LA NUIT Je suis là, percevant les élans de la nuit, Elle qui n'est point seule et ne connaît l'ennui, On voit tout son éclat quand la lune l'éclaire, Dès que brille l'étoile en son ventre stellaire. Elle dort tout le jour, vous l'aurez deviné, Dans un lit doux et clair sans nous montrer son nez. Je la laisse bercer ma fatigue, ma crainte; Oui, quand parait la nuit, la clarté s'est éteinte. On croirait ce moment endormi sous les cieux; Bien sur, l'obscurité a le souffle audacieux Et sa vie bat si fort même au cour de l'opaque. Chers ténèbres obscurs, comme flotte une barque, Reposant sous la voûte, encre noire insomniaque, J'entends battre les cours de ce soir ennuyeux.
SOUVENIRS D'AUTOMNE
J'AI VOULU PARTIR
Se sont fanées les fleurs et j'ai voulu partir, Déjà l'été indien me faisait pressentir Qu'il valait mieux quitter; j'ai marché vers la porte. Aurais-je dû rester la jonquille étant morte?
J'ai bien enfoui la clef dans un buisson de houx Et cela sans regret car le laurier jaloux Dormait depuis deux jours, tout proche des boutures Du géranium couché dans les combles obscures. J'étais sur le perron, un pied dans l'escalier, Le deuxième hésitant à quitter le pallier, Le lilas de l'été enlisé dans l'argile Restait indifférent à la scène tranquille. Qu'importait les raisons car déjà je partais; Il suffisait d'un pas, cette fois j'y étais. Jamais plus se faner dans mes mains le pétale Ni le voir engourdi par la neige hivernale. Ô belle hémérocalle apeurée dans mon champ, Je ne veux plus souffrir du frimas si méchant Assassinant ton cœur puis meurtrissant tes teintes Et je regrette aussi l'odeur de mes jacinthes. Violette sauvage, as-tu voulu mourir? Je ne vois plus du tout ton feuillage s'offrir À l'iris pétillant de mon regard sensible, Ton squelette est ici en ce boisé paisible. Je vous écris d'auprès du foyer, en sursis. Nul n'est point éternellement à la merci Du temps cruel, intolérant et inflexible, L'hiver aura sa fin et tout reste
possible. Les jours de mon enfance
Aux trop chaudes journées des mois de mon enfance, Je courrais au ruisseau chantant, près du boisé. Aussitôt dénudée, en toute indifférence, Je goûtais ce plaisir qui savait me griser.
Et d'un galet à l'autre, en petites enjambées, Je goûtais la chaleur de mon jeune horizon, Le soleil asséchait les gouttes dérobées Au ru rafraîchissant de la belle saison. Puis venait le repos à l'ombre du pommier Je glissais dans un rêve écoutant le fermier Qui coupait le foin d'août à l'agréable odeur. Quelle douce chaleur je garde de l'enfance ! J'emplissais mon panier des joies de l'existence Et j'y puise aujourd'hui encor de sa fraîcheur.
J'allais pour m'endormir jusqu'à la baie ouverte Pour les voir s'amuser sur la voûte des cieux. Brillantes par millions et chacune déserte Tous ces mignons bougeoirs émerveillaient mes yeux.
Et un nouveau décor s'est ouvert sur le soir. Le ciel a conservé son éclatant silence Mais l'étoile n'est plus le lumignon du noir. Il suffit d'un effort puis de fermer la porte Sur les pièces vidées quand le tison est froid. Il suffit d'un adieu pour laisser l'ombre morte, Qui donc pourrait douter d'un ciel au bout du doigt ? La marmaille en voiture… il faut tourner les pages. L'ennui est sur les murs quand partent les tableaux, L'échelle du grenier fait de rondins sauvages Ne pointait plus Véga. À jamais tout est clos. M'éloignant de la mer et de ma maison grise Du pommier où j'allais pour y bercer mon cœur Et du foin qui sent bon, j'ai fermé ma valise Sur ces premiers émois pour m'assoupir ailleurs. Engourdie de sommeil la cité d'or scintille Par delà le grand pont qui mène à Montréal, Je ne saisissais pas que tout ce qui pétille, Qui brille ou qui endort ne peut être une étoile. A L'OMBRE DU MOULIN |
À travers les courants et les nombreux récifs
De la farouche mer, se faufile la chaîne
D'un récit au sang clair. Retenus captifs,
Les yeux des flots gourmands ont retenu la scène.
La mort toujours à bord, l'esquif tangue et gémit
Sous le poids des horreurs, le morbus se propage;
Les marins épargnés par cette épidémie
Conduiront à bon port le restant d'équipage.
Pour avoir survécu par quelque étrange hasard
Les premiers habitants établissent leur gîte
Sur les bords du fleuve. Si la neige et blizzards
Gèlent l'extérieur, dans l'âtre un feu crépite.
Ce n'est pas Caboto, ni Cartier, son suivant
Ni même les Vikings qui en furent la souche;
Il fallut au pays tous les sanglots du vent,
L'ardeur des habitants, pour qu'un jour, il accouche.
Mais au cœur de ces gens vêtus de pauvreté
Il s'y trouvait toujours un soutien, une force.
Aucun de ces héros n'aurait pu regretter
Car l'espoir faisait d'eux ce qu'est l'arbre et l'écorce.
Les sillons de la terre ensemencés de grains
Ont formé un levain faisant lever la pâte;
Le blé de ses champs a nourri de ses mains
Les douzaines d'enfants qui sont nés à la hâte.
C'est ainsi qu'est formé le drapeau canadien;
L'un français, l'autre anglais, la lutte est sans clémence,
Attaquant les tribus, décimant les indiens
On a vu s'établir une Nouvelle France.
La devise aussitôt devient "Je me souviens…
Que je suis né dessous le lys de la France
Mais qu'aussi j'ai grandi sous la rose carmin"
Et nos jours ont fleuri au milieu des nuances.
Pour construire un pays, il faut joindre les mains
Les remplir de courage, disperser les semailles.
Dans le nid des amants, jailliront des demains
Qui viendront recouvrir le cri de leurs entrailles.
Cimetières, vos morts ont forgé mon pays
En travaillant son sol pour chercher la richesse.
Ils auraient bien voulu enterrer les fusils
Pour que paraisse autour un monde sans détresse.
Mars 2003
HORIZON
CHAMPÊTRE
Tout au bout du chemin, une simple chaumière
Est si bien camouflée qu'on ne peut l'entrevoir
À moins d'être guidé par la douce
lumière
Qui perce entre les pins à l'approche du soir.
Tranquillement perchée sur sa haute colline
C'est son toit de chaume qui se pose au regard
Sous les traits dépouillés d'une intime
chaumine;
Ce rustique palais est logé à l'écart.
Pas même un paysan pour troubler cette scène,
Juste quelques moutons pour donner au tableau
Une touche de paix. Pourtant une âme humaine
Rôde sur ces vallons, écoutant les bouleaux.
Pour entendre l'écho de ce fidèle oracle
Suffit de l'entourer comme s'il était un cur
Et placer en sa main lui servant d'habitacle
La foi dans un demain où s'aimeront les
fleurs.
...........
HÂLO
La lueur du falot, furole suppliante,
Les ombres la suivront jusqu'au seuil du logis.
Tout le foin bottelé sur les buttes mouvantes
Frémissait tendrement sous le vent de la nuit.
Un bouquet bien lié de lierre sauvage
Débordait de son sac aux attaches de cuir
Et son livre usagé témoignait du voyage;
C'est pour mieux respirer qu'elle avait dû venir.
La montagne embrassait de ses vastes épaules
La violence du monde et son souffle malsain.
Elle offrait en passant le parfum qui nous frôle
Pour combler les désirs d'une vie en son sein.
Ce n'était qu'un relais, un retour à l'aurore
Pour lisser un instant tous ses traits soucieux
Mais elle en aspirait par chacune des pores
Le goût doux et sucré d'un envers radieux.
...........
BRASIER
C'était plus qu'un plaisir dont elle avait l'adresse
Elle sentait les attraits, en humait la saveur.
L'abri nu de son val la comblait de tendresse
Mais elle avait un lit un peu seul et rêveur.
La porte refermée, elle attisait la flamme
Et brûlait ses soupirs dans l'âtre du foyer
Croyant qu'il est aisé pour le cur qu'on
affame
De ne croire les vux qu'on essaie d'oublier.
Les paupières baissées pour questionner son
âme
Elle sentait bien qu'un feu lui brûlerait son corps
Sitôt que souffleraient les tisons qui enflamment.
Les rêves sont-ils fous de s'endormir encor?
Les mirages s'ennuient quand ils viennent à l'aube
Un songe fait la nuit, son ciel est illusion.
Les jours sont utopie si les étoiles y rôdent
On peut voir le soleil sans croire à
l'évasion.
Mars 2003
...........
Tête à Tête
Comme
il fait bon parfois quand le soir s'attarde
D'échanger longuement avec l'âtre et son feu.
Un mélange savant de deux bleus qui bavardent;
L'un ardoise du ciel, l'autre océan soyeux.
Je pose le regard sur tes vives paillettes
Et j'envie à ta flamme son miroir sémillant.
Au milieu des éclats d'étincelles muettes
Je vois que ton cur est resté pétillant.
À sentir ton ardeur et ta belle éloquence
Je retiens tes propos; ils sont aussi brûlants
Que ta braise embrasée en ce lieu de silence.
Il me tente soudain de toucher tes élans.
Puis j'entends la rumeur; ta chaleur va s'éteindre
Le froid étouffera chacun de tes tisons
J'aurai beau te souffler, essayer de t'étreindre
Tu seras engourdi, tes ailes en prison.
Tu es l'heure que j'aime et j'écoute ton âme
Mais celle qui résonne au milieu des lueurs
C'est la mienne agitée se mêlant à tes
flammes;
Et toujours un peu bleue est la flambée du cur.
février 2003
LE VASE
Sur
un coin de la table au verni effacé
Un
vieux vase dort, l'anse fêlée n'est plus
Tout
à fait solide mais la brèche n'est rien,
J'ai
scellé l'interstice et le bord ne fuit plus.
C'est
un pot fragile, son modèle est ancien
Et
sa forme élancée rappelle l'innocence
D'un
tableau sans bouquet ou d'un champ sans le sien,
Il
est rempli d'ennui, vidé de son essence.
D'une
terre d'argile en des mains façonné
Peu
à peu préparé pour recevoir les fleurs
Sauvages
des jardins que l'on a délaissés
De
même les pensées de toutes les couleurs.
Il
était le témoin tout autant de naissances
Que
de tristes chagrins ou même d'abandons
En
ses pores de glaise on retrouve l'absence
Tant
d'espoirs et d'aveux que
de touchants pardons
J'ai
pris dedans mes mains ce bout d'humanité
L'écoutant
me confier un peu de son histoire
Soudain
j'ai eu envie d'un peu d'infinité
D'une
larme, humecter ce drôle d'auditoire.
Mais
je l'ai reposé sur sa dentelle usée
Tout
près de la fenêtre où il aime flâner
Je
l'ai même garni de fleurs apprivoisées
Puis
j'ai tourné le dos, c'est assez de traîner!
Janvier 2003
J'ai marché sur son dos
À l'instant où la lune
Dépose son radeau
Sur l'immobile dune.
J'ai laissé sur sa peau
La trace d'une empreinte
Sur ce lisse repos
S'étale mon étreinte
Quand gémissait son corps
Mes pieds sur ses hanches
J'effleurais ses accords
En foulant l'herbe blanche
Son front, comme un étang
A des sillons tenaces
Les rameaux, s'arc-boutant
Sont tapissés de glace
J'ai marché sur son dos
Vous raconte ma plume
J'abaisse le rideau
C'était un soir de brume.
Janvier 2003
LE VASE
Sur un coin de la table au verni effacé
Un vieux vase dort, l'anse fêlée n'est plus
Tout à fait solide mais la brèche n'est rien,
J'ai scellé l'interstice et le bord ne fuit plus.
C'est un pot fragile, son modèle est ancien
Et sa forme élancée rappelle l'innocence
D'un tableau sans bouquet ou d'un champ sans le sien,
Il est rempli d'ennui, vidé de son essence.
D'une terre d'argile en des mains façonné
Peu à peu préparé pour recevoir les fleurs
Sauvages des jardins que l'on a délaissés
De même les pensées de toutes les couleurs.
Il était le témoin tout autant de naissances
Que de tristes chagrins ou même d'abandons
En ses pores de glaise on retrouve l'absence
Tant d'espoirs et d'aveux que de touchants pardons
J'ai pris dedans mes mains ce bout d'humanité
L'écoutant me confier un peu de son histoire
Soudain j'ai eu envie d'un peu d'infinité.
D'une larme, humecter ce drôle d'auditoire.
Mais je l'ai reposé sur sa dentelle usée
Tout près de la fenêtre où il aime
flâner
Je l'ai même garni de fleurs apprivoisées
Puis j'ai tourné le dos, c'est assez de traîner!
Janvier
2003
Saule dans la
tourmente
Le vent a tant soufflé
Qu'il a plié le saule.
La pluie l'a tourmenté,
Lui a brisé l'épaule.
Autour, l'ouragan frôle,
Sans être désolé,
La perte de contrôle,
Il va tout décimer.
Fixée au toit de tôle,
La gouttière a grincée,
Aucun chat n'y miaule,
La cour est désertée.
La nuit, longue à passer,
Gémissements et pleurs,
La nature, épuisée,
Fait face à la douleur.
Presque déraciné,
C'est un saule pleureur,
Qui vient d'être éventrer,
Qui sous mes yeux, se meurt.
Septembre 2002
Le
désert
La nuit, dans le désert, seule la lune brille
Sans nuage est le ciel, sans poussière d'étoile!
Sur les rocs les plus hauts, cette Belle scintille
D'un éclat radieux que ne couvre aucun voile
Dans le désert, la nuit, le silence est sans bruit
Et l'on sent les soupirs de ces lieux désertés.
C'est un bout d'univers où la vie se blottie
Dans des tiges charnues, au coeur des cactacées .
C'est d'un vide trop plein, un espace de rien,
Le trépas étendu, un néant nu, sableux .
La mort rôde partout, s'infiltre entre les grains...
La nuit, le désert est un abîme sans creux.
Sur cette aride mer où rôde la magie,
où flotte l'inconnu, où flâne le
mystère,
L'on se sent si petit, si frêle et démuni
Qu'on croit le paradis ailleurs que sur la terre !
L'inspiration
Pour composer rimes et vers
Bien sur il faut l'inspiration.
Tous les sujets de l'univers
Sont prisonniers de l'émotion.
Le souffle de cette chaleur
Recouvrant le cur de la muse
Utilise les mots du cur
Pour peindre un regard de Méduse.
La science n'est pas la passion
Et ses mots sont sans nulle grâce.
Le talent sans motivation
Est une verve peu loquace.
Et si la beauté d'Apollon
Fait de la plume une déesse,
En rêve, ce bel étalon
Inspire aux vers un peu d'ivresse.
Pour retrouver ces sensations
L'âme du luth, de la mandore
Se mêle à la respiration;
D'un soupir va naître l'aurore.
Dans l'haleine de cette bise
Dans le reflux de ce frisson
Sur ces instants je vaporise
Mon indécise inspiration.
Octobre 2002
Que
reste-il
Que reste-il des jours où la douce
lumière
Éclairait la nature et ses boisés prospères
Sur le même sentier, feuillages rougissants
Recouvrent les vallons où j'allais en flânant
Et parlant aux ruisseaux, assise en solitaire
Pour leur dire à jamais de ma berge de terre
Que d'un feu si brûlant je t'aimais pour toujours
Que mon cour et mon corps te voulaient tour à tour.
Et de tous nos amours cachés dans la bruyère
Sous les nuages flous de la voûte d'antan
Nos vieux corps à cette heure n'ont d'allure si
fière
Qu'en nos jeunes années, qu'en nos naïfs printemps
Mais nos lignes de mains en duo s'entrelacent
Du passé, reste encor de s'aimer tendrement.
Décembre
2002
Luce-Ïle : luce_ile@videotron.ca
©Lucille Lavoie
Mesure
d'audience et statistiques
Classement
des meilleurs sites, chat, sondage