Durant ces années clermontoises, l’auteur, en raison de l’insalubrité du logement qu’il occupe, va perdre la totalité de ses biens (meubles, vêtements, livres, collection de timbres, etc.), l’ensemble de son outil de travail (matériel d’enregistrement et de sonorisation, ordinateur, matériel d’imprimerie, etc.), mais également perte de la santé de sa famille et de la sienne propre. D’ailleurs, il est rapidement reconnu invalide et inapte au travail. Pour parfaire le tout, la commune a fait détruire intégralement l’intérieur de l’Église lui interdisant toute possibilité de remplir son sacerdoce.

 

Victime de persécution morale caractérisée et répétée, bafoué par des élus crapuleux, dont la justice reconnaît l’entière responsabilité sans pour autant les sanctionner, Jack Harris découvre qu’il l’est également par l’avocat chargé de le défendre qui, en fait, non seulement s’en est abstenu mais a été jusqu’à dissimuler les pièces les plus accablantes contre la municipalité aux regards de la justice. De ce fait, l’artiste n’obtient pas le moindre dédommagement, si minime soit-il. Complètement écœuré tant par la justice que par ses semblables, il part se réfugier avec sa famille à Cendrieux, petit village implanté au cœur du Périgord entre Périgueux et Bergerac. Vivant dans une maison isolée entourée de chênes, de sapins, de pins et de châtaigniers, l’auteur tente d’y rassembler les dernières forces qu’il possède encore.

 

Durant la période clermontoise, en "ce désert" comme la surnomme l’auteur, le prêtre-artiste aura bénéficié d’une pleine solitude qui lui permit de se pencher et de décortiquer tous les problèmes qu’il se posait sur la foi, la religion, son dogme, ses origines, et une infinité d’autres questions car le philosophe qui vit en lui refuse désormais de se contenter d’un enseignement aveugle. Tout au long de sa vie, il s’est trouvé confronté au mensonge qui représente, à ses yeux, le pire des vices étant donné qu’il conduit à tous les abus et à toutes les exactions. Cet excès de foi, ce besoin de savoir, cette soif de comprendre, l’amènent à rédiger "Dieu renié par l’Église" qui, plus qu’un pamphlet, se présente comme un réquisitoire implacable à l’encontre de la hiérarchie religieuse. "On ne peut servir Dieu et l’argent. Pour ma part, depuis mon ordination en novembre 1985, je n’ai pas fait la moindre quête car la foi ne doit pas être un commerce. Seuls les fruits de mon travail en dehors des attributions de mon sacerdoce ont fait vivre ma paroisse. Je ne parviens pas à concevoir qu’un prêtre se fasse rémunérer pour donner les sacrements, agir en ce sens revient à renier le Christ."

 

Conscient de son état de santé précaire, le moraliste éprouve le besoin impérieux d’exprimer sa rancœur à l’égard de la société qui ne l’a guère épargné et qui, pour lui, devient de plus en plus confuse en perdant toutes ses valeurs humaines et ses repères. C’est la raison pour laquelle il veut délivrer son message en s’appuyant sur ses propres expériences. Il reprend la forme rédactionnelle de son dernier ouvrage pour rédiger "De cœur à cœur" qui se présente sous la forme d’interviews avec l’un de ses vieux amis, journaliste qui a travaillé à ses côtés à la revue "Standing" et avec qui il est resté en contact au fil des années.

 

Avant de commencer au début de l’année 1999 la mise en page de ses "Œuvres complètes", en octobre 1998 il compose les "Poèmes épars" ainsi que le troisième tome de "Recueil de chansons", puis en novembre 1998, en réponse à Paul Verlaine sur ses poèmes érotiques, Jack Harris rédige et édite un nouvel ouvrage intitulé "Poèmes libertins" En février 1999, il écrit "De cœur à cœur" puis, en juillet, le premier volume de "Voyage à travers la poésie" enfin, en août, il s’applique à rédiger quelques essais regroupés sous le titre "L’homme en conflit".

 

En septembre 2000, Jack Harris rédige "Réflexions sur la psychologie" puis, en novembre, il compose, pense t il, les derniers vers de son roman "Les deux cœurs". Ce rajout lui permet de constituer la version qu’il espère être définitive du roman qui comporte désormais 9.072 vers. Fin janvier 2001, alors qu’il en a commencé la rédaction en octobre 1999, il clôture le premier volume de son "Journal intime". A la mi-février 2001, il édite un nouveau dictionnaire d’aphorismes ayant pour titre "Au gré du cœur", après l’avoir rédigé en moins de trois mois.

 

En juin 2001, le poète qui se refusait à participer depuis longtemps à des concours, se décide à présenter deux poèmes qui lui valent un diplôme au prix Armand Got au XXème Grand Prix de la Ville de Bergerac.

 

En dehors de nombreuses rééditions de ses anciens ouvrages qu’il réalise désormais par moyens informatiques, et tout en œuvrant sur le second volume de "Voyage à travers la poésie" ainsi que sur un second roman de science-fiction "A la conquête de Zulam", parallèlement à ces ouvrages, l’auteur poursuit la rédaction de "Chroniques diverses", mais également de réflexions dans "A cœur ouvert", sans oublier la poursuite de son journal personnel dans lequel, outre les réflexions sur ses états d’âme, le poète-moraliste inclue des analyses sur la politique et les grands événements qui font l’actualité quotidienne.

 

En septembre 2002, alors qu’il a achevé la rédaction du cinquième volume de son "Journal intime", et après avoir fait l’acquisition d’un nouvel ordinateur, le poète entreprend une nouvelle mise en page de son roman "Les deux cœurs", ce qui lui offre l’occasion de se replonger une fois encore dans ses souvenirs les plus secrets et il en découle la version définitive du roman qui va passer de 9072 alexandrins à plus de 10.248 vers. "Désormais, je ne les compte plus" dira l’auteur. Au cours de ce même mois de septembre, il crée le Cercle des Poètes et Artistes Indépendants du Canton de Vergt, ce qui va lui permettre d’organiser dans un proche avenir de très nombreuses expositions ainsi que des spectacles; déjà la première exposition d’art avec veillée-spectacle, qui connaît un véritable succès, aura lieu les 14 et 15 décembre 2002 sur la commune de Lacropte. Au cours du mois de février 2003 le poète rédige les 3.124 premiers alexandrins qui constituent le premier chapitre de son nouveau roman ayant pour titre provisoire "Les amants de cœur".

 

Travaillant toujours et encore, cloîtré en grande partie dans sa retraite, retiré volontairement du monde, Jack Harris, aujourd’hui archiprêtre, peut être fier de son acharnement puisque, si la France le rejette, il n’en va pas de même de l’étranger. En effet, certains de ses textes sont traduits en arabe, en hébreux, en calligraphie malaise et dans la plupart des langues européennes, sans compter que, malgré les faibles moyens de diffusion dont il dispose, il a exporté ses œuvres dans plus de quarante pays et que, parallèlement, de nombreuses universités étrangères les ont incluses à leur programme d’enseignement.

 

Comment pourrait-on terminer cette biographie sur un homme qui n’a pas hésité à sacrifier son confort et celui de sa famille, sur un combattant de l’ombre qui croit toujours et encore à son art avec juste raison ? Oui, comment terminer autrement que par une pensée de l’auteur, une pensée qui concerne le monde : "Le monde est un immense tas de fumier, mais c’est grâce à cet engrais que naissent les plus belles fleurs".

 

Frédéric France

Journaliste, revue Standing

 Retour Portail