Le Corps

 

 

JE SUIS POÈTE, JE PENSE


Je suis un poète je pense
Comme certains peintre ou sculpteur
J’aime les mots qui se balancent
À la cadence de mon cœur

Que ce soit joie ou violence
Acidité ou bien bonheur
Mes mots s’alignent puis ils dansent
S’épanouissent tels des fleurs

L’un après l’autre ils s’avancent
D’un pas agile ou bagarreur
Et parfois même ils s’élancent
D’un cri du corps d’un cri du cœur

Je les façonne avec aisance
Comme des pinceaux de couleur
Et redessine l’apparence
Sculptant les bruits et odeurs

Si des nuits de noires transes
Les mots crient de douleur
Je sais qu’au bout, l’espérance
Est la flamme de mon coeur

13/11/2003






IL Y AVAIT... LA MER

Il y avait .
Il y avait la mer tel un champ de coteaux
Qui criait des « j'espère » à chacun des hameaux
Il y avait le vent envoûtant les écumes
Il y avait le temps des voiliers dans la brume

Il y avait .
Il y avait la mer reflétant les étoiles
Des goélands dans l'air, comme de légers voiles
Et aussi des odeurs aux épices salines
Qui rentraient dans le cour volutes Messalines

Il y avait .
Il y avait la mer et quelques souvenirs
Heurtant comme on lacère en hurlant son plaisir
Les vagues brûlantes quelques larmes aussi
Traçant ce qui me hante au long de mes sourcils

Il y avait .
Il y avait la mer tel un champ de coteau
Laissant son goût amer en lignes sur ma peau
Puis son chant de « frémir » en lames qui s'élaguent
A l'épine porphyre en mon cour terrain vague

Il y avait .
Il y avait la mer et mon bonheur parti
La marque de son fer sur mon poing qui maudit
L'infinie tristesse et son drapeau rubis
Étalés là sur l'eau en ce début de nuit

Il y avait .
Il y avait la mer ...

03/11/2003

 

 

S’AVANCER

S’avancer dans les ans en cherchant son chemin.
Chaque jour s’égrenant avant d’en voir la fin
Le regard aux aguets et la main qui ne touche
Que le bord des regrets qui dans l’aube s’accouche

S’avancer sans pouvoir surprendre le passé
Et à coup de mouchoir se savoir oublié
Scruter dans le ciel pour avoir la réponse
À ces jours de fiel qui les espoirs défoncent

S’avancer le pas sûr dans d’aveugles instants
Tout droit vers l’âpre mur où s’essouffle le vent
Où gisent les destins déjà veufs dans le jour
Où coule le chagrin en fleuve sans retour

S’avancer et savoir ne pouvoir infléchir
Le rebord du trottoir de son morne avenir
Mais aussi que le temps ne relâche ses griffes
Que sous la faux sans dent qui de la vie biffe

S’avancer sans traîner mais espérant toujours
Un moment de clarté où pointera le jour
Celui où sans contrainte et la lippe joyeuse
L’amour en complainte chantera sa berceuse

S’avancer sans se taire éveillant les regards
Mains grandes ouvertes pour cueillir au hasard
Un mot qui encourage à poursuivre la route
Un sourire au passage ensablant tous les doutes

S’avancer encore et toujours …

30/06/2003

 

LA MAISON SOLITAIRE

 

Chuuuuut !

 

Écoutez ce silence

Comme une délivrance

Une fin de romance

Où seul le passé danse

 

Pas un bruit et pourtant

Chaque objet ici crie

Tel souvenir vivant

D’un antan qu’il délie

 

Chuuuuut !

 

Écoutez la quiétude

De ce lieu solitude

Sans plus de servitude

Que sourde lassitude

 

Pas un seul mouvement

Mais l’histoire frissonne

Dans les vieux rideaux blancs

Dans l’étui d’un trombone

 

Chuuuuut !

 

Écoutez-là se taire

La maison centenaire

Comme après une guerre

Tel un clos cimetière

 

Immobile tango

De reliques anciennes

Avalant les échos

Que les vitres retiennent

 

Chuuuuut !

 

 

 


LE TEMPS D’UN SOIR



Une ligne blanche griffe le ciel pervenche
Rature sur la toile d’une nuit d’été
Quelques mouettes crient en l’air et puis se penchent
Cherchant l’éclair d’argent des poissons à manger

Le vent tourbillonne, balaye les docks gris
Pousse les papiers et détritus au lointain
Propriétaire des lieux avec les souris
Jusqu’à l’envahissement de tous les matins

La brume monte de l’eau en souples rideaux
Nappe blanchâtre sur le béton et l’acier
Estompe les grues et les coques de bateaux
Avale le bruit des chaînes comme un tombeau

La nuit est installée sur l’eau et sur les quais
Dans l’attente sourde des rayons du soleil
Qui à l’aube trouerons le brouillard épais
Pour étaler sur ciel et mer leurs tons vermeils

Cette nuit est tranquille dans ce port marin
Telle une trêve pour lendemains sans destins
Comme si la vie n’y trouvait pas son chemin
Le temps d’un soir dans l’odeur lourde des embruns




AU PARVIS SAINT-FÉLICIEN

Il vendait des mimosas
Des glycines et des dahlias
En chantant des airs anciens
Au parvis Saint-Félicien

Le premier, il était là
Mettait son étal à plat
Sous le regard de son chien
Au parvis Saint-Félicien

Toujours riant aux éclats
Aux bons mots de ci, de là
Il serrait toutes les mains
Au parvis Saint-Félicien

Et le vent n’empêchait pas
Sa charrette d’être là
Ce monde était le sien
Au parvis Saint-Félicien

Mais un promoteur fada
Changea le parvis en croix
Carrefour des assassins
Au parvis Saint-Félicien

Alors depuis ce jour là
Plus de glycines et dahlias
Plus de charrette ni chien
Au parvis Saint-Félicien

Et le vendeur de lilas
Il s’est éteint ce jour là
Les bras en croix, de chagrin
Au parvis Saint-Félicien

 


SILENCIEUX SAMOURAÏ

Tous à la course dans le ciel nouveau
l comme seul gardian
Voici venir les nues en noirs chevaux
Dans l’aurore qui rosit au levant

Cavalcade sombre et moutonnant
Ils sautent et ondulent peignant la voûte
D’anthracite stridulé d’éclairs blancs
Troupeau traçant en écumant sa route

Ils voilent la face rouge de l’astre
L’enrobant dans un conopée de deuil 
Grondant à la chaleur iconoclaste
Qui cherche à les percer de son orgueil

Guerriers funèbres aux épées arythmiques
Face au soleil, silencieux samouraï
Vainqueur dans les cieux aux flammes magiques
Des nuées hurlantes aux sombres camails

Quand d’un seul geste, il les repousse au loin
Ils se diluent en pleurant l’infortune
De se voir une fois de plus disjoints
Chassés comme vent emporte la plume

 




L’OMBRE QUI FRÉMIT

Dans le fond de la pièce
Une ombre frémit
Assise sur ses fesses
Au milieu des débris

Loin de la fenêtre
Loin des lueurs
Pleurant d’encore être
Pleurant d’avoir peur

Cheveux crasseux
Mains noires
Priant son dieu
Qu’il fasse noir

Illuminée seulement
Par le bombardement
Les yeux glacés
Par l’effroi vitrifié

Dans le fond de la pièce
D’un dernier bâtiment
Une ombre frémit
Au milieu des débris

Elle ne se savait
Du bon ou du mauvais côté
Tout ce qu’elle voyait
C’est le nombre des tués

Serais-ce la dernière lueur
Le dernier cri ?
Enfin, arrêter d’avoir peur
Un peu de répit !

Un bruit plus fort
La maison se déchire
S’éventre sans effort
Sous le souffle qui l’aspire

Une ombre frémit
Au milieu des débris
Pourquoi dois-je mourir ?
Fut son dernier soupir.

 

CHRONIQUE D’ UN TRÉPAS


Ils sont alignés
Là, contre le mur
Comme des fusillés
Sans aucun futur

Ils sont tout noir
Jusque dans leurs yeux
Sans vie sans espoir
À la face de Dieu

D’autres passent devant
Disent un mot ou deux
Puis partent se courbant
Tel de petits vieux

C’est jour de départ
Pas un accident
Rien dû au hasard
Un désistement

Un mort déjà absent
Du temps de sa vie
Croyant rien avoir devant
N’être que vétille

Ils sont pourtant là
Parents et amis
Ignorants de ses jours las
Pour lui, bien finis

Tout le monde est parti
Sauf les fossoyeurs
Tous habillés de gris
Sifflotant en cœurs




IL NE MARCHERA PLUS LE LONG DES QUAIS BRUMEUX

Il ne marchera plus le long des quais brumeux
Le front bas et têtu, il a rejoint le bleu
Encore ce matin tirant sur la grand voile
On ne le voyait pas rejoindre les étoiles

Caractère anguleux à la rixe facile
Il était ténébreux, l’amitié difficile
Marin au cœur de pierre, isolé tel un phare
C’était un gars trop fier, une âme qui s’égare

Il ne marchera plus le long des quais brumeux
Toujours de bleu vêtu, le fond de l’œil hargneux
Quand il voulait parler, personne pour l’entendre
Alors il est parti laissant la mer le prendre

Il était renfermé mais promenait la clé
Mais il c’est suicidé parce qu’on l’a oublié
C’était un gars banal qui vivait un enfer
Et pas un seul fanal pour libérer ses fers

Il ne marchera plus le long des quais brumeux
Un homme s’est enfui il a rejoint le bleu
Peut-être autour de vous une âme se démène
Ça pourrait être vous acculé dans vos peines

12/05/2003




S’ARRONDIR

Revoir ces yeux baissés tout au long du chemin
Leurs lueurs assassinées dans le sel marin
Et savoir que l’attente ne changera rien
Que la main absente ne sera plus lien

Aussi fermer les yeux pour ne plus rien savoir
Cracher vers les cieux pour ne se sentir pleuvoir
Éclipser ses bleus pour se peindre de noir
Macérer ses aveux de ne plus rien vouloir

Vouloir le mot fin sans oser venir le prendre
Reprocher au destin de ne rien nous apprendre
Et en photo-souvenirs à genoux se rendre
Au lit où l’avenir n’est même plus à vendre

Puis
S’arrondir
Pour oublier
Un instant
Seul 

 

 

RESTE JUSTE PARFOIS LE VENT

Elle attend depuis si longtemps
Qu’elle semble dans le marbre sculptée
Assise roide sur le banc
Guettant l’impossible arrivée

Chaque jour à l’aube elle est là
Les yeux fixés sur l’horizon
Si à tous bruits son cœur rebat
Tout silence tue l’illusion

Chaque soir l’a voit repartir
Un peu plus courbée chaque fois
Pliée au labour du languir
L’¦il bouffi d’attente aboie

Elle attend depuis si longtemps
Que cela semble éternité
Sa silhouette sur le banc
Est comme un univers figé

Chaque journée n’est que patience
Au teint blême d’une oraison
Celle d’une lettre d’absence
Au nom de guerre déraison

Chaque nuit n’est que fosse noire
Où ses poings crochent dans le vide
À la recherche d’illusoires
Lueurs à ses demains avides

Elle attend depuis si longtemps
Que plus personne ne la voit
Reste juste parfois le vent
Pour la consoler dans ses bras



OÙ EST PASSÉE CETTE OMBRE ?

Où est l’ombre de l’arbre
Sommeillant ma maison
Sous ses feuilles cinabres
Quand mourrait la saison

Son cocon si douillet
Aux chansons friselis
Et où se dépouillaient
Les années sans roulis

D’autres ans ont suffis
Pour effacer les traces
De ce tronc aguerri
Aux ciels gris qui menacent

La maison semble seule
Comme nue et sans robe
Retranchée, un peu veule
Sans feuilles qui l’enrobent

Orpheline de l’arbre
Qui couvait sa toiture
Avant qu’on ne le sabre
De la mère nature

Où est passée cette ombre
Caressant la tristesse
Où est cet arbre sombre
Qui aimait ma jeunesse ?

© Luc Rose                                 Tous droits réservés

 

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