MAROUCHKA

 

Les peupliers

Un souffle insolite déhanche les cimes.
Il balaie langoureusement
quelques doucereuses pensées.
La buse s’en amuse,
et pique à tout vent tranchant, au gré des courants.
Les feuilles, quant à elles,
avouent un lancinant souvenir,
elles émanent des réminiscences enfouies.
C’est ainsi que les sphères d’autrefois
m’entament les viscères !
Illusion ? Mirage ?
Un être sorti de nulle part, se dévoile :
Une femme en foulard !
Ses yeux clos par une substance soporifique,
imagine en sa main, le bâton valser.
Elle m’invite à la méditation, à rien, au néant.
Les quelques frusques qui l’habillent,
des guenilles salles et trouées,
caressent son corps.
Elles contrastent sa créature étincelante !
Mais ! Elle s’est volatilisée !
Emportant avec elle,
cet instant magiquement créatif !

Restent deux peupliers qui oscillent
et qui me disent,
qui crient,
qui hurlent…

 

 

 
Une pêche miraculeuse

Mon premier regard incandescent feinta le détachement.
Il craignait pudiquement d’être sondé.
Mes joues s’habillaient d’un pourpre flamboyant,
une brève chaleur jaillissait dans ma poitrine en brasier.

Mon appétence trébucha sur quelques opaques doutes,
Et je m’acharnais, par des traces maladroites,
à délivrer les signes de mon ardente attirance.
Je catapultais des millions d’hameçons timides à l’eau,
afin d’investir la conquête que je sublimais.
Je devins chasseresse émue,
et ma pensée persistait dans ses déperditions.

Le fantasque poisson volage, plein de suspicion
vint effleurer mes appâts.
Il les trouva séduisants, mais aux risques d’être sorti de son eau,
il m’échappa :
Mon aquarium d’eau salée le rebuta.
A deux reprises,

je plongeai donc pour le rejoindre dans son élément, une eau agitée :
Une mer claire aux vagues emportées battait les rochers.
Et, malgré ma hargneuse détermination, il m’échappa à marrée haute.
Mais, dans une vague du hasard,
le fin gourmet accepta un troisième appât.
Je le saisis à marrée basse.

 

C’est ainsi que l’observant dans son aquarium, je saisis les secrets que cachaient ses écailles étincelantes :
Un être pétulant et attachant dans ses dogmes.
Saisissant son âme, je remis ce beau poisson dans les courants où je l’avais auparavant capturé.
Je plongeai à ses cotés :
Je découvris son fantastique univers.

Au gré des marrées, j’y rencontrais quelques crustacés quelques poissons volants, quelques coraux…

Et, j’ose m’avouer que je pourrais prendre le risque d’affronter quelques tempêtes, quelques marrées noires.
Rien que pour découvrir quelques îles de magnificence à ses cotés…

…Dans la crainte d’autres pécheresses
qui m’ôteraient l’habit de sirène qu’il a bien voulu m’allouer.


 Troublantes flammes

La candide lueur d’une cheminée s’allumant, dévoilait une somptueuse étreinte.
Dans la profondeur de leurs pupilles, deux âmes parfumées se contemplaient et s’enchérissaient d’une apaisante réciprocité.
Une main vibrante de ses intentions effleurait sa nuque dévouée. Consentante, elle pressa du bout de ses doigts, l’omoplate enivré.

Immobilisée par l’intensité jaillissant du creux de ses reins, elle fixait langoureusement les lèvres de son impérieux amant. Dans l’âtre, l’ardeur de la flambée crépitante illuminait des peaux sublimées, teintées de reflets ors-orangers. La danse des flammes léchant la matière affichait de troublantes coïncidences :
On aurait dit que l’humanité se fut inspirée du brasier pour s’aimer.

 

 



Fœtus


Dans l’antre rougeâtre de ma chrysalide confortable,
je me métamorphose nonchalamment.
Bercée par la chaleur tranquillisante
de l’opaque liquide amniotique,
je stagne, à l’étroit,
dans les entrailles d’une impatiente accoucheuse.

Son ventre craquelé, boursouflé, presque tuméfié,
espère abolir mon agréable stagnation.
Elle imagine, au sein de ma chair,
l’élite de ses aïeux irrespectueux.
Elle m’embourbe déjà de ses déficiences vitales.

En apesanteur, en suspension, vaporeux, et pourtant,
opprimée de ses fantômes, accablée de ses indigestes projets, je rêve secrètement,

que la suave lumière de la vie
m’accueille dans la plus authentique des libertés



Je suis

J’habite dans un vert vallon,
je suis un être un tantinet inexploré.
C’est l’infortune qui m’a menée dans le rein de mes collines.
Si je fus parfois la prise d’une obscure existence,
je me repose alors des tourments de jadis.

De la profondeur de mes mystères,
jaillit une fontaine de passion :
C’est une pluie d’humanité
qui s’écoule coule, tombe et retombe,
baignant un basalte de secret à peine immergé.
Et, si l’ardente lave
qui bouillonne quelque fois en mon sein,
fuse,
elle ruissèle souvent sans rumeur.
Ainsi, mon être modelé par la sève de la vie, me promène sur une évidence :

Je suis.





Murmures


Aujourd’hui, je boue !
L’implosion de mon âme indolente me rend maussade.
J’ai ri tout ce que j’étais censée chialer !

Dans l’indifférence d’autrui flegmatique,
je me harcèle !
Mon tourment, telle une vivace grimpante,
s’enracine dans les entrailles de mon ego dépouillé.
Il cherche, désespérément, dans ce monde de brute,
un souffle léger de suavité.
Et, je suis là, étendue sous un arbre.
Il me comprime de sa redoutable vigueur.

Mais, un oiseau chante ce soir !
Une cascade ruissèle
dans le silence du crépuscule qui tombe !
Une dernière larme dévale pianissimo,
la pente de ma joue.
Elle se loge, ensuite, derrière le lobe de mon oreille.
Elle s’étale,
meurt.

Un semblant de décrépitude a menacé mon esprit !
Mais la mélodie du souffle
qui fait murmurer les feuilles me parle,
Elle a l’éloquence perspicace :


Elle me chuchote la magnificence de goûter la vie !

 

Simplicité


Cheminant à petits pas
sur un chemin de ronde,
je hume l’air tranquille,
et flâne au gré de mes impressions.

Pour l’exclusivité d’un moment,
le temps d’un interminable instant,
je deviens un indigène envahit d’espaces infinis.

Le monde s’échappe
puis se fige,
pour laisser place
à une indicible sensation de paix.

De-ci, de-là,
à la manière d’un peintre pointilliste,
la nature s’est dotée
de multiples couleurs appétissantes.

Voici le printemps ! L’éclosion de la vie !
Aux senteurs fraîches et reposantes de la pelouse,
se mêlent
d’envoûtantes mélodies d’oiseaux épanouis.


C’est alors, que surgit,
tout là-haut, planant sur son royaume,
une impressionnante buse.
Ses ailes déployées dans l’immensité limpide d’un ciel sans nuage,
m’offre un imposant spectacle de magnificence.
Et tout ce qui émane de ce prodigieux animal fini par m’engloutir.
Par-là même, sa puissance dominant les courants d’air,
m’exhorte à éprouver toute la liberté qui en émane.

C’est à ce moment précis que je conçois la monumentale méprise,
celle qui m’avait détournée de toute cette véracité.
Les authentiques valeurs sont couchées
sur les courbes verdoyantes de ce paysage généreusement féminin.
C’est alors que la vallée étale toute sa symphonie, splendide de charmes
 à mes sens comblés d ‘authenticité.

Et, je me dis, ébahie,
que je préfère à l’ostentation célébrer la majestueuse simplicité de cette nature.




Ton immensurable fauteuil

Je te regarde
et tu es tortueusement vautrée
dans ton immensurable fauteuil.
Tu semble te languir !

Accablée par ton inéluctable décrépitude,
le naufrage de la vie,
t’a échouée dans ce mouroir,
nommé hospice.

Dans l’antre de ta chambre exiguë,
tu partages désormais
ta ridicule intimité,
avec une folâtre vieillarde.

Les hauts plafonds de ta maison d’antan,
aborde maintenant le sol,
comme pour mieux t’oppresser.

Anéantie par la lourdeur de tes délicats gestes,
par la douleur
de ta moelle qui se faisande,
tu assistes, impuissante,
au viol de tes sanctuaires,
autrefois impénétrables.

Ce matin, tu fus déshabillée
pour une inconfortable toilette,
pour un gant de marbre,
qui s’agitait dans la crainte de t’octroyer
la moindre des caresses.


Oh ! Mamie ! Fermes tes yeux !
Parce que tu te vois donner aujourd’hui,
ce que tu as autrefois refusé
au plus aimable de tes amants !

Oh ! Mamie !
Fermes tes yeux !
Parce que ton corps,
dans ta pudeur transmise et acquise
mérite de plus soyeuses intentions.

Tu fus ensuite
endimanchée
dans la plus odieuse des précipitations.
Puis, on te cala,
à nouveau,
dans cet immensurable fauteuil.

On te laissa,
belle, en bonne odeur,
à ne pas savoir quoi en faire !

Et pourtant, tu pardonnes !
Oui, tu pardonnes cette inhumaine torture !
Car ta sagesse sait ce que craignent ces gens :

Dans un proche avenir,
au glas de ton trépas,
ton immuable fauteuil restera.

Dans un proche avenir,
ces gens savent
que ce même fauteuil les attendra…

Alors, tu t’échappes
du monde de ces faux indifférents.
Tu fixes, par la fenêtre vasistas,
la légèreté de ces trois moineaux,
sautillant autour d’une flaque d’eau. 

Tu ne les avais jamais observés aussi passionnément !
Ca ne les empêchent pas,
comme toi,
d’avaler en toute fragilité,
quelques gorgées de bien-être
dans une insignifiante flaque oubliée par l’existence.
Oui ! Ton regard écarquillé s’ouvre à la vie !


Oh ! Mamie !
Ouvres tes yeux !
La nouvelle attention que tu portes sur le monde,
va faire jouir ton âme,
comme auparavant,
lorsque ton corps savourait ces inoubliables amants !





Petit autiste
 
Petit gars autiste, au regard vide d’inclination,
Pour un rien, tu hurles de colère,
Émiettes tous tes jouets dans la pièce,
Transformant les lieux en champs de guerre.

On me dit préjudiciable,
On te montre arrogant,
On prétend que c’est ton éducation désolante
Que mon laxisme t’emmène vers des troubles imminents.

Petit gars autiste, à la joyeuse exubérance,
Tous ces gens bien-pensants
Me dévisagent de leur outrance.
Si tu savais, mon fils, mon enfant !
 
Petit gars autiste, au sourire égaré,
Ce n’est pas moi qui suis préjudiciable,
Ce n’est pas toi qui es arrogant, mais ces gens bien pensants
Nous jugent coupables.
 
Petit gars autiste aux rires parfois vivaces,
Dans mes entrailles, tu baignais avec mes espérances.
Mais aujourd’hui,  je ne te vois croître que dans le tourment.
Qui serras-tu dans ta vie sans fortune ?

On ne sait pas qu’engendrer la pénitence,
C’est entrer dans la culpabilité de l’existence.
Et avec toute cette belle éloquence,
On ne dit pas combien je t’aime, dans ta différence.







Mirage cristallin


Un sourire gracieux
estime avec circonspection,
la trajectoire de ses jeux de massues.

Il jongle en lumière et sans lanterne,
s’éparpillant dans la vie,
multipliant ses jongleries.

Épicurien pour quelque samedi soir,
il se nourrit dans un cocon,
où quelques gens se murmurent l’Espérance.

Ces derniers s’apparentent à quelques créatures bienfaisantes :
avec l’espoir de refaire le globe,
avec l’illusion de la paix jaillissante…

Tel le fœtus baignant dans un confortable utérus,
il se réchauffe le cœur et le corps,
dans les douces paroles de quelques suaves égéries.
Il applaudit les communautés généreuses et désintéressées,
Car il médite sur le bien-être.

Pour lui, sans aucun doute,
le bonheur émane de l’autochtone et du « non à l’ostentation. »
L’ailleurs, plus criard, cette société qu’il pointe du doigt
lui semble encombrée de frivoles complications.

Et constatant cette foule d'amblyopes égarés,
il perçoit toute l’opulence qui se déploie en méprisant le dénuement.

Partout celui qui possède existe.
L’identité se compte et se spécule.
La valeur d’un individu se mesure à ce qu’il entasse.
L’Etre se monnaie et se licencie.

Qu’importe cette civilisation qui oblige aux stéréotypes,
puisqu’il les ignore.
Qu’importe ces emplois précaires qu’il ose, dit-on, refuser,
puisqu’il travaille l’amitié et la solidarité.
Qu’importe son salaire,
 puisqu’il ne se vend pas,
Qu’importe ce que fait autrui,
 puisqu’il estime et aime dans la plénitude du vertueux.
Qu’importe ce qu’on dit de lui,
puisqu’il est heureux.
 
Qu’importe,
puisque pour un instant et pour le moment,
il préfère vivre dans le mirage cristallin d’une humanité aux tiédeurs humaines.



Tu es de bien-être
dans une insignifiante flaque oubliée par l’existence.
Oui ! Ton regard écarquillé s’ouvre à la vie !


Oh ! Mamie !
Ouvres tes yeux !
La nouvelle attention que tu portes sur le monde,
va faire jouir ton âme,
comme auparavant,
lorsque ton corps savourait ces inoubliables amants !

 



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