Jean-Marie Audrain
Mieux vaut sourd que jamais
1. LA RENCONTRE HISTORIQUE
Mesdames et messieurs,
D'un côté, les Royalistes, venant de la rue de Varenne, formaient un
cortège qui avait quelque chose de funèbre. De l'autre, les Républicains, qui
arrivaient de la Bastille marchaient à présent sur la Petite Couronne. Quand les deux têtes de file se sont trouvées nez à nez, j'ai bien cru
qu'elles allaient se faire une grosse tête. Le Républicain hurlait rouge comme
un coq :"Vive la République", et le Royaliste criait à tue-tête
:" Vive le Roi"! -C'est une histoire qui n'a ni queue ni tête- 2. DU BLANC AU MARCHÉ NOIR Souvent, je regrette l'époque où j'étais camelot. Je vendais alors un
produit sans pareil, fruit de mon imagination créatrice et de ma fibre
mercantile; je l'avais baptisé HOP. Pourquoi HOP ? me direz-vous ? Parce que là
où il y a une tâche tenace, frottez trois seconde avec mon produit et hop!, il
n'y a plus de tache, comme par enchantement. Vous voyez qu'il porte bien son nom
mon produit, non ? Mon premier client s'appelait Jean-Paul SARTRE. Il était venu me voir
pour une histoire de mains sales, car on lui avait parlé de moi à huis clos.
Mais comme il prétendait que HOP lui donnait la nausée, on a eu des mots, il a
pris la mouche et je n'ai plus jamais entendu parler de ce monsieur. Toujours à mes débuts, je suis allé à Lourdes pour proposer mon
produit miracle au doyen de la basilique. Celui-ci m'a répondu : mon pauvre
monsieur, même avec votre produit miracle, vous n'arriverez jamais à ôter la
tache originelle à nos pèlerins !. C'est alors que la Mafia a voulu me sponsoriser en échange du
blanchissement de l¹argent de la drogue. Bien sûr, j'ai refusé, car ensuite
je ne pouvais compter sur mon produit pour me blanchir ni la conscience ni le
casier judiciaire. Devant travailler sans sponsor et sans filet, il m'a fallu me montrer très
convaincant afin de vendre mon produit à prix d'or. Je devais vendre du blanc
sur des marchés... noirs de monde. Après avoir rassemblé autour de mon stand
un petit troupeau de badauds, j'ôtais devant eux mon maillot de corps, mon
unique tenue de travail, et je l'enduisais copieusement d'encre de chine, de
ketchup, de cambouis, de café, de sang, de brou de noix, et les passants se
plaisaient à y rajouter ce qu'ils avaient sous la main. Une fois, une badaude au profil généreusement rebondi s¹approcha de moi
pour me demander :"Votre produit, est-ce qu'il dégraisse ?". Ce même jour, un badaud enchaîna : Mon affaire prospérait tranquillement. Jusqu¹au jour où un badaud éleva
la voix au milieu de la foule : Dès qu'il se mit à débiter mon boniment, je me suis mis à hurler à
tue tête: 3. LE BLEU VOITROUGE Quand j'étais un tout jeune gardien de la Paix, mes collègues parlaient
souvent de ce type en KAWASAKI qui passait à toute vitesse aux feux rouges et
qu¹aucun coup de sifflet n¹arrêtait. 4. L'OREILLE D'UN SOURD Quand on dit " ça n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd ",
qu'entend-on par là ? Je dis "qu'entend-on" au sens figuré et au
sens propre, car, figurez vous, l'oreille d'un sourd est propre. Forcément
puisqu'il ne s'en sert pas (seuls les entendants se rincent l'oreille) ! Donc, qu'entend-on par l'oreille d'un sourd ? A coup sûr des acouphènes.
Car l'oreille d'un sourd est une véritable ruche où chaque cellule s'affaire
à bourdonner et à oeuvrer à la fabrication du cérumen, véritable travail de
fourmi pour produire ce miel d'oreille. Mais au prix de quel vacarme! Comme de bien entendu, par l'oreille d'un sourd, on entend des sifflements
variés et significatifs. Si l'oreille siffle une fois, c'est que l'eau bout.
Quand le facteur passe, elle sonne deux fois. Et si l'oreille siffle trois fois,
c'est que le train arrive, et il en passe sans cesse. Car l'oreille d'un sourd
est souvent en train de siffler. Avec tout ce bruit, pas moyen de faire entendre raison à un sourd. Car
chez le sourd, ce sont les oreilles qui résonnent. Dans un tel cas de figure, que laisse-t-on tomber dans l'oreille d'un
sourd ? Principalement, des confidences, motus et bouches cousues, des déclarations
à mi-mots, mais aussi des confessions. Discrétion et absolution garanties. Quand vous posez une question à un entendant, sa réponse est toujours l'écho
de votre question. Mais si vous laissez quelque chose tomber dans l'oreille d'un
sourd vous n'obtiendrez aucun écho. Car l'oreille d'un sourd est un gouffre
sans fond. Alors que chez un entendant "Ca rentre par une oreille et ça ressort
par l'autre" "(si l'entendant n'est pas lui aussi bouché), chez un
sourd, tout ce qui tombe dans une oreille ressemble à une bouteille à la mer lâchée
dans une piscine vide. Rien ne s'y gagne, tout s'y perd. C'est un vrai
labyrinthe à vous rendre marteau. Aussi à l'avenir, gardez-vous des paroles lancées en l'air, car on ne
sait jamais dans quel pavillon elles retombent. Ainsi, vous contribuerez à la
protection des espaces sourds. 5. ÉLEGIE POUR RENARD Il se faisait appeler FOX Il portait un chapeau mou Il portait ce feutre par tous temps Ses misères, ses soucis, comme d'autres les crient, Ses recueils se dégustent comme des mille feuilles. 6. L'AUTO - FAIRE - PART Mesdames et messieurs, Remarquez, quand on m'a laissé entendre 7. L'HISTOIRE DU CHAUVE SOURD C'est l'histoire d'un chauve qui avait les trompettes d'Eustache bien mal
embouchées. Il alla sans détour chez l'audio-prophètiste qui lui en mit plein
l'ouïe pour l'affubler d'une paire de contours. Mais entendre avec ça, c'était
une autre paire de manches. Comme son histoire ressemblait à une blague... le chauve sourd rit! P.S. : Alinéa explicatif pour les entendants: le coude est un petit tuyau
coudé en plastique situé entre l'embout intra-auriculaire et la tige creuse
montant vers la prothèse appelée "contour d'oreille". P.S. : Sur ma tombe écrivez :"Fermé pour inventaire". Le temps
que je compte mes os. 6. MA DEVISE : Mieux vaut sourd que jamais (Dicton anonyme du 1er siècle après l'abbé de l'Épée) Vieux mots sourds que j'aimais à mon ami sourd Marc Renard Note de
l'auteur : Ces monologues humoristiques, ou sketchs, mettent souvent en scène
la surdité. J'ai rencontré le mode des sourds grâce au jeunes de l¹INJS
(Institut national des jeunes Sourds) de Paris, puis à SERAC (Sourd Entendant
Recherche Action Communication) avant d¹en faire, hélas, l¹expérience
personnelle. Bien que né " entendant ", mes textes font référence
à la culture sourde et les allusions renvoient parfois à des situations ou des
termes spécifiques. Mieux vaut que le lecteur entendant ne s'en offusque pas et
se laisse glisser sur la suite du monologue.
-"Pour quel Roi braillez-vous donc comme ça"
demanda le Républicain, histoire de lui tenir tête.? Le Royaliste répliqua
aussitôt :
-"N'essayez pas de vous payer ma tête et ne remuez pas
la lame dans la plaie. Vous savez très bien que le Roi est mort."
-"Excusez-moi, je ne savais même pas qu'il était
malade. Mais alors, le Roi, ce n'est pas vous ?". Le sang montait à la tête
du Royaliste qui s'écrasa vu que le Républicain avait une tête de plus que
lui :
-"Ce n'est pas moi c'est Louis".
-"Si ce Louis dort, pourquoi criez-vous comme ça
?"
-"Pour rallier le Tiers État".
-"Mais l'État, c'est la République"!
-"L'État, c'est Moi a dit P'tit Louis".
-"Alors nous défilons pour la même chose".
Les deux criards finirent par s'entendre : il fallait manifester pour sauver l'État!
-"Manifestons pour l'État" s'écrièrent-ils comme
un seul homme.
-"Pour l'État Roi" proclama le Royaliste.
-"L'État Loi" répliqua le Républicain
-"État frère" risqua une voix dans la foule.
-"Et ta s¦ur " lui renvoya le Républicain. Ce qui
a eu pour effet de mettre le Royaliste dans tous ses états. Devant cet état de
fait, tous deux durent délibérer en tête à tête pour trancher. Pour quel État
fallait-il manifester ?
Finalement, craignant que le Royaliste s'entête, le Républicain proposa de
tourner autour de la place de la Concorde au nom de l'État tout court. Sitôt
dit, sitôt fait, un unique cortège se forma.
-"Prenez donc la tête" dit le Royaliste, laissant
échapper les premiers mots qui lui passaient par la tête. Dès le premier
tour, la tête du Royaliste commençait à ballotter.
-"Stoppons, la tête me tourne" ordonna-t-il tenant
sa tête de ses mains car il se sentait en échec.
-"Séparons nos troupes et rentrons dans notre fief. Le
nôtre est à la Courneuve. Et vous, en avez-vous un demanda le Républicain.
-"Nous avons Choisy-le-Roi."
-"Et pourquoi pas Bourg-la-Reine ?"
-"Parce qu'à Choisy, nous sommes sous la croisée de la
Pompadour, enfin du Carrefour. Avant de se séparer, je voudrais vous poser une
question qui me trotte dans la tête : Pourquoi avez-vous rasé la
Bastille?".
-"Pour faire (de) la place."
-"Et qu'avez-vous mis à la Place de la Bastille ?"
-"D'abord des barricades, puis des piquets de grève".
-"Avouez qu'ils auraient été mieux placés sur le
Champs de Mars ou sur les Champs Élysée, vos piquets ?"
-"Oh, vous savez, ils ne sont là que pour la clôture
de la manifestation".
-"Monsieur" dit le Royaliste" je voyais en
vous un sanguinaire, je m'étais laissé monter la tête, mais vous me l'avez
remise sur les épaules. Dans le fond, dans l'État actuel des choses, Royaliste
et Républicain, c'est bonnet blanc et blanc bonnet!".
Ils se saluèrent, le Royaliste en ôtant sa perruque poudrée et le Républicain
en se découvrant de sa coiffe phrygienne.
Chacun rentra chez lui tête basse en ne cessant de répéter "Dans quel État
j'erre, mais dans quel État j'erre..."
Bref, j'y étalais ensuite une noisette de ma crème miracle, je rinçais
abondamment dans une cuvette et HOP, le maillot ressortait aussi blanc qu¹au
premier jour.
Je lui répondis : "Ca c'est sûr qu'il dégraisse, mais laissez-moi vous
conseiller, dans votre cas, d¹en prendre deux tubes. A consommer sans modération".
"Si votre truc dégraisse, puis-je m¹en servir comme shampooing ?".
Je lui ai garanti qu'avec HOP, il n'aurait plus un cheveu gras. Aussi, à peine
le tube de HOP acheté, ce monsieur voulut faire un essai sur le champs et sa
chevelure remplaça mon maillot pour la démonstration suivante.
Le résultat prouva que je n'avais pas menti. Toutefois, devenu subitement
chauve, ce monsieur n'est pas resté fidèle à ma clientèle. La reconnaissance
est un honnête sentiment qui se perd, hélas! Malgré tout, le miracle
continuait, car dès que je ressortais mon maillot redevenu immaculé malgré l'état
immonde dans lequel je l'avais plongé, les billets de 200 francs jaillissaient
de toutes parts au-dessus de centaines de paires d'yeux médusés.
Il faut reconnaître que je vendais du miracle à bon marché : 50 centilitres
de miracle par petit billet!
" Monsieur, je vous ai vu moult fois détacher l'indétachable avec votre
crème HOP, et pourtant je ne crois toujours pas aux miracles; d'où cette
question que je vous pose tout de go : pouvez-vous m¹assurer que votre eau de
rinçage, d'où émane une étrange odeur, est bien absolument pure ?".
Je répondis du tac au tac : "Tout ce qu¹il y a de plus pure, mon cher
monsieur : Trichloréthylène pur, Eau de Javel pure et acétone pure."
Le badaud répliqua : "Je me disais bien qu'il devait y avoir un
truc..."
"Et vous l'avez découvert, lui répondis-je, Félicitations, vous avez
donc gagné..."
"J'ai gagné un tube de HOP ?" demanda fébrilement le malin badaud ?
"Bien mieux que cela" lui dis-je,
"Je vous offre tout mon lot et le stand en prime. Échangeons donc nos rôles
à présent, si vous le voulez bien."
"Au voleur, au voleur, sus à l'escroc, haro sur l¹empoisonneur...".
Aussitôt, la police arriva et embarqua le bonhomme et sa camelote.
"Nous le recherchions depuis 10 ans" m'apprit le commissaire,
"Sa tête était mise à prix. Vous allez toucher la récompense."
"Oh, vous savez, j'ai appelé par pur désintéressement" lui répondis-je.
Il rétorqua : "À votre regard franc et loyal, on voit tout de suite que
vous êtes blanc comme neige dans cette affaire!"
Pour moi, ce type devait être soit sourd soit daltonien, et même sûrement les
deux.
Je voulais en avoir le cœurs net.
Un jour, je l'ai surpris à l¹arrêt.
Par simple curiosité, je lui ai demandé, l'air de rien :
"Alors mon gars, on ne voit plus les feux rouges ? On n'entend plus le
sifflet du gendarme ? Monsieur serait-il daltonien ou sourd ?"
Le motard, répondit simplement, l¹air hébété : "Qui parle ?" en
enlevant ses lunettes de moto.
En dessous il portait des lunettes noires. C'est à ce moment-là que je me suis
aperçu qu'il avait une bécane blanche.
Aussitôt, je me suis confondu en excuses, lui avouant que son handicap, que je
ne pouvais pas deviner, m'avait induit en erreur
au point de m'apprêter à le soupçonner d'infractions volontaires.
Quand je suis devenu tout rouge de confusion, le motard démarra en trombes. À
l'instant même, machinalement, je l'ai sifflé à pleins poumons. En vain.
Finalement, je crois que je me suis fait avoir. Ce type-là était bel et bien
daltonien et sourd !
Une caverne d'Ali Baba encombrée d'un bric-à-brac ensablé de malentendus, de
mésententes et de ouï-dire mélangés à des
fossiles de hiatus, de laïus et d'ex-cursus.
Pour garder son image de marque
Et parce que, dans cette chienne de vie,
Il avait su creuser son trou.
De peur que le chapeau claque
Et que lui n'y entende que du bleu,
Et puis, avec son chapeau mou,
Il s'entendait bien, dit-on.
Mais peut-être portait-il du mou pour son chien
Car même dur de la feuille, Fox avait du chien
Avec son chapeau mou.
Pour protéger ses feuilles dessous,
Mais le galure n'aimait pas l'eau
Et quand il en avait ras le bol
Il dégorgeait de bord en bord
Et du coup le jus survolté
Coulait sans détour sur ses contours
Qui lui sifflaient à tue-oreilles.
Lui, sa surdité, il l'écrit.
La vie étant bien trop sourde
Pour la prendre au sérieux,
Il avait réuni des blagues en troupeau,
Pas une méchante mais toutes marrantes,
Et il les envoyait en tomes à ses potes
Des sourds qui lui revaudraient bien un pot
Et chacun de lui tirer son chapeau.
Si t'as pas d'oreille, tu les reçois à l'œil,
Si t'as pas d'oseille, mets ta main à la feuille
Et fais la preuve par Fox de ce paradoxe
Qu'il n'y a pas plus bavard
Qu'un sourd hilare
Qui ne veut rien entendre
Quand on lui dit d'attendre
Pour rire à oreille déployée
Que le prochain tome soit bouclé.
J'ai l'honneur de vous faire part de mon décès.
Oui, de mon propre décès.
Excusez-moi de vous prévenir après coup, mais étant sourd,
Je n'ai pas entendu ma dernière heure sonner.
Sinon, je vous en aurais averti de vive voix.
A vrai dire, je ne sais pas si j'aurais eu le courage
De vous l'avouer.
Je vous aurais peut-être dit :
"Bon , c'est pas tout, il faut que je parte",
Et comme partir, c'est mourir un peu,
Ca aurait déjà atténué l'effet de surprise.
Mais si je vous avais déclaré que je partais le premier,
Vous vous seriez dit : Il veut partir le premier pour que l'on dise
"Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers".
En plus, rien que l'idée de vous annoncer la nouvelle
Me rendait malade.
Même à présent, c'est la mort dans l'âme que je me résigne
A vous informer de ce dernier incident de parcours.
La vie a parfois ses petits imprévus.
D'où ce faire-part en retard.
Mais c'est bien la dernière fois que cela se produit,
Croix de bois, croix de fer...
Que j'avais déjà un pied dans la tombe,
Cela aurait dû mettre la puce à l'oreille,
Et me mettre vivement sur le pied de guerre.
Moi qui avais toujours vécu sur un pied d'égalité,
Il ne me restait qu'à vider mon bas de laine
Pour vivre ma dernière heure sur un grand pied.
Mais moi, je me suis dit : " Si le deuxième pied ne s'use pas Plus vite
que le premier, c'est pas demain la veille du jour Où on m'enterrera". Et
là j'avais raison. Car on m'a enterré Sur le champs, et sans témoin, dans la
plus stricte intimité,
Sans même me laisser le temps de rassembler mes esprits,
Sans tambour ni trompette, pour ne pas attirer l'attention Ni encombrer les
rues.
Et peut-être aussi à cause des vapeurs d'essence
Qui auraient incommodé mes poumons,
Eux aussi déjà bien encombrés.
C'est que je suis un mort fragile!
J'aspire à ce qu'on me ménage
Avant que je ne retourne en poussière!
Qu'on se le dise donc : je n'y suis plus
Ni pour vous
Ni pour personne.
Qu¹on ne me dérange donc plus.
J'en arrive, hélas, à mes derniers mots,
Car, n'étant plus, je ne devrais plus penser,
Ce qui s'annonce d'un ennui mortel ...
En fait, ces engins l'assourdissaient tellement qu'en voulant s'en arracher les
cheveux, il s'en arrachait les oreilles.
C'est ainsi qu'il cassa ses coudes, ce qui entraîna un épanchement de cérumen...
Il se dit alors : "Tiens, depuis que je suis sourd, je me suis assoupli;
avant je n'aurai jamais pu me mettre les coudes dans les oreilles".
D'ailleurs, c'est en portant sa main gauche à son coude gauche - ça, seul un
sourd peut le faire- qu'il s'aperçut que le contour n'était plus suspendu au
trou de l'embout. Même le trou avait disparu. Maladroit comme il l'était, il
avait perdu les deux, ce qui lui en bouchait un coin. Pensez donc, des trous
tout neufs! Et coudés en plus! Il retourna donc exposer le problème à l'audio-prophètiste.
Celui-ci s'étonna : "Comment pouvez-vous perdre des contours allumés?"
"C'est qu'il faisait nuit" répliqua l'autre.
-"Mais même la nuit les contours sifflent"!
-"Possible mais je ne peux plus les entendre si je les
perds".!
-"Alors je vais vous donner un bon tuyau..."
-"Plutôt deux et des solides..."
-"Pour ne plus être à court de contours, achetez m'en
deux paires! Et surtout, gardez en toujours une sous le coude!"
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