Olivier Woomacjam

      PROSE POETIQUE  d'un Jeune Homme Halluciné 
                                                             
                                                                        (âmes sensibles s'abstenir ! Merci)

 

                                                                        L'ECORCHE VIF

  Dépouillé de tes sept protections, toute ta chair pleure d’âcres sécrétions. 
Jaillissent milles eaux de tes brûlantes plaies. Pendu à un arbre et séchant, ton corps rougeoyant, saisi par l’air vif, laisse toujours couler de suintantes laves. Tes fines résines à peine séchées, effleurées par la brise, s’envolent en tournoyant vers le ciel. Infimes membranes pulvérisées, fragiles et palpitantes ailes de papillon, ne retombent jamais. Tes pauvres lamelles de papier cristal, irisées par le soleil, projetées par les vents, volent et tournoient dans les airs, s’éparpillant dans un ballet de cendres multicolores, s’évanouissant dans les vents. A jamais effeuillé, malgré l’effort de la grande Nature à te cicatriser, tu es condamné, comme un Sisyphe, bel incisé. Tes roses entailles, jadis fraîches coupures du matin sur la fleur de ta chair entamée, ne seront plus que plaies béantes, l’obscurité venue. Quand la vermine nocturne ouvrira tes os jusqu’à ronger ta moelle, alors, donne un dernier rictus cynique à la mère nature, je t’en prie, ne lui dit pas merci.
(c) Olivier Woomacjam http://www.phobiques.com


                                                                            MA MÛRE

 

Fruit de mes épineuses pousses, parvenues à la cueillante maturité, tu es ma mûre adorée. Il  s’était ouvert une baie profonde en moi sous la bêche d’un jardinier, un déchirement de la chair à l’écorce, d’où s’écoulaient ma sève, mon sang. Tu es témoin de l’épanchement de mes résineuses blessures. Tu as jaillis sous l’ardent soleil qui avait réchauffé la terre de mes racines et fait pousser mes bras, t’offrant un support nourricier : ma mûre, je suis ta ronce. Lorsque le bec d’un oiseau viendra te ravir ou que la trompe d’un insecte te piquera, tu éjaculeras ton rouge élixir délicieusement  fruité. Je sentirai jouir mes plus profondes racines en un magnifique orgasme dont les spasmes monteront  faire vibrer toutes mes feuilles, irradier mes épines de bonheur, jusqu’à détendre en de divines secousses mes extrémités tentaculaires. J’attendrai que tu partes mon fruit d’amour pour te donner encore de mes dernières gouttes de sève. Courbée, épuisée par ma fatale blessure, je pourrais me plier à terre humblement dans un dernier fléchissement. Ultime reconnaissance à la vie de mon jardin sauvage, baignant dans l’ivresse des suaves parfums, des sucs et des sueurs exhalées sous le soleil torride. Déjà la fraîche brise annonce la nuit. Le soleil reviendra demain, je ne serai plus là.        (c) Olivier Woomacjam http://www.phobiques.com                 

 

 

 Bruits silencieux

 

La fenêtre entrouverte, j’entendais les bruits qui enveloppaient ma solitude.
Au loin, des milliers d’autos, toujours les mêmes, sur le même autoroute de l’éternel retour des vacances, déroulaient inlassablement le ruban asphalté dans une perpétuelle vibration.
Plus loin, des avions décollaient, écrasaient l’air, et s’en allaient en laissant mourir leur brutal effort dans l’abîme des bruits.
Le silence était devenu ces longs et lointains grincements mécaniques qui s’oubliaient par habitude. D’autres bruits étouffés, plus familiers encore, peuplaient le silence et s’évanouissaient... j’entendais les longs aboiements des chiens attachés par leurs chaînes aux murs des fermes alentours, le bruit sourd des épais volets en bois poussés par le vent sur leurs gonds et qui conféraient aux maisons, l’absence, la nuit ou le mystère.
Plus bas, sous la tonnelle de glycines aux effluves odorantes, accrochés au mur de pierre, des vers luisants offraient avec ferveur à ces dames leurs ventres bombés fluorescents mais éphémères, face aux scintillements de millions d’étoiles accrochées à la soie noire de la voûte céleste. L’éternelle myriade vibrait comme des danseuses à l’agonie dans un ballet nocturne. La gigantesque voie lactée m’entraînait aux confins de la galaxie. Mortes ou vivantes, faibles ou rayonnantes, ces étoiles m’aspiraient toujours plus loin vers l’infini. Je voguais dans le ciel comme un marin assoiffé de large, un chercheur d’éternité. Ma tête reposant sur mon bras, je scrutais le vrai monde du silence. Petits êtres étions-nous, tête en bas sur notre humble planète, retenus par une lente et incessante rotation. Une force tranquille à laquelle nous ne pouvions qu’être passifs. L’immense extension originelle se perdait aux confins de l’univers en un chaos d’éclatements, de chocs, et d’évanouissements, provoquant des puits d’aspiration vers d’autres univers, « trous noirs » insondables où toute physique quantique était possible. J’étais perdu comme un marin sur sa coque de noix, attiré inexorablement dans les tourbillons du golf Stream, relâchant tout effort de vaincre la puissante nature. De supercordes s’y déroulaient, pour descendre dans de nouvelles oubliettes.
C’était une nuit d’août,  j’écoutais le bruissement du vent dans les feuilles du cerisier qui avait offert tous ses fruits aux oiseaux. Dans l’une des plus hautes branches, un nid de tourterelles  s ‘agaçait en claquements d’ailes au passage d’un chat sauvage.
J’ouvrais plus grand les volets pour mieux entendre les vibrations nocturnes, et remplir d’air frais tout mon corps, j’essuyais mon visage d’un linge mouillé, je frottais longuement mes yeux sous la paume de mes mains. Puis je m’enveloppais dans des draps frais et je posais ma joue sur celle toute moelleuse de l’oreiller dans un ravissement de fraîcheur et de repos.

                      (c) Olivier Woomacjam http://www.phobiques.com

 

Soleil blanc

 Perception transformée par le prisme de la phobie ,sensations suffocantes, visions hallucinantes, tout mon être voulait fuir, terrassé par le soleil blanc. Je ne trouvais de repos que dans la rêverie et les états hypnotiques. La peur et la fuite étaient mes hôtes imposés devenus mes maîtres. Je ne pouvais vivre autrement que parasité par des hantises. J’étouffais, paralysé, mon esprit compressé dans l’étau de la peur. Tout mon être était aspiré par le vide. Il me semblait descendre en tournoyant dans un puits sans fond. J’avais peur, je me sentais seul, perdu, abandonné. J'errais paumé dans un monde de silence. Je m’étais égaré, quelque part, dans un univers sans limites à l’effroi, glacé, vide et vertigineux qui se rétrécissait de façon élastique en un espace confiné. Ainsi je passai des étendues blanches et gelées de l’Arctique où se reflète une lueur de lune, à une étroite pièce aux murs blancs et brillants où se réfléchie l’aveuglante lumière d’un énorme néon blanc. Je n’oublierai jamais cette immense et grésillante lumière de mon enfance, tel un phare de prison ou une lumière aveuglante se réfléchissant sur des murs laqués blancs d’hôpital, qui m’irradiait, me traquait, me glaçait et me volait la belle intimité d’un coin d’ombre avec mon être.

 

(c) Olivier Woomacjam http://www.phobiques.com

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