Christian Cally

Désolation

De Profundis L'oubli Le temps des Girofliers La triste Guitariste
         

 


La Belle Nature

Oh ! la belle nature,
Et ces vives couleurs,
La terre et ses odeurs,
Le ruisseau qui murmure.

C'est toute une peinture ;
Les parterres de fleurs,
Les champs des laboureurs,
Le bétail en pâture.

Notre oeil est ébloui 
Par ce faste inouï,
D'une nature en fête.

Je lui dois le respect
De cet humble poète,
Pour son faste banquet.

6 Juin 2004

 


Désolation

Les fibres de mon cœur se sentent condamnées,
Par une intense peine après soixante années,
Mon amitié pour toi, pendant mon long parcours,
Fut un précieux soutien, au centre de mes jours.

Nous sommes arrivés au point de notre vie,
Où l’amitié reçoit un grand coup d’atrophie,
Mais pourquoi faudrait-il que notre esprit fécond,
Rende notre rapport si faible et moribond ?

Nous voici deux vieillards courtisés par les Parques,
Je voudrais oublier les blessantes remarques,
Qui, peut-être, ont creusé ce grand gouffre entre nous,
Je te donne ma main, mais non pas à genoux. 

Mes souvenirs d’enfant sont pleins de ta présence,
Ils remplirent les jours de mon adolescence,
Ensemble, nous avons élevé nos enfants,
Les rapports de nos femmes ont été excellents.

Nous nous sommes cloîtrés derrière nos idées,
Que les ans ont couverts de toiles d’araignées,
Nous ne pouvons plus voir à travers ce brouillard,
Que l’amitié d’antan gît dans son corbillard.

Les vagues d’amertume ont envahi la plage,
Nos rêves de printemps effacés par l’orage,
Ont croulé sous le poids de l’incompréhension ; 
Il ne reste plus rien de l’ancienne affection.

Tout ce lointain passé, basé sur un mensonge,
A révélé, trop tard, cette rouille qui ronge,
Et laise dans nos coeurs cet esquif démâté,
Qui se nommait, jadis, amour et vérité.

L’amitié fut, toujours, au centre de mon être,
Et je suis désolé de la voir disparaître,
Un faible lumignon, brûle encor dans mon coeur,
J’espère, sans espoir, de revoir sa lueur.

Au moment où la vie atteint son crépuscule,
Peut-être il serait temps de mettre la pendule,
Au temps qui nous faisait partager le bonheur,
Car le glas embuera notre rétroviseur.

22 Avril 2004

 


De Profundis…

J ‘ai dit mes derniers mots,
Je n’ai plus rien, plus rien à dire,
Je vois venir les flots,
Accompagnés d’un doux zéphire.

C’est le temps des adieux,
J’ai dépassé mon échéance,
J’espère que les cieux,
Me combleront de bienséance.

Ce fut un long trajet,
Un beau séjour de grand tourisme, 
Je m’en vais sans regret,
En vous quittant, par euphémisme.

Ai-je trop abusé,
De mon visa sur cette terre ?
Maintenant, épuisé,
Je sors par la porte cochère.

Je touche mon chapeau,
Avec un air de nonchalance,
J’enlève mon fardeau,
Et je tire ma révérence.

Allez, tout n’est pas dit,
Je reviendrai faire un voyage,
Portant un autre habit,
Dans un futur et meilleur âge.

Je ne veux pas de pleurs,
De grands bla-blas, ni de tristesse,
Plantez-moi quelques fleurs,
Et faites-moi dire une messe.

30 Mars 2004




L’oubli

Maintenant que ma vie atteint son crépuscule,
Mes souvenirs, souvent, flottent vers le passé,
Dans un épais brouillard, le fil du funambule,
Me guide, titubant, au seuil du vestibule, 
De ma lointaine enfance, où tout a commencé.

Les vagues souvenirs des jours de mon enfance,
Insaisissablement, paillettent mon esprit,
Mais je n’arrive pas à fixer l’importance,
De tout ces premiers jours de ma jeune existence,
Car l’oubli du passé, a presque tout detruit.

Par contre, ma jeunesse, arrive un peu plus claire,
Dans ma vieille mémoire, en pensant aux printemps,
Où plaisirs et chagrins, d’un amour éphémère,
Ont gravé dans mon coeur, une blessure amère,
Qui lancine, souvent, ces souvenirs distants.

Depuis j’ai tout refait, fuyant la nostalgie,
Un douloureux exil, plein de complexité,
Un tout autre destin, une nouvelle vie,
Un foyer, une épouse et véritable amie,
Qui me donna deux fils ; mon immortalité.

Je plonge dans l’oubli ma lointaine jeunesse,
Et je pense, par contre, aux plaisirs d’homme mûr,
Qui se sont écoulés avec tant de vitesse…
La glace qui me rend l’image de vieillesse,

Reflète mon parcours, passé en clair-obscur.

29 Août 2003





Le Temps des Girofliers

De temps en temps une ombre passe,
En effleurant nos souvenirs,
Vêtus de riches casimirs,
Elle s’arrête et nous embrasse.

Quand nous venons en face-à-face,
Avec tous ses anciens plaisirs,
Rien ne nous reste que soupirs,
Devant l’image dans la glace.

Nous ne devons pas oublier,
Les temps où le giroflier,
Nous parfumait notre jeunesse.

Ouvrons nos bras à ces passés,
Acceptons-les avec liesse ;
Bientôt nous serons trépassés.

16 Décembre 2003

 

 

La Triste Guitariste

Guitare en main, elle est assise,
Son cœur meurtri par la douleur,
Dans cette chambre sombre et grise,
Qui l'envahit de sa langueur.

Ils sont venus, brisant la porte,
L'ont emporté comme un voleur,
Avec leurs armes comme escorte,
En l'accusant de comploteur.

Depuis ce jour étrange et triste,
Son bel artiste a disparu,
On dit qu'il est un terroriste,
Un dangereux individu.

Dans son pays c'est un grand crime,
Que de parler ouvertement,
Des exactions que ce régime,
Impose aux gens injustement.

Il n'a pas droit à la justice,
Son triste sort est décidé,
Par une inculpation factice,
Sans fond et sans véracité.

Reverra t'elle son artiste ?
Son peintre, son inspiration,
Sa lyre reste toujours triste,
Dans sa muette imploration.

30 Octobre 2003


Mélancolie d’une Mère Moldave

Son regard est perdu dans ce miroir limpide,
Elle voit les reflets d’une vie insipide,
Un corps nu, plein d’attraits, dans ce triste boudoir,
Qui va d’un homme à l’autre, pour les plaisirs d’un soir.

Ils ont passé la nuit dans des amours torrides,
Ils se sont partagés des explosions avides,
Ce matin il quitta, comme un voleur, sans bruit,
Laissant quelques billets au chevet de son lit.

Le miroir lui transmet des images arides,
Elle entrevoit les bleus de ses beaux yeux humides,
Fanés par la douleur, aguerris par les pleurs,
Qui montrent leur dégoût pour tous ces beaux parleurs.

Son corps n’est qu’une marchandise,
C’est un objet de convoitise,
Pour hommes, femmes, qui se vend,
Pour supporter son pauvre enfant.

Il est tout seul en Moldavie,
Son cœur est plein de nostalgie,
Bientôt elle essuiera ses pleurs,
Pour alléger ses pesanteurs.

Elle ferme les yeux, pour ne plus voir son âme,
Elle doit retourner, son enfant la réclame,
Elle rêve du jour qui lui rendra son corps,
Bannissant, pour toujours, ses peurs et ses remords.

21 Octobre 2003

 

 

Pessimisme


Il faut marcher, la tête haute,
Ne pas penser aux jours obscurs,
En espérant que nos futurs,
Ne seront pas tristes et durs,
Et s’ils le sont, c’est notre faute.

Souvent, quand au cœur d’un orage,
On sombre au fond d’un entonnoir,
L’âme s’emplit de désespoir,
Et tout s’efface dans le noir,
C’est la dérive vers la rage.

Après l’orage, la lumière,
Viendra toujours, le lendemain,
Pour éclairer notre chemin,
Et nous donner un coup de main,
Pour nous sortir de notre ornière.

Notre ennemi, le pessimisme,
Est aux aguets, sournoisement,
Avec son empoisonnement,
Qui nous conduit, assurément,
Dans le marasme et le sophisme.

Il faut garder notre courage,
Sans succomber au désespoir,
Car notre vie est un miroir,
Qui nous permet d’apercevoir,
Notre âme dans sa vraie image.

1er Mai 2003



A Mlle H.D

Appel

Près de moi, sur la rivière,
Une barque, lentement,
Monte, comme une prière,
Sur les flots, au firmament.

A son bord, en tête à tête,
Les deux ombres font l’amour,
Je ne suis qu’un trouble-fête,
Car je pleure, nuit et jour.

Je regrette ton absence,
J’ai besoin de ton soutien,
Je souhaite ta présence ;
Sans toi, je ne suis plus rien.

Ton doux nom est sur mes lèvres,
Il allège mes douleurs,
C’est cruel, si tu me sèvres,
De la source de mes pleurs.

Les amants, sur la rivière,
Me regardent rougeoyant,
Ils comprennent ma misère
Me voyant tout larmoyant.

Et bientôt, la barque passe,
Emportant, au loin, mon cœur ;
Il est pris dans une impasse,
Qui le prive de bonheur.

1948-2002.

Jeunesse

Quand on a dix-huit ans, on fait de si beaux rêves,
C’est l’âge où le printemps dissémine ses sèves,
On est comme l’abeille, allant de fleur en fleur,
Pour féconder l’amour et semer sa verdeur.

Tout est beau, tout est rose, on se sent invincible,
On aspire aux sommets, car rien n’est impossible,
On enjambe les monts, on brave les torrents,
On avance, sans peur, souvent belligérants.

On fonce de l’avant, avec inconscience,
Succombant aux dangers de l’inexpérience,
On se lève, on reprend le hasardeux chemin,
Qui mène au rendez-vous avec notre destin.

C’est le temps où l’amour est plein de turbulence,
Avec tout son carquois de joie et de souffrance,
On déguste les plats de différents plaisirs,
Pour peaufiner le choix de nos futurs désirs.

Cet âge est excitant pour les garçons et filles,
Qui s’adonnent aux jeux de mille peccadilles,
Ils apprennent comment parer et prevenir,
Les ecueils qui pourraient gâcher leur avenir.

Comment ne pas chérir cet âge de jeunesse,
Cet âge héroïque, emplit de maladresse,
Cet âge si lointain, que les ans font jaunir,
Comme la feuille morte, au bord du souvenir.

Avril 2003

 

Découverte Macabre !

La pipe au bec j’allais, les deux mains dans les poches,
Mon feutre sur l’oreille et chaussé de galoches,
Je respirais heureux, l’air salubre des bois
Qui soufflait doucement, chantant à basse voix.
La sombre voûte était recouverte d’étoiles,
Qui clignotaient gaiement à travers tous ses voiles ;
Le miroir du soleil, très paresseux ce soir,
Ne s’était pas levé sous le grand dôme noir.
Je flânais dans ce bois que la nuit rendait morne,
Et m’assis un moment, sur une froide borne,
Je me sentais en paix, quand une forte odeur
Me suffoqua, soudain, et fit flancher mon cœur.
Je m’avançais, prudent, ô loin d’être intrépide
De l’endroit exhalant cette senteur fétide ;
Je m’attendais de voir, très vraisemblablement,
La charogne d’un chien qui gisait en ferment.
J’allais m’en éloigner au plus vite possible,
Pour respirer l’air pur, loin de ce coin nuisible,
Quand soudain, un sanglot glaça mon cœur, mon sang,
Et je faillis tomber dans un obscur étang.
Des tristes pleurs d’enfant, des sanglots de détresse,
Sinistres, émanant, là, d’une touffe épaisse,
Me donnèrent courage, et me pliant en deux,
J’entrais, en haletant, dans ce réduit hideux.
Ce que j’y vis, mon Dieu, horrible tragédie,
Sans doute, résultat de quelque perfidie ;
Là, gisant sur le sol, spectacle ébouriffant,
Un cadavre de femme étreignant son enfant.
Le nouveau-né suçait goulûment la mamelle,
Que lui avait offert la pauvre jouvencelle.
L’ enfant me regarda, ce qui me fit frémir,
Je le pris dans mes bras et me mis à courir.
Tout essoufflé, hagard, ayant perdu haleine,
Mon paquet dans les bras, j’arrivais dans la plaine;
Je m’arrêtais, m’assis; mes cheveux étaient blancs,
Je perdis ma jeunesse en ces quelques instants.
Je me mis à penser à cette pauvre femme,
Qui, comme un chien, là-bas, gît d’une mort infâme ;
Elle mourut donnant la vie à cet enfant,
Qu’elle conçut, croyant aux vœux de son amant.
Sans sépulcre, sans croix, sans même une prière,
Elle choisit ce lieu pour devenir sa bière ;
De ce monde elle a fui son inhumanité,
Et trouvé son repos pour toute éternité.
Sa mort est si tragique et pourtant magnanime,
Je dois donc respecter qu’elle reste anonyme.
Ses beaux yeux sont ouverts, regardant l’infini ;
L’enfant est dans mes bras, calmement endormi.

Je veux ...

Je veux que le bonheur dans ma vie pénètre
Comme un rayon solaire, entre par la fenêtre,
Je veux ouïr les pas de la feuille qui fuit
Devant le vent tremblant, dans le coeur de la nuit.
 
Je veux sentir, en moi, couler la source vive,
Entendre son murmure, étendu sur la rive,
Je veux sentir, aussi, la romance des fleurs,
Et noyer tout mon être au fond de leurs senteurs.
 
Je veux, je veux, mon Dieu, dans la nature entière,
Me sentir plein d’amour pour la montagne altière,
Pour le fleuve qui coule, et pour le gazon vert,
Pour le bosquet plein d’ombre et l’aride désert,
 

Pour l’arbre sur la route, avec ses belles branches,
Pour les roses, les lys, ainsi que les pervenches,
Pour la nuit, pour le jour, pour le calme et les vents,
Pour le soleil d’été, la sève du printemps,
 

Pour tout, enfin, mon Dieu, pourvoyeur d’abondance,
Je veux vous remercier pour votre bienveillance,
Vous avez tant donné, de bienfaits généreux,
A ce pauvre mortel, qui cherche à être heureux.

Septembre 2001

 

La virgule de la vie

La mort n’est pas un point final,
Elle est plutôt une virgule,
Un deshabillement tombal,
Un changement de véhicule.

L’homme, humble ver, fait son cocon,
Qui se transforme en chrysalide,
Après la mort, un papillon,
Survole un avenir splendide.

Quand Dieu créa Son paradis,
Il abolit le gaspillage,
Tous ses labeurs étaient exquis,
Il décréta le recyclage.

Rien n’est crée, rien n’est perdu,
Car chaque atome se transforme,
A chaque instant, comme prévu,
En s’incarnant de forme en forme.

La mort n’est pas un point final,
Elle est plutôt une virgule,
Un continu fondamental,
Que l’on écrit en minuscule.



Le feu dans l'âtre

Ce soir je suis tout seul, ma femme est en voyage
Ma seule compagnie est un beau feu de bois;
L’âtre crépite et lance un drôle d’éclairage,
Qui danse follement sur toutes les parois.
 

J’ai toujours préféré ces dansants feux de l’âtre,
Aux bouffées d’air chaud, des climatisations;
S’asseoir devant un feu, c’est comme être au théâtre;
Le spectacle, est toujours, si plein d’excitations.

 J’aime cette lueur, qui chauffe, et m’enveloppe;
Je déguste un café, que pousse un Grand Marnier,
Et je me sens languir par ce kaléidoscope,
Et bercé par la voix d’un fameux chansonnier.
 

Ce beau feu, la musique, enlacent mes pensées,
Qui flottent sur ce bougre, assis dans son fauteuil,
Et je récapitule, à fond, les odyssées,
Parcourues dans mon séjours, en trompe-l'œil.
 

Et me voici tout seul , devant la cheminée,
Sirotant mon café, comme un vieux pantouflard,
Je n’ai pas de regrets; ce que ma destinée,
A voulu me servir, je l’accepte, sans fard.

J’entends un miaulement, elle arrive, mignonne,
C’est ma chatte qui vient sauter sur mes genoux,
Elle se met en boule et gentiment ronronne;
Musique monotone, à l’air des vieux binious.


Bientôt, j’ai les yeux lourds, et les bras de Morphée
Se tendent grand ouverts, m’invitant à venir,
Ma chatte, dans mes bras, j’arrête ma veillée,
Et lentement, je vais dans mon lit pour dormir.

J’écoute le silence envahir mes oreilles,
Qui bourdonnent, sans cesse, au rythme de mon cœur,
Le feu, dans l’âtre, aussi, rassemble ses merveilles,
Sur la pointe des pieds, il s’éclipse, en douceur.

Octobre 2002


Mélancolie d’un enfant Moldave

Je suis si triste et seul, ma maman est partie,
Je suis comme un glaçon qui pleure et qui se fond,
Il me manque le chaud de son amour profond,
Qui me donnait, jadis, toute sa sympathie.

Je l’attend, chaque soir, quand, à genoux, je prie,
Elle est allée au loin, pour pouvoir travailler ;
J’étouffe mes sanglots, au fond de l’oreiller ;
Elle me manque tant, ma mamouchka chérie.

J’espère que bientôt, elle viendra, sans doute,
Après deux ans d’absence, au chevet de mes pleurs ;
J’ai besoin de ses bras, pour calmer mes douleurs,
Et redonner la paix à mon âme, en déroute.

Mes rêves sont remplis d’effrayantes images,
Je me réveille hurlant, recouvert de sueur,
Maman ! reviens à moi, je suis triste et j’ai peur;
Mon cœur n’est qu’un glaçon , parmi les sarcophages. 


La Ronde
             .
                    
Lorsque l’astre du jour embrase l’horizon,
L’océan le reçoit dans un berceau de flammes,
Les vagues et les flots chantent une oraison,
Pour cette boule en feu, qui s’éteint dans ses lames.

 
Bientôt l’écume jette au fond du firmament
Un beau disque d’argent pour éclairer les plaines,
Son vieux manteau mité, se traîne lentement
Pour couvrir l’univers et soulager ses peines.
 
Ces petits feux brillants veillent toute la nuit,
Sur le silence mort qui règne sur la terre,
Et qui, de temps en temps, est percé par le bruit
Du lugubre hou-hou d’un hibou solitaire.
 
Les champs des laboureurs s’assoupissent repus,
Une douce rosée adouci leurs semences,
Les labeurs des humains sont tous interrompus;
Les villes et les bourgs tirent leurs révérences.
 
Les gens vont au théâtre ou bien au restaurant,
Sous le ciel clignotant, les boulevards s’entassent,
Les cinémas sont pleins, le monde exubérant,
Cherche hors de chez soi les choses qui délassent.
 
Dans son sein ténébreux l’astre accueille les pleurs
De tous ceux que le sort accable de souffrances,
Et qui n’ont d’autres liens que peines et malheurs,
Car ils ont tout perdu, même leurs espérances.
 
Par contre, dans les bois, les baisers, les soupirs,
S’opposent aux sanglots des âmes ténébreuses,
Ils parfument les cœurs de leurs mille élixirs,
Et font un contrepoids aux larmes douloureuses.
 
Mais bientôt, le silence, inévitablement,
Nous redonne la paix dans l’empire des rêves,
Pendant que tout sommeille, un doux gazouillement
Nous annonce la fin de ces heures, si brèves.
 
Le noir velours des cieux commence à s’éclaircir,
Comme un phénix en feu, l’astre du jour se lève
Du fond de l’océan, que ses feux font roussir;
Le chant du coq, au loin, dit que la nuit s’achève.
 
Depuis l’aube des temps, de clin d’œil en clin d’œil,
La ronde fait tourner le soleil et la lune,
Qui contrôlent nos jours, du berceau au cercueil,
Et qui sombrent toujours dans les flots de Neptune.
 
 

Adieu !

Adieu ! que de tristesse on ressent pour le dire,
Ce mot qui fait pleurer, qui sépare les cœurs,
Ce mot, si déchirant, qu’il faudrait le proscrire,
Souvent il fait jaillir, nos fiels et nos rancœurs.

C’est un mot si final et si plein d’amertume,
Il crache du venin quand on est en courroux,
Par contre c’est un mot, quand il est dit posthume,
Séparé d’un sanglot, à-Dieu, devient si doux.

J’hésite à l’employer, car il entache l’âme,
Pour amants, et amis, c’est le bannissement;
Par ce mot, on éteint les cendres de la flamme,
Qui réchauffait les cœurs, avec ravissement. 

Pourquoi faut-il briser ce verre si fragile,
Qui donne à l’amitié son beau son de cristal,
Par ce mot, si méchant, par ce mot qui mutile,
Un chaleureux passé, par un rejet brutal.

Adieu ! je veux bannir ce mot qui tranche et sèvre,
Le cœur de l’amitié, la beauté de l’amour,
Ce mot, qu’en le disant, fait trembler sur la lèvre,
Une larme barrant la route du retour.
 

Ma muse

Quand ma muse apparaît, souvent elle m’amuse,
En chatouillant mon coeur, ma plume et mon vélin,
Elle dicte mes vers, de joie et de chagrin;
Je suis son gigolo, l’amoureux qu’elle abuse,
En caressant mon parchemin.

Quand elle ne vient pas, je l’appelle sans cesse,
Je deviens apathique, et le sommeil me fuit,
Je la cherche partout, chaque jour, chaque nuit,
Puisque même, de loin, elle me tient en-laisse,
Et son absence me détruit.

Après m’avoir trompé, sans aucune conscience,
En allant inspirer, poètes, écrivains,
Elle revient me voir, un luth entre ses mains,
Sentant encor le lit, de sa concupiscence.
Avec peintres et musiciens.

Je la prend dans mes bras, comme un cocu poète,
Heureux de la revoir, et de tout pardonner,
Comme si rien n’était, elle sait m’enchaîner,
Et me faire danser, comme une pirouette,
Qui sait comment m’embobiner.

Ô muse, ma muse, pardonne ma faiblesse,
Reste tout près de moi, donne-moi ton support,
Je t’aime, je te hais, car dans tes mains, mon sort,
N’est qu’une marionnette, infidèle maitresse;
Je suis à toi, jusqu’à ma mort.

Juillet 2002.



L’éternelle muse.

La muse est éternelle, elle est, avec les anges,
Au coude du Seigneur, pendant la création;
Son rôle est de fournir, aux arts l’inspiration,
Et faire propager, de nation en nation,
Un unique langage, en de langues étranges.

A la tour de Babel, projet plein d’insolences,
La muse du Seigneur, jette la confusion;
La langue qui liait ce monde, et sa vision
Multiplia les sens, en grande profusion,
Et cela engendra d’énormes consèquences.

Dès le début des temps, elle va d’âge en âge,
Elle parle le grec, avec le grand Platon,
Et puis c’est en anglais qu’elle inspire Byron,
Et presque au moment même, elle dicte à Villon,
Sa fameuse épitaphe, au bord du sarcophage.

Le monde entier lui doit, Mozart et Baudelaire,
Gershwin, Bossuet, Bach, Shakespeare et Tiepolo;
Les âges sont, pour elle, un simple tremolo,
Qu’elle franchit d’un pas, d’Euripide à Hugo,
Et caresse en passant, Themistocle et Molière.

Sur les ailes du temps, sa présence surplombe
La musique, les mots, le grand, l’insignifiant;
Elle inspire Goya, Flaubert et Maupassant;
Elle veille au chevet, du vieux Chateaubriand,
Lui dictant ses derniers, Mémoires d’outre-tombe.

Elle fit de Rodin, grand sculpteur émérite,
L’égal de Michel-Ange, et des Greco-Romains,
Elle sait ciseler, marbres et parchemins;
Tous les grands musiciens, qu’ils soient Francs ou Germains,
Ou d4autres nations, chantent sa réussite.

Après son amitié pour tous ces personnages,
Comment puis-je espérer recevoir ses ardeurs? 
Après tout, je ne suis qu’un de ses rimailleurs,
Qui doit se contenter de ses quelques faveurs.
Ce soir, je suis tout seul avec mes griffonnages.

Août 2002.



L’indifférence
 
Nous passons notre vie à jouer pile où face,
Les haines d’un côté, de l’autre les amours,
Nous subissons les deux, mais ce qui nous tracasse,
C’est quand l’indifférence, envenime nos jours.
 
Haines, affections, deux faces d’une pièce,
Sont intégralement cousues dans nos coeurs,
La vie nous apprend qu’avec un peu d’adresse,
On peut leur octroyer, une même valeurs.
 
Ce sont deux passions qui soulèvent nos âmes,
Pour le mal où le bien avec un objectif,
Mais quand nous subissons, l’indifférence infâme,
Elle remplit nos coeurs, d’un poison corrosif.
 
La haine et l’affection dénote qu’on existe;
Quand on est ignoré c’est la désolation,
On devient très amer, retiré, pessimiste,
On est pris de panique et de consternation.
 
L’âme humaine a besoin de voir dans une glace,
Un regard qui lui rend des sentiments concrets,
Mais si rien ne paraît, tout son esprit se glace,
Et se fond dans des pleurs, de rage et de regrets.
 
Aimez où haïssez, avec exubérance,
Montrez vos sentiments et vos émotions,
Mais ne montrez, jamais, un air d’indifférence,
Car cette nullité, répand l’affliction.
 
Il faut toujours montrer la face d’une pièce,
Sans jamais piétiner les sentiments humains,
Qui sont nos seuls atouts, nos cachets de noblesse,
Qui nous donnent l’espoir de meilleurs lendemains.
 
16 Février 2003.

Méditation

Ici, tout près de moi, le fleuve gronde et passe,
Il va vers son destin, il va vers l’inconnu.
Là, du clocher voisin, l’airain remplit l’espace ;
Il dit aux paysans que le soir est venu.

Je regarde plus loin cette immense étendue,
Ce champ couvert de blé, cette prairie en fleurs,
Ce bosquet ou les pins se perdent à ma vue…
Et mes yeux, tout à coup, se remplissent de pleurs.

Je cherche sur la terre et je cherche sur l’onde,
Solitaire, je vais du levant au couchant,
Et je parcours en vain ce sombre et triste monde,
Pourtant, c’est le malheur qui patiemment m’attend.

Je rencontre souvent la peine et les alarmes,
Je voyage sans fin, dans un bien triste enfer,
Je suis jeune, et mes yeux ont versé tant de larmes,
Qu’ils sont devenus froids, comme les soirs d’hiver.

Peut être en rencontrant l’amour et l’espérance,
Pourrai-je enfin, sentir la chaleur d’un rayon,
Mais tant que devant moi je vois l’indifférence,
Rien ne peut apparaître à mon sombre horizon.

N’ai-je donc pas aussi ma part sur cette terre? 
Cette part de bonheur, acquise avec le jour,
Suis-je seul à subir la céleste colère ?
Accordez-moi, Seigneur, la mort ou bien l’amour.

Ecrit en 1945-Edité en 2001.



La mort

Au bord d’un chemin plein de monde,
La Mort avec sa faux en main,
Son voile noir, squelette immonde,
S’acharne sur le genre humain.

Elle récolte hommes et femmes,
Enfants, adultes, à son gré,
Elle sautille d’âme en âme,
Car rien pour elle n’est sacré.

Elle n’a pas de préférence,
Pour riches, pauvres, rois ou gueux,
Quand l’heure sonne, elle dispense
Pour tous, un sort cadavéreux.

Elle propage la misère,
Elle encourage les fléaux,
Elle répand sur cette terre
Les pleurs des gens, sur les tombeaux.

La maladie est sa complice,
Les grands malheurs, ses cavaliers;
Sournoisement elle se glisse,
Parmi nos proches familiers.

Au même instant de la naissance,
Elle contrôle le séjour,
Et la longueur de permanence
Que nous aurons jusqu’au retour.

Car son visa est immuable,
Elle nous guette jour et nuit,
Son appétit est insatiable,
Jamais personne ne lui fuit.

Quand son fardeau d’âmes s’entasse,
Et devient lourd d’humanité,
Elle dépose sa besace
Aux portes de l’éternité.

Ecrit en 1946-Corrigé en 2001.


Ma Fillette
 
C’était un clair et beau Dimanche,
On s’empressait à la maison,
Elle portait la robe blanche,
De sa première communion.
 
Qu’elle était belle, ma fillette,
Avec ses beaux cheveux châtains,
Qui cascadait de sa voilette,
Elle égalait les chérubins.
 
La cathédrale était remplie,
De fleurs et feuilles d’oranger,
Elle ajoutait sa panoplie,
Aux carillons du haut clocher.
 
L ‘evêque avec son acolyte,
Tous deux vêtus d’habits blancs-purs,
Nous aspergeait à l’eau bénite;
L’orgue faisait trembler les murs.
 
Je me reveille de mon songe,
Et je regarde autour de moi,
Mon Dieu! Ce que je vois me plonge,
Pour un instant, en désarroi.
 
C’est ma fillette qui se lève,
Pour embrasser son jeune époux,
Ah!  son enfance fût si brève!
Je suis heureux, je suis jaloux.
 
Je suis ici, ce beau Dimanche,
Pour assister à son bonheur,
Elle est toujours en robe blanche;
Adieu fillette, adieu mon coeur.
 
J’ai tant joui d’être son père,
Mais maintenant j’ai son enfant,
Et c’est si beau d’être grand-père,
Tout recommence, comme avant.
 
21 Février 2003.


 
A Mlle H.D.

Amour


T’aimer pour ton regard, t’aimer pour ton sourire
Où pour ton corps bien fait, qu’en silence j’admire,
Non, si je vais t’aimer ce sera pour l’amour,
Ce sera pour le don de t’avoir chaque jour
Tout près de moi, sans fin, pour l’amour de ton âme,
Car ton comportement, un jour, perdra sa flamme,
Il se pourrait, aussi, que les ans et les pleurs
Feront flétrir ton corps, tes yeux ensorceleurs,
Tes appas séduisants, ta grâce féminine,
Tout ce que j’aime tant; ce jeune air de gamine,
Tout va t’abandonner. Vais-je te mépriser?
Parce que l’éphémère a couru se briser
Contre l’âge, la peine ou contre les alarmes?
Vais-je alors ajouter à ton malheur des larmes?
Vais-je, à tes yeux hagards, te jeter mon dédain?
Vais-je te faire mal par un mépris hautain?
Souiller le souvenir, imprégné de tendresse
De l’amant de jadis, de nos instants d’ivresse?
Vais-je enfin déserter le lit du premier jour
Ou nos deux chairs en une ont scellé leur amour?
Non, non je vais t’aimer pour l’amour en lui même,
Pour cette part de Dieu, pour cette foi suprême.
Je vais t’aimer pour nous, avec toute l’ardeur
D’un amour infini dans toute sa splendeur.
Et quand l’âge et le temps auront blanchi nos têtes
Et que nos yeux seront flétris par les tempêtes,
Quand, enfin, le nocher, m’enlèvera un jour,
Je t’aimerai bien mieux dans l’éternel séjour.

1949-2001.




Continuum

Que va-t-il arriver quand la vie s’arrête,
Quand le dernier soupir laissera notre corps,
Quand, enfin, notre esprit, en s’envolant, s’apprête,
A quitter notre cosse et ses liens, aux remords?

Y a-t-il un résidu qui s’élève et s’envole,
Vers d’autres horizons, vers d’autres univers,
Pour reprendre son cours avec une auréole,
Où pour recommencer dans un monde divers?

Serons-nous enrobés d’une nouvelle écale,
Et remis sur la terre avec un autre sort,
Pour un nouveau trajet, une nouvelle escale,
Retraçant les hasards, jusqu’au jour de la mort?

Serait-ce Nirvana, qui recevra notre âme,
Pour la joindre au divin, pour toute éternité,
Et savourer la paix, aux pieds de ce grand brahme,
En l’embaumant d’amour et de sérénité?

La mort n’est pas la fin du trajet, qui commence
Le jour que nous prenons notre premier soupir,
C’est un continuum, constante transhumance
Vers d’inconnus futurs, qu’il faudra découvrir.

Il faut vivre la vie et ce qu’elle nous offre,
En acceptant le sort fourni par ce parcours,
Et quand la mort viendra, nous mettre dans un coffre,
Nous reviendrons, peut-être, avec d’autres atours.

Novembre 2002




Je cherche...

Je cherche le bonheur, dans tes baisers, ô, femme,
Je cherche ces baisers, pour soulager mon coeur,
Je cherche, sans trouver, l'arôme de ton âme,
Pourrais-je un jour, enfin, trouver cette âme soeur?

Je cherche ces baisers, pour soulager mon coeur,
Il saigne, jour et nuit, et vit dans la détresse,
Pourrais-je un jour, enfin, trouver cette âme soeur,
Qui le soulagera, d'une seule caresse?

Il saigne jour et nuit, et vit dans la détresse,
Ce cœur qui veut aimer, et qui ne trouve pas,
Qui le soulagera d'une seule caresse.
Il souffre, il pleure, il geint, il aspire au trépas.

Ce cœur qui veut aimer, et qui ne trouve pas,
Ô, femme il est à toi, prends-le dans ta berceuse,
Il souffre, il pleure, il geint, il aspire au trépas,
Dis-lui des mots d'amour, ô, belle ensorceleuse?

Ô, femme, il est à toi, prends-le dans ta berceuse,
Chante-lui doucement, pour assécher ses pleurs,
Dis-lui des mots d'amour, ô, belle ensorceleuse,
Puis, d'un baiser, bien doux, écarte se frayeurs.

Chante-lui doucement, pour assécher ses pleurs,
Rallume, dans ce cœur, une petite flamme,
Puis, d'un baiser, bien doux, écarte ses frayeurs;
Je cherche le bonheur, dans tes baisers, ô, femme.

1947-2002
 



La Colline ( Rondeau )


Sur la colline, que l'aube illumine,
L'ouragan, en colère, se mutine,
Il emporte tout, hurlant sa fureur,
Qui sème partout, panique et terreur,
Malgré tous ces dégâts, l'aube dessine,
Un grand soleil brillant, qui se dandine,
Pour apaiser le courroux, qui s'obstine,
A faire trembler le monde d'horreur,
Sur la colline.

Bientôt le soleil voit cette ruine,
Produite par l'infernale machine;
Il cache son regard, avec douleur,
Derrière un sombre nuage, grondeur,
Et ses pleurs s'échappent, en pluie fine,
Sur la colline.

Juillet 2002



L'Aube

Tout dormait dans les champs; le silence et la paix,
Régnaient dans les vergers, régnaient dans la verdure,
Mais déchirant, soudain le sombre dôme épais,
Un rayon fit chanter le coq et la nature.

Bientôt, le paysan marche près de ses bœufs,
Et déjà, dans les champs, le soc creuse la terre,
La fermière, en sabots, s'en va chercher les oeufs,
Et traire, en chantonnant, sa vache solitaire.

Les oiseaux, gazouillant dans les bois de sapin,
Le carillons joyeux des vaches, sur la pente,
Egayents les coteaux arrosés de matin,
Et l'onde fraîche va, murmurant, indolente,
Dans son lit tortueux, vers d'autre horizons.
Du fond de la clairière, on entend que le pâtre,
Appelle ses brebis sur les tendres gazons,
Il éteint, lentement, les derniers feux de l'âtre
Qui l'avait réchauffé durant la froide nuit.
Il retourne à sa flûte, amie pastorale,
Et s'assied près du lac, où le soleil reluit;
Pour lui cette nature est une cathédrale!

Ce cycle est continu, comme à l'aube des temps,
Le jour poursuit la nuit, et le tout recommence,
La pluie et le soleil, l'hiver et le printemps,
Et le blé s'épanouit de sein de la semence.

Bergers et paysans, campagnes et faubourgs,
Tout s'éveille et reprend les labeurs de la vie,
Mais quand l'astre finit son majestueux parcours,
La nature s'endort, se sentant assouvie.

1947-2001



Lever du jour
 
C’est tout un nouveau jour qui se lève de l’ombre,
Il pointe à l’horizon d’une pâle couleur,
Il retire, un à un,  les voiles de pudeur,
De la nuit qui se pâme, au toucher plein d’ardeur,
De ce nouvel amant, qui la prend, sans encombre.
Elle s’adonne à lui,  jouissant de l’odeur,
Qui jaillit de ce corps, rayonnant de splendeur,
Qui la fait tressaillir au tréfonds de son coeur,
Et dans son paroxysme elle se cabre et sombre.
Le triomphant soleil, du lit, plein de chaleur,
Se lève et distribue au monde sa verdeur;
La nature s’étire et sort de sa torpeur,
Pour saluer ce jour, qui sort de la pénombre.
Mais la nuit reviendra reprendre sa froideur,
Et répandre son voile et sa douce moiteur,
Sur un monde transi d’un élixir rêveur,
Demain, un nouveau jour se lèvera de l’ombre.
 2 Février 2003.

 

Tolérance 

Heureux, celui qui de la chère,
Déguste, à table, les plaisirs,
Qui, dans son lit, toujours préfère,
Des belles chairs et ses désirs.

C’est beau d’aimer, aussi, la vigne,
Ah, ce Bacchus, qu’il est heureux,
Ce vieux mortel, alors est digne,
D’être le préféré des dieux.

Et si ce tout, avec la lyre,
Rend le séjour plus tolérable,
Et qu’il lui donne du délire,
Cela ferait plaisir au diable.

31 Janvier 2003.



L’ennui.
 
Souvent, un grand ennui se répand dans mon âme,
Sournoisement, il vient, sans se faire inviter,
Ce mauvais resquilleur,  arrogamment  réclame,
Toute ma paix d’esprit, quand il vient résider.
 
J’essaye, sans succès, de lui montrer la porte,
Il envahit mon cœur et ma sérénité,
Je cherche des amis, pour me prêter main-forte,
Ils s’esquivent blâmant ma taciturnité.
 
Je suis un bon-vivant, j’aime la bonne chère,
J’aime, aussi, la musique et beaucoup de grands crus,
Je ne suis pas bougon, et j’ai du savoir-faire,
Mais quand l’ennui s’implante, je deviens un reclus.
 
Ô, que c’est embêtant, quand l’ennui m’envenime,
Car je deviens morose, et comme un escargot,
Je me recroqueville, et ma triste déprime,
Fait, que mes « bons » amis, me traitent de cagot.
 
Heureusement, le moi, bientôt, se débarrasse,
De ce triste importun;  je reprends mon train-train,
Je redeviens social, et j’ôte ma cuirasse,
Et je suis, de nouveau, ce joyeux boute-en-train.
 
Ah, oui, mes chers amis,  lorsque le soleil brille,
Vous êtes tous présents, pour faire des chichis,
Quand j’ai besoin de vous, votre amitié vacille,
Et me tourne le dos, sans faille; eh, bien, tant-pis.
30 Janvier 2003.
 

Coeur de femme !


Un cœur de femme brûle, et cherche un doux sourire;
Un mot d’amour suffit pour la mettre en délire,
Les braises de son cœur nourrissent le foyer,
De son âme et son corps, tout prêts à flamboyer.

Elle cherche l’amour, un mot plein de tendresse,
Un souffle d’amitié, la main qui la caresse,
Quand l’amant ne vient pas, pour apaiser son cœur,
Un amer désespoir la remplit de rancœur.

Son corps gémit, se plaint, s’insurge d’être femme,
Une aveugle révolte empoisonne son âme,
Elle cherche l’amant, dans ses rêves de nuit,
Pour la faire vibrer, pendant qu’il la séduit. 

Un cœur de femme veut qu’on lui dise « je t’aime »
Pour élever sa vie aux hauteur d’un poème,
Pour que sa lyre vibre aux cordes du plaisir,
Car elle veut calmer la faim de son désir.

Pourquoi cette,
Du fond de l’inconnu, d’un nébuleux chemin,
Lui trace un avenir, une vie, un destin,
D’un séjour qui finit, quand la flamme chancelle.

Du fond de l’inconnu, d’un nébuleux chemin,
La flamme le conduit vers une passerelle,
D’un séjour qui finit, quand la flamme chancelle,
Et le glas du clocher lui annonce la fin.


Courroux et paix.


Dans sa rage, la mer, veut du sang à l'aurore,
Du fond d'une nuit sombre, elle rugit, encore,
Elle lance son fiel, quand elle est en courroux
Pour engloutir des fils, des pères, des époux.

Vêtue de carmin, l'aurore glorieuse,
Apaise l'océan d'une lueur soyeuse,
Elle jette sur l'onde une cape d'argent,
Et de petits moutons, qui roulent, en dansant.

A l'horizon paraît, le beau disque solaire,
Qui fait fuir, devant lui, l'ire crépusculaire,
Et le calme répand son baume sur les eaux.

Quand la flotte revient, les épouses, les mères,
Pleurent leurs disparus, qu'une mer sanguinaire,
A prématurément plongé dans leurs tombeaux. 




Étoile filante


Il y a des nuits d'attente,
Des nuits où le sommeil
S'échappe par la fente
Qui cache le soleil,
Qui veut lever les voiles
De cette longue nuit,
Qui fut pleine d'étoiles,
Qui s'effacent sans bruit.

Je ne veux pas que l'ombre,
Qui m'a bercé d'espoir,
Dans la lumière, sombre,
Les promesses d'un soir.
Quand elle était encore
Blottie contre moi,
Son corps, comme une amphore,
Se remplissant d'émoi.

Maudites nuits d'attente
Qui ne reviendront plus,
Mon étoile filante
M'a laissé tout confus.
Je déteste l'aurore,
Qui m'enlève l'espoir
De la revoir encore,
Pour nous dire au revoir. 




L'Ombre s'allonge

Quand mon ombre s'allonge et précède mes pas,
Il est temps de ranger mon jour et mon compas,
Car, à l'ouest, le soleil va s'éteindre dans l'onde,
Pour renaître, à nouveau, à l'autre bout du monde.

Je mets tous mes labeurs dans ma malle de nuit,
Qui me sert de refuge, au fond de mon réduit,
Je m'allonge, un instant, tout fier de ma jeunesse,
Et mes rêves sont pleins de sève et de hardiesse.

L'avenir est à moi, le monde entre mes mains,
Je m'avance, sans peur, vers de beaux lendemains,
J'entrevois des amours, des succès, des richesses,
Je goûte les délices de ces belles promesses.

La lune veille sur mon paisible sommeil,
Jusqu'au lever du jour, quand, à l'est, le soleil
Revient me réveiller, éparpillant mes rêves,
Que j'avais tant chéris pendant ces heures brèves.

Je regarde, ahuri, les traits de ce vieillard,
Reflétés dans la glace, entourés de brouillard,
Je ne reconnais pas celui qui me regarde,
Ce visage tiré, cette mine blafarde ;

Hier encor, j'étais jeune, en me mettant au lit ;
Comment, dans mon sommeil, en une seule nuit,
Puis-je avoir traversé toute une vie entière,
En poursuivant cette ombre, au bord du cimetière ?

Hélas ! le temps s'écoule, il emporte les ans,
Il nous transforme, tous, d'enfants en vétérans ;
L'image que, soudain, notre glace reflète
Est celle d'un parcours, couvert à l'aveuglette.

Quand il pointe vers l'est, le compas nous promet
Un trajet vers le nord, pour tenter le sommet ;
Il nous permet, ainsi, de vivre notre songe,
Qui nous mène vers l'ouest, quand notre ombre s'allonge.

Septembre 2002




Le marin et la mer


Le navire fut pris dans l'oeil de la tempête
Qui lui lance un défi, du sommet de sa crête ;
L'ouragan souffle fort, les vagues et les flots
Sèment peur et panique à tous les matelots.

Tremblant, le capitaine, aux abois, à la barre,
Sait bien que l'océan, cet ennemi barbare,
Viendra, furieusement, bientôt le posséder,
Et, se sentant vainqueur, osera l'aborder.

Une énorme ouverture, à son bâbord se creuse,
Le capitaine abdique à cette mer fougueuse ;
Il a perdu l'espoir de contrôler son sort ;
Il ne reverra plus son pays ni son port.

Éventuellement, le gouvernail se brise,
Triomphante, la mer hurle sa convoitise,
Elle sait que, bientôt, navire et personnel,
Chavireront au fond de son antre mortel...

L'aube dessine, au loin, ses rayons de porphyre,
Fière de son succès, la mer calme son ire,
La tempête s'apaise, et les flots épuisés
Moutonnent, chuchotant, aux sables irisés.

Octobre 2002. 

ccally@primus.com.au

  Résurrection.            
 
Assis près d’un ruisseau, un soir de pleine lune,
Pensant à mon passé, je regardai les flots
Chatouillant les cailloux, j’appelai la fortune,
Pour apaiser mon cœur, et tarir mes sanglots.
 
Quand par enchantement  une voix argentine,
Me dit en m’approchant : « Qu’avez-vous, vous souffrez?
Je vis sur l’onde claire, une tête enfantine,
Qui se pencha sur moi, me disant : « Vous pleurez? »
 
Je levai mes yeux mous, sur ce petit visage,
Qui si soudainement, me fit tant tressaillir,
Je me sentis rempli, d’un délicieux présage,
En fixant sur cet ange, un plaidoyant soupir.
 
Les formes de son corps, couvertes d’un vieux châle,
Allumèrent la flamme, au fond d’un cœur souffrant,
Je fus rempli d’ivresse, et sur sa joue pâle,
Je posai, sans penser, un baiser enivrant.
 
Déesse voluptueuse, es-tu démon ou femme?
Qui sur ma triste route, a pu guider tes pas?
Comment devines-tu, les tourments de mon âme?
Tu sais que j’ai besoin, de ton cœur, tes appas.
 
Ma main frôla sa tête, laissant tomber son châle,
Et là, sur son épaule, un tout petit enfant
Dormait paisiblement; mon Dieu qu’il était pâle!
Ce tableau, sous mes yeux, était ébouriffant.
 
J’étais abasourdi, mon esprit en détresse,
Je reculai d’un pas  mais je revins sur moi,
Je compris qu’elle avait  grand besoin de tendresse,
Et mon cœur déborda  d’un grand élan d’émoi.
 
Oh ! femme écoute moi,  je suis seul dans ce monde,
Dis-moi quel est ton nom  et ne me quitte point,
Laisse-moi partager, ta course vagabonde;
Si tu me le permets,  je serai ton conjoint.
 
Nous serons souverains, de tout ce grand empire,
Je te ferai ma reine, et je serai ton roi,
Être ton compagnon, c’est tout ce que j’aspire,
Réponds-moi, mon amour, réponds, veux-tu de moi ?
 
On m’appelle Régine, dit-elle d’un air triste,
J’ai tout abandonné, ma mère, mon couvent,
J’ai fui mon bourg tranquille, et j’ai suivi la piste,
De l’homme que j’aimais, père de mon enfant.
 
Ce lâche me séduit, tout en me rendant mère,
Le traître, sans regrets, choisit de se sauver,
Quand je lui fit savoir, qu’il allait être père;
Je le poursuis depuis, sans jamais le trouver.
 
Regardant son enfant, elle ouvrit son corsage,
Elle exposa son sein, pour pouvoir l’allaiter,
L’enfant ouvrit sa bouche, et tourna son visage
Vers ce petit sein rose, et se mit à téter.
 
Elle serra l’enfant, juché sur sa poitrine,
Elle ferma ses yeux, et s’endormit sans peur,
Je remis sur son corps, sa vieille pèlerine,
Et m’assoupis aussi, repris par ma torpeur.
 
Je rêvais de beaux jours, appuyé sur un saule,
Écoutant le ruisseau, qui roucoulait sans fin,
Ma Régine était là, dormant sur mon épaule,
Berçant entre ses bras, son petit séraphin.
 
Je regardais la lune, en pensant à ma vie,
Je me vis tendre fils, pieux jeune enfant de chœur,
Mais plus tard, grandissant, je fus pris d’une envie,
De prendre le chemin, d’un ignoble noceur.
 
J’ai vécu de plaisirs, ils ont durci mon être,
J’ai parcouru le monde, en semant mes déchets,
J’ai perdu le respect, de ceux qui m’ont vu naître,
Je me trouve tout seul , au bout de mes trajets.
 
Et me voici, devant ce ruisseau qui s’écoule,
N’ayant jamais aimé, d’autres que le plaisir,
Mon passé disparaît, emporté par la houle,
Régine, sur mon cœur, verse son élixir.
 
Un doux gazouillement, en crescendo, s’élève,
Envahissant  les bois, d’un rythme délicieux,
La flûte du berger, le rejoint et soulève
Les voiles de la nuit, en éclairant les cieux.
 
Depuis quelques instants, la nuit cède à l’aurore,
Son domaine pesant, comme une absolution,
Le renouveau surgit, et mon cœur se restaure,
L’amour me sauvera, de la dépravation.
 
Noyé dans ma torpeur, je ne vis pas Régine,
Ouvrir ses beaux yeux noirs, et les fixer sur moi,
Elle offrit à l’enfant, sa petite poitrine;
Ce geste maternel , souleva mon émoi.
 
La prenant dans mes bras  je me sentis renaître,
Pour la première fois,  je ressentis l’amour;
Oubliant mon passé, j’étais prêt à commettre
A cette douce union, chaque instant, chaque jour.
 
Le disque de carmin, embrasa la nature,
La campagne reprit, ses labeurs journaliers,
Le paysan se mit, à son agriculture,
Et le bruit s’entama, dans tous les ateliers.
 
Régine se leva, prit sa petite fille,
Vers la rive, tout près, et se pencha sur l’eau,
Elle lava l’enfant, puis levant sa mantille,
Elle trempa ses pieds, dans ce petit ruisseau.
 
Elle revint vers moi, et me remit Michelle;
Elle donna ce nom, à son petit poupon;
C’était de Périgny, tout près de La Rochelle,
Qu’elle avait commencé, la chasse à ce fripon.
 
Elle était fille unique, au sein d’une famille
De bons bourgeois aisés, et chrétiens pratiquants,
On ne lui permettait, aucune peccadille,
Sa faute provoquât, des mots durs et choquants.
 
Elle avait dû quitter, sa tranquille existence,
Son couvent la chassa, sa famille, elle aussi,
Se montra sans pitié, pour son inadvertance.
« Et voila, mon ami , pourquoi je suis ici. »
 
« Comme toi, j’ai couvert, des routes détestables,
Pour arriver au bord, de ce ruisseau bénit,
Le destin nous a joint , deux êtres vulnérables,
Je suis prête à t’aider, pour nous construire un nid.
 
Nous sommes âmes sœurs, allant à l’aventure,
Nous cherchons tous les deux, un soutien, un support,
Je voudrais bien te suivre, avec ma créature,
Si tu veux bien de moi, pour nous mener au port. »
 
Je la pris contre moi, nos lèvres se joignirent,
Nos corps firent de même, avec exaltation,
Nous reçûmes des cieux, quand ils nous conjoignirent,
Le cachet immortel, de leur approbation.
 
« Je vais te ciseler des mots, comme un orfèvre,
Pour te faire un diadème, en or et en diamants,
Je veux que plus jamais, de moi tu ne te sèvre,
Et nous partagerons, nos jours en vieux amants.
 
Allons construire, à trois , un foyer de tendresse,
Elevons ton enfant, vivons au jour le jour,
Je serai ton servant, tu seras ma maîtresse,
De nos vies faisons, un bel  hymne à l’amour. »
 
Adieu mon sort hideux, existence perverse,
Je n’aurai plus besoin, de pleurs et de regrets,
Près de moi j’ai trouvé, cet amour qui me verse,
Le pardon sur mes jours, passés aux lazarets.
                                                

Christian  Cally


chantily@bigpond.net.au
                                                                                 

  

 

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