REPERES

 

  La nuit ... 

A l'obscur de la nuit je me suis partagé, 
Et mon ange a songé ... 
Et du songe a jailli 
Un impossible rêve à mes yeux ébahis. 

La vie ? 
Un long fleuve de vent qui se jette à la mer, 
Aux flots teintés d'amer, 
Et coule dans la mort comme l'enfant s'endort. 

A l'obscur de la nuit, je me suis allongé, 
Mon démon a songé ... 
Des ténèbres ont surgi 
D'improbables amours sur des peaux de velours. 

L'amour ? 
Lumière des yeux que cernent les années 
Et s'éteint dans les sables 
Que dépose le temps sous nos pas enlisés. 

A l'obscur de la nuit, mon cœur a voyagé 
Dans ton cœur mensonger 
Et des gouttes d'émoi 
Ont parsemé de joie les replis de mes draps. 

La joie ? 
Celle qui habille ton cri nu dans mes bras, 
A l'aube de ton fruit 
Qui s'offre et que je cueille, qui déborde de moi. 

A l'obscur de la nuit, toujours nous nous aimons ; 
Je te reprends à lui, 
Mi-ange, mi-démon ; 
Et le jour nous saisit, croisés dans le soleil. 





J'irai, ô ma douceur

Ô ma douceur et ma douleur,
Ö mon bonheur et mon malheur,
Mon eau de feu, mon brûle cœur,
Voici venir l'heure des heures ...

Quand le ciel appuyé sur les bras des grands arbres
Offrira sa voussure aux baisers de la nuit,
Sous le chant de la Lune, ultime candélabre,
J'irai, je partirai, oiseau tombé du nid.

J'irai, multiple et seul, agonisant de toi,
Escorté d'une foule impalpable de rêves,
Titubant sous ton poids, dans la lumière brève ;
Mes souvenirs en meute me chasseront vers toi.

Ô ma douleur de vivre et ma douceur d'aimer,
Tu cherches un bateau ivre qui est resté à quai ;
L'eau de tes yeux m'enivre mais tes yeux sont fermés.
Que la douleur est vive, passée l'heure d'aimer !

Un écureuil curieux, une biche timide,
Pourront croiser mes pas dans le lit de l'automne ;
Je continuerai ma route monotone,
Orphelin de l'amour, cristal parmi le vide.

Il est des orphelins dont la mère est vivante
Et vient le soir tombé caresser leurs cheveux.
Essuie ce front mouillé des rêves qui le hantent,
De ton aile clémente, ô mon Oiseau de Feu !

La torpeur de la nuit couvrira d'un manteau
Et les sons et les bruits, les échos du piano
Qui joue cette leçon qu'un jour tu m'as donnée ...
Cette nuit je mourrai ; et ce jour je suis né.

Ô ma douleur de vivre, ô ma douceur d'aimer ...

2003


Lettre aux femmes

Ô femmes, vous nous voulez bons amants mais fidèles,
Virils, entreprenants, enveloppants et charmeurs,

Beaux parleurs et brillants, toujours de bonne humeur,
Ce que bien sûr nous sommes – et puis faire la vaisselle.

Mes amies, mes amours, mes jolies tourterelles,
Roucoulantes à vos heures mais pas n’importe quand,
Quel bonheur est le nôtre d’être
chevaliers servants,
De vous avoir pour Muses, de vous rendre si belles

Lorsqu’au bout de nos doigts vous tremblez de désir,
Lorsqu’au bout de vos nuits nous mourons de plaisir…
Puis douceur de vos lèvres et douleur du partir,
Persistance du rêve mais gamme des soupirs…

Ô femmes qui crucifiez et les cœurs et les corps,
Quel honneur est le nôtre de périr sur la croix
De vos membres épars dans des draps roses en soie
Au retour éternel d’une invincible aurore…

***

Âme sœur aux vers tendres, qu’il fut doux de
s’étendre
Au chevet de ton cœur, dans la nuit ma complice,
Qu’il fut doux de te prendre sur le sable qui crisse,
Même seulement en rêve, te reprendre sans trêve…

Ton amour se mesure à l’aune de nos rêves,
Tes effluves de tendresse ont un goût d’absolu ;
Je sais que bien avant que l’horizon se lève,
Tu seras repartie ; et ton cœur sera nu.

Et mon cœur, qui épouse les courbes du destin,
D’avance te remercie des larmes de demain,
Quand mes mains seront veuves du velours de tes mains ;
Car il faut que s’écoule de l’amour le trop plein.

***
Oui, je suis philogyne, oui Femmes je vous aime !
Mais une seule à la fois, et le temps d’un poème…
Ne cherchez pas en moi ce qu’on n’y trouve pas
Car le soleil se donne, mais ne se reprend pas.

Juin 2002 

 

Quand les anges rêvent

Jason ou Lancelot, nous sommes à la poursuite
De tous ces grands bateaux que nos rêves ont lancés ;
Que la mer a portés, via des terres glacées,
Des figures de Pâques aux rivages de Syrte.

Don Quichotte ou Sancho, nous montons Rossinante,
Et nous croisons le fer aux ombres du passé,
Dont les ailes immenses, comme croix ressassées,
Courent dans les jardins des demeures qu'elles hantent.

Juliette ou Romeo, nous guettons aux fenêtres
L'arrivée de l'amour aux parfums opiacés ;
Quand se lève le jour des aubes enlacées,
Enivrées de bonheur, nos fleurs s'étonnent d'être.

Sedan ou Waterloo, nous avons nos défaites,
Nos couronnes perdues, de perles enchâssées ;
Oasis dont les eaux, par le temps asséchées,
Meurent en un filet dans nos larmes muettes.

Jason ou Lancelot, tous en quête nous sommes
De la toison d'or et du divin Calice ;
Nos rêves ensemencent le jardin des délices :
Les anges replient leurs ailes et deviennent des hommes. 

2003

 

 Vivre …

 Vivre …
C’est s’abreuver sans fin
A la source des roses ;

Vivre …
C’est nourrir notre faim
Des êtres et des choses. 

Né sur un nuage,
D’une étoile et du vent,
J’habite dans les orages
Qui déchirent les cieux ;

Je cours toujours devant,
La foudre au fond des yeux.
 
Vivre de commencements
Et de frissons ultimes …
Vivre, toujours amants
D’enlacements intimes … 

Mon cœur est un filet
Tendu d’un bout à l’autre
De l’univers gelé ;
L’amour est mon apôtre.

Vivre …
Couler avec le fleuve
Jusqu’à notre embouchure,
Et de tendresse neuve
Saupoudrer nos blessures.

Etre coucher de soleil,
Et son miel pour l’abeille.

Je passe mon âge à vivre
Comme d’autres à mourir ;
Le Monde est un grand livre
Que le temps m’offre à lire. 

Vivre …
C’est retenir ta main
Quand tu dis « à demain » ;
 
Vivre …
C’est être ce marin
Qui vogue entre tes reins, 

Avant de s’abîmer
Aux vagues parfumées
Du ressac de tes seins.

 2003

    

Je crois...

Je crois, sans aucun doute, l'amour vient de la mer
Et c'est pourquoi ma route croise toujours les eaux
Qui vont pour s'y jeter, chassant les rêves amers
Qui meurent et se défont au contact des rouleaux...

Je crois les algues bleues que dit ta bouche tendre
Je crois le sable blond qui frémit de t'attendre
Au souffle chaud du vent, et le ressac des heures
Qui déroule ma mémoire sur le pont de ton cœur.

Je crois ton rêve humide qui brûle sur ma peau,
Le chant de ton plaisir, psalmodie érotique...
Je sais tes reins houleux qui appellent l'impôt
De ma mort récurrente dans l'aube frénétique.

Quand tu vibres de moi et que je bats en toi,
Quand le monde aux abois s'enferme dans son Moi,
Quand la Lune patiente s'alanguit sur les toits,
Que tu me dis " je t'aime " ... Eh bien moi, je te crois.

Je crois sans aucun doute au Paradis perdu ;
Je crois à l'Atlantide au fond de l'océan ;
Je crois en l'écho double des serments éperdus
Échangés sans rien dire par les yeux des amants…

8 mai 2002 

 

Et si... 

Et si notre âge était de braises et non de cendres ?
Si le jour se levait plutôt que de descendre ?
Et si l'amour mieux que les ans scandait le temps ?
Et si j'aimais plus que jamais, comme un printemps ?

Et si tu étais celle que j'aime depuis longtemps,
Sans le savoir, sans le vouloir et sans espoir ,
Celle que cherchait mon pauvre cœur sous l'éteignoir
Dans les silences du vacarme du vide ambiant ?

Si les chemins des lendemains pouvaient chanter
Si leur chanson pouvaient monter en paradis
Si ma mémoire pouvait cesser d'être hantée
Et si mes jours pouvaient cesser d'être maudits …

Cela serait demain si, mon cœur à deux mains,
Je jetais ma vieille peau, me mettant en chemin,
Je quittais ma maison et que ton vent m'emporte
Aux lisières de ta vie pour cogner à ta porte.

25 avril 2002

 

© Jean-Marin Serre

Écrire à l'auteur : Upland@wanadoo.fr

 


 

Retour Portail