RESSACS

 

 

Désir marin

Accroche le gri-gri et monte dans ta pirogue.
Appuie sur l'azur gris, couche - toi sur la mer.
Oublie tous tes soucis, laisse couler l'amer,
Sur l'aréole des vagues, ainsi qu'un amant, vogue !

Prends la mer par la taille, pénètre entre ses seins,
Les baisers de l'écume sur ton corps en sueur .
Tous tes muscles bandés, savoure la douceur,
La tendre fellation, du ressac assassin.

Pousse droit, bien à fond, pour passer la grand'barre,
Déflore l'océan en un déhanchement,
Epouse ce corps marin et ses rythmes barbares,
Immerge ton désir dans son halètement.

A la plainte océane, ton esquif qui se cabre,
Et jette sa semence aux embruns miroitants.
Le corps de ta pirogue retombe comme un arbre,
Sur l'amante insatiable, dont la houle reprend.

2003

 

Le malheur est si prompt, mélancolie si douce .
J'écoute les Nocturnes de cette vie qui s'use .
Murmures vespéraux, qui courent sur la mousse,
Les doigts de la nuit jouent sur mon âme contuse.

Le temps est suspendu aux étoiles muettes
De la mer arrachée, qui pend les cœurs aux mâts ;
Le rut de la tempête recouvre la voix fluette
Des amours tropicales, qui étouffent leur pas.

La lune s'impatiente et l'orient frémit,
Quand le soleil oublie ses ors et ses moires ;
Des claviers édentés, restent les touches noires
Qui, d'un flot alangui, noient le cour de ma mie.

Joue, musicien fauve qui emporte mon cœur !
Tes notes sont celles d'un éternel avant ;
Je ne sais que voler sur l'aile de ce vent ;
Je ne saurai jamais quel goût a le bonheur !

2003

°°°°°°°°°°°

J'ai croisé une mort

Un soir, au sortir d'une africaine échoppe,
Au parcours bigarré d'une rue interlope,
Dans la nuit atlantique et chaude de Dakar,
J'ai croisé une mort qui mendiait au hasard ...

J'ai croisé une mort qui avance lentement,
Sous un voile de honte qui cache les tourments,
Précédée d'une cloche invisible et aphone
Et d'un cri silencieux, qui écartait la faune ...

J'avançai dans le trou laissé nu par la foule,
Etonné des caprices de cette sombre houle,
Vers les formes diffuses de ces noirs pénitents,
Vers les ombres camuses de ces maigres mendiants ...

Et comme une prière sortait de sous la robe,
J'ai tendu une pièce à la main qui mendiait
- Je lui donne une pièce mais sa main se dérobe ...

Et le temps d'un éclair, d'un merci psalmodié,
Serrant moignon de chair du lépreux dans ma main,
J'ai croisé un regard qui s'excuse d'être humain ...

Ah ! Si seulement Jésus était sur ce chemin ...

Dakar-St rémy 1986 -2002


°°°°°°°°°°°



Si tu devais partir

Tu resterais pour moi instant d'éternité
Le temps s'arrêterait et le miel de l'été
Figé par la douleur, cesserait de couler .

Je tirerais sur toi un drap immaculé
Brodé aux doigts des fées et la grande forêt,
Brocéliande bruirait de pleurs désespérés.

Poserais sur ton âme des rimes insensées
Et des baisers perdus sur ton cour encensé ;
Entourerais ton cou du collier de mes vers

Et prenant le bateau sur l'océan des larmes,
Emportant tes poèmes, ta photo et des armes,
Larguerais les amarres, le cap mis sur l'hiver .

Mais ce vaisseau fantôme toilé de voiles noires
Recroise soudain ta route -latitude d'un soir-
Devient un brise -larmes et part à ta recherche

Écumant sans relâche les sept mers de l'espoir
Pour trouver le rocher sur lequel tu te perches :
- Dans la nuit de l'Inuit, on murmure de toi

Qu'incendie boréal tu enflammes les glaces
Et sur le sol gelé je traque ton reflet
Je laboure la glace ensemencée de toi .

- Et dans la vaste Chine, au pays des rizières,
On dit qu'un jour béni il se peut que tu passes :
Je longe la Muraille qui des siècles dépasse

Patiemment je retourne une à une les pierres
Pour trouver une perle échappée de ton cou
Sous l'oil des Mandarins qui regardent ce fou.

Au théâtre des ombres je jouerai chaque soir
Et derrière le rideau j'épierai dans le noir
Les femmes dans la salle qui rient et te ressemblent.

Puis enfin un beau jour nous trouvera ensemble,
Nous nous rencontrerons au détour de nos rêves
Et dès lors mon amour, il n'y aura plus de trêve

Je t'aimerai sans cesse et de jour et de nuit
Je te caresserai comme coule une rivière
Comme un flot continu plus doux qu'une prière ;

Comme le vent du désert je chasserai la pluie,
Que jamais une larme ne perle à tes paupières
- Que des larmes d'amour .comme cette perle d'hier .

1er mai 2002

°°°°°°°°°°°

Fenêtres

 Je naquis par la fenêtre de ma mère,
Dans l’éclair étouffant d’un jour de sirocco.
Oh, mes vagissements n’éveillèrent d’écho
Que le temps d’un adieu, dans les yeux de mon père.

Je grandis à la fenêtre de la mer,
J’ai laissé mes empreintes sur le sable et les eaux.
C’est là-bas que mon cœur prit son premier bateau,
J’ai vu les voiles blanches, aux portes du désert.

J’ai pâli aux fenêtres de sang,
Quand j’ai vu se coucher le jour de ton regard.
Aux vitres du crépuscule éclaboussant,
J’ai collé mes visages hagards.

J’ai rêvé aux fenêtres du vent,
J’ai pris cent fois le large, mille fois j’ai versé ;
Dix mille fois veillé sur le gaillard d’avant.
J’ai compris que la vie est un rêve insensé.

Je vieillis aux fenêtres obscures,
Attendant que se taisent les ombres qui murmurent.
Un jour, je renaîtrai des fenêtres du temps,
Car l’amour, ce phénix, ne meurt jamais longtemps.

2003

°°°°°°°°°°°

Vois la mer... 


Vois la mer dérouler le ressac inlassable
De ses eaux de mémoire
Des rouleaux sur le sable
Qui façonnent nos côtes, plus têtus que l’espoir

Vois le jour dévoiler lentement la forêt
Qui bruit de souvenirs,
Lentement dévêtir
La futaie des mystères que la nuit nourrissait

Vois les ombres qui dansent sur le mur du rocher
Au fond de la caverne
Et cette ombre approcher
Qui est peut être la mort ; et des démons la cernent.

… Qui peut-être est la mort, qui peut-être est l’amour
Et ceux qui tournent autour,
Mi-anges, mi–démons,
Sont peut-être nos enfants qui cherchent leur maison.

Des enfants sans maison, des rivages sans mer,
Une forêt sans mystères,
Plus d’ombres sur le mur :
Seul resterait le temps qui meurt à nos murmures.

2002 

°°°°°°°°°°°


Si tu devais partir...


Tu resterais pour moi instant d’éternité
Le temps s’arrêterait et le miel de l’été
Figé par la douleur, cesserait de couler.

Je tirerais sur toi un drap immaculé
Brodé aux doigts des fées et la grande forêt,
Brocéliande bruirait de pleurs désespérés.

Poserais sur ton âme des rimes insensées
Et des baisers perdus sur ton cœur encensé ;
Entourerais ton cou du collier de mes vers

Et prenant le bateau sur l’océan des larmes,
Emportant tes poèmes, ta photo et des armes,
Larguerais les amarres, le cap mis sur l’hiver…


Mais ce vaisseau fantôme toilé de voiles noires
Recroise soudain ta route – latitude d’un soir -
Devient un brise – larmes et part à ta recherche

Écumant sans relâche les sept mers de l’espoir
Pour trouver le rocher sur lequel tu te perches :
- Dans la nuit de l’Inuit, on murmure de toi

Qu’incendie boréal tu enflammes les glaces
Et sur le sol gelé je traque ton reflet
Je laboure la glace ensemencée de toi…

- Et dans la vaste Chine, au pays des rizières,
On dit qu’un jour béni il se peut que tu passes :
Je longe la Muraille qui des siècles dépasse

Patiemment je retourne une à une les pierres
Pour trouver une perle échappée de ton cou
Sous l’œil des Mandarins qui regardent ce fou.


Au théâtre des ombres je jouerai chaque soir
Et derrière le rideau j’épierai dans le noir
Les femmes dans la salle qui rient et te ressemblent.

Puis enfin un beau jour nous trouvera ensemble,
Nous nous rencontrerons au détour de nos rêves
Et dès lors mon amour, il n’y aura plus de trêve

Je t’aimerai sans cesse et de jour et de nuit
Je te caresserai comme coule une rivière
Comme un flot continu plus doux qu’une prière ;

Comme le vent du désert je chasserai la pluie,
Que jamais une larme ne perle à tes paupières
- Que des larmes d’amour …comme cette perle d’hier…

1er mai 2002 

°°°°°°°°°°°


Le silence

Le silence si l'on veut est une mère tendre
Qui nous ouvre ses bras quand les portes se ferment,
Quand la marche des heures approche de son terme,
Une mère attentive qui veille sur nos cendres.

Il désarme nos sens et donne le vertige,
Accorde notre passé sur les violons de l’âme,
Ranime les échos, relève les vestiges,
Et rend ton souvenir plus tranchant qu’une lame.

Il nous accueille un soir au seuil de la tendresse
Aux lisières du rêve où l’âme se débat
Il impose sa loi aux foules qui se pressent
Aux portes de la mémoire, aux cœurs que l’on abat.

Le silence est diamant, le bruit n’est que l’écrin,
Éternel comme l’espace, infini comme le temps,
Le silence est un chant qui court sur les chemins,
Qui nous rattrape un jour quand l’amour plie le camp.

Février 2002 

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L'absence

J’imagine tes yeux que le soleil enlise
Je parcours les sillons de douleur qui s’y lisent
Je regarde cette mer monter, comme une eau grise,
Dont les vagues nous lavent et le ressac nous brise …

A quoi bon vivre encor si ce n’est avec toi
Que me servent ces mains qui n’agrippent que l’ombre
Pourquoi faut-il rester sur le bateau qui sombre
Jusqu’à quand faudra -t’il que je tue mes émois ?

C’est un matin gris dans une province froide
Et des moineaux les pattes s’agitent, fines et roides
Je vois par la fenêtre la ligne d’horizon
Brisée par les montagnes qui me tiennent en prison.

Aucun bruit, pas de vie, la chatte silencieuse
S’abîme tout comme moi dans la mélancolie ;
Seul est vivant ce lien qui vibre et qui nous lie,
Ce trait d’union des âmes qui souffrent d’être heureuses …

Toi qui ne me quitte pas, j’ai mal à ton absence ;
Jamais tu n’es partie mais quand reviendras tu ?
Pour un baiser de toi je donnerais Byzance,
Ton amour me fait vivre mais ton amour me tue.

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Le piano fantôme 

Il caressait les touches d’un noir piano fantôme
Le soir, et à l’automne
Il cherchait les chemins qui ne mènent pas à Rome
Jusqu’au jour, qui l’étonne.

Il aimait le brouillard du rêve qui se dépose,
Embrumant la souffrance,
Jetant sur les épaules un manteau de silence,
Mille doigts qui se posent,

La musique des sens, sur le clavier des âmes.
Apatride de cœur, étranger solitaire,
Il errait sur la Terre
Faisant taire l’amour de peur qu’on ne le blâme.

Et il jouait à peindre son clavier en couleur,
Cherchant des touches roses
Qui mettraient des bémols aux notes de douleur
Que ses larmes arrosent.

Toujours il voyageait son piano sur le cœur
Cherchant l’île –douceur
Sur laquelle construire sa maison de demain,
Celle du bout du chemin

La maison du bonheur où s’étreignent les mains
Dans la fusion des cœurs,
La maison de l’amour où se figent les heures 
Comme au premier matin,

Où l’âme de son piano enfin libre vivrait. 

 

 

© Jean-Marin Serre

Écrire à l'auteur : Upland@wanadoo.fr

 

 

 

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