ANGELE LUX

 

 

C'est le mois des lilas

Comme il y a un trop plein de silence ! 
Il neige lourd d'inachevé en moi      
En des  mots-temps en discordance
Et des  soupirs crevés entre mes doigts           
Entre le chien et le loup mal-en-point                   
de mes quelque deux cents années, au moins.        

J'ai même oublié mon enfance
Et tes chaudes mains en poignées   
Je songe à la pierre si dense   
Sous laquelle je finirai.      

C'est le mois des lilas
Que je ne verrai pas   

Dans le repli de ma vie en creux,
Je m'arrête et je ferme les yeux   
Le soleil est vaste et rond et blond
Sur le fil souple de l'horizon  
Vaste pays de vent et d'odeur
Où je lis en braille la douceur
D'un pétale, d'une vague, d'un chant,
Les bruissements d'ailes et de champs
Et les roseaux mouillés d'ombres vertes.

C'est le mois des lilas.  

Quelque chose enfin me rejoint
Peu avant le port et  la gare       
Il y aura d'autres demains,        
D'autres ailleurs, d'autres plus tard  

C'est le mois des lilas, des lilas
Que sur ma tombe on ne mettra pas

13 mai 2004

 

Comme des graffiti

Je voudrais sans éclats ensauvager mon verbe
Mais l'oubliance s'inscrit tout en perspective
Sur les crêtes déchiffrées et les hautes neiges
Au pied des pages que je voudrais tant remplir

Je voudrais écrire des vers blancs, bleus et libres
Effleurer chaque pierre en un bouquet de gestes
Parler de mon pays de froid, d'eau et d'espace
Mais je n'ai que murmure aux multiples échos

Car je suis née d'un peuple B souvenance étroite
Envers et contre rage au creux de mes pénombres
Où l'histoire se défait, dépouillée de songes
Quand nos cris se taisent en un silence souillé

Ah! Dire au-delà du dit toute cette urgence
La langue de chez nous qui rêve d'adultère
Ma province en exil aux rêves étrangers
Et mes vers de trois sous comme des graffiti.


Et l'amble de la lune

À l'heure des anges
j'inventerais si je le pouvais
un soliloque cousu
au plus près de ce pays inachevé
comme tous les poèmes à faire
sans contour

À l'heure des songes
entre le proche et le lointain
habiter ces blancs immenses
comme on habite sa langue
retourner à tâtons
la doublure de la nuit

Quelques éclats de moi
à l'heure où louvoyer
ventre ouvert
entre mémoire et oubli

13 décembre 2003

ENCORE UNE HEURE DE FIÈVRE

Je sème mes larmes dans la nuit
Dans la beauté fantôme du froid,
Dans le soir entaillé des néons éteints,
Muraille de nos solitudes
Sous une lune échouée.

Encore une heure de fièvre...

Je crie dans tout ce pourpre
Dans l'hiver d'un matin pas encore né
Où tant de vagues n'ont rien effacé,
Où tant de voix se sont muselées,
Ombres sans partage.

Et devant l'ovale brisé de nos mains,
Je pleure cette faim de durer.
Non, nous n'avons pas mêlé nos souffles
Ni bu les saisons
Aux abîmes des néants.

Encore une heure de fièvre.




QU'IL M'EN SOUVIENNE ENCORE

Poète bourlingueur
Ta voix ne porte qu'une seule et longue phrase
Entre les terres rouge vif de ton exil
Aux horizons d'humus.

Poète bourlingueur
Avant que de te taire, dans un dernier geste
Grave à l'eau-forte le soleil noir de ton verbe
En grands bouquets de feu.

Poète bourlingueur
Y a-t-il assez d'espace ici pour tes vers
C'est le mois des lilas qu'on mettra sur ta tombe
En un cri déchirant.

Poète bourlingueur
Tes mots comme une attache
Qu'il m'en souvienne encore
Au ressac du temps




Spleen (Terza Rima)

Les bois sont sourds ce soir et mes mains font leur lit
Dans les sables déserts des amours incertaines
Dans l'épaisseur des mots où migrer sans répit.

Je n'ai que ce dégoût aux attentes lointaines
Aux rires effacés, aux rêves ignorés
Dans l'entre-deux des jours aux froidures soudaines

J'ai dans l'âme un néant aux barreaux bien serrés
Dans un petit coin d'ombre où croupit le silence
Ah! Je veux m'enivrer de ces émois pourprés
Aigus comme un remords aux murs gris de l'absence.




Tango



La pénombre vacille
Tempo de nos lèvres
Ensemencées de frissons
Et de nos langues valsées

Ton souffle sirocco s'attarde
Sur mes dunes et mes monts
Chemins tracés, ourlés
Moiteurs. Fièvre. Feu

Tes angles droits et nus
Allument mon ventre
À la rencontre de toi
Un gémissement. Un souffle

Je m'offre à ton urgence
En des semailles de feu
Au liséré de ton regard
Je tombe. Je glisse

Une autre vague

À la frontière du ciel et des eaux
Écumes échevelées et dévorantes
Torrent impétueux
Sur mes terres battues

Encore. Encore.

Je tangue. J'ondule.
Coulée douce et chaude
Enfiévrée d'un instant
Au verso de notre amour

Un cri, un seul, long
Repris au bout de mille portes
Dans l'abandon d'un lieu d'ailleurs
Douceur ancienne aux accents de sel



Dédale

Dans l'enchevêtrement des jours gris
Dans le labyrinthe des regards
Et des mots tricotés trop serrés
J'enfile en un long fil d'Ariane
L'endroit et l'envers de mes errances
Et le nom que je pourrais avoir
Peut-être
Dans une langue nouvelle encore
Je dessine à vie et poing levés
Ce chemin d'ombre et de lumière
Cet espace sacré où renaître
Au carrefour opaque des mondes
Tel Dédale, lourd de tant de deuils,
Marcher les ailes tout écartées
Et imaginer Sisyphe heureux (*)
Peut-être

(*) allusion à l'essai sur l'absurde d'Albert Camus: «Le mythe de Sisyphe».
Camus affirme que la lutte vers les sommets suffit à rendre heureux même si le travail lui-même est inutile et sans espoir comme celui de Sisyphe, condamné à rouler éternellement un rocher jusqu'au sommet d'une montagne d'où la pierre retombait par son propre poids.

                     ...........

Cinquième saison (ballade)

Le jour a déjà goût de deuil
Et mon cœur tangue sous l'orage
Meurtri puis brisé par l'écueil
Sur une note d'eau sauvage
Tout près, si près du blanc rivage.
Aux abords de ton horizon,
Fais-moi connaître ton langage,
Aube d'une cinquième saison.

Mon âme, froid et lourd cercueil,
N'admet pas un autre naufrage
Sous les sanglots de mon orgueil,
Des mots serrés pris en otage
Où se blesse mon paysage.
Nos promesses en demi-ton,
Je veux les saisir en image,
Aube d'une cinquième saison.

Permets-moi de passer le seuil
Pour ne plus sentir cette cage
Peinte cent fois en trompe-l'œil
À même les bords de ma rage.
Je veux pouvoir être nuage,
Construire de nos bras un pont
Enfin en sursis de voyage,
Aube d'une cinquième saison.

Mon amour, reçois en partage
Mes mots fripés et la chanson
Au liséré de mon visage,
Aube d'une cinquième saison.

                   ...........

Transat

Je me suis tenue près de l'existence
Comme un transat à la frontière souple
Du sable et des eaux et des mots noués
Silence si dense au creux vif des songes

Gestes de pluie, nuits de soif encore
En ce lieu blessé où je ne vais pas
En ces longues enjambées tatouées
Au revers de mon désir de toi, tu.

                 ...........

Jours d'enfance (triolet)

Dans le givre des jours d'enfance
J'ai retrouvé mille serments
Des poignées de mots en dormance
Dans le givre des jours d'enfance

Malgré l'inaudible souffrance
Et l'inachevé des instants
Dans le givre des jours d'enfance
J'ai retrouvé mille serments

                  ...........

Reflets d'automne (Villanelle)

Dis-moi le réconfort des saisons par-delà
La vie en cavale qui se froisse et s'étire
Dis-moi surtout l'amour par-delà par-delà

Dis-moi comment teinter mes songes sans éclat
Marcher vers ton visage une nuit à redire
Dis-moi le réconfort des saisons par-delà

Dis-moi comment sauver mes phrases du verglas
Enrober d'outremer mes poings et mon sourire
Dis-moi surtout l'amour par-delà par delà

Dis-moi les arbres roux, le soleil, son grenat
Pour oublier l'exode et les morts à écrire
Dis-moi le réconfort des saisons par-delà

Raconte-moi le vert, l'orange et l'incarnat
Raconte-moi le vent, la forêt qui respire
Dis-moi surtout l'amour par delà par-delà

Je n'ai qu'un automne souillé de peur déjà
Un hiver à venir et qui tant me déchire
Dis-moi le réconfort des saisons par-delà
Dis-moi surtout l'amour par-delà par-delà

                         ...........

Écrire

Écrire
Thésauriser le chant des mots
Et des langues et des souvenirs
Qui s'enchevêtrent dans des sens uniques

Écrire les pages de l'errance
Et des rêves de conquête
Au goût d'eau douce
Et de courant d'ailes

Écrire pour retenir
La paume d'une étoile
Et le poing des regards
Dans toutes les villes du monde

Écrire encore pour griffer
Toutes les terres arides
Au-dessus de mers mortes
Et des creux d'âme

Écrire enfin
Quand les étoiles tremblent
Aux confins des départs sauvages
Et des toits de lauzes

Écrire pour retenir le vent...

                 ...........


Cri

J'ai si mal appris la patience des saisons
Que des cris dorment dans mes poings durs et glacés
Je veux libérer mes mots bientôt déchaînés
Entraînée dans une douceâtre déraison

J'ai si fort la terreur que mes mots meurent et fanent
Emportés par le vent assassin et profane
De leurs ombres mortelles ni chair ni poisson
De bien-pensants bien nés sans aucun horizon

Faudrais-je donc me taire
Sous leur compassion délétère
Et la chape des vains silences
Où s'enlise leur conscience

Faudrais-je donc me taire
Quand j'ai si mal à cette terre

Faudrais-je donc me taire

               ...........

J'AI FRAPPÉ POURTANT... (PANTOUM)

J'ai frappé pourtant à la lourde porte
Tu ne m'as même pas prié d'entrer
Solitaire, mon âme flâne, morte,
Nostalgie en un mirage avorté

Tu ne m'as même pas prié d'entrer
Sur le seuil, je succombe à la froidure
Nostalgie en un mirage avorté
Mes lunes ennuagent mon murmure

Sur le seuil, je succombe à la froidure
Sous le bleu émail des astres crevés
Mes lunes ennuagent mon murmure
Génocide et rêves expropriés

Sous le bleu émail des astres crevés
Ma solitude me grave à l'eau-forte
Génocide et rêves expropriés
J'ai frappé pourtant à la lourde porte...

                    ...........

Il arrive ainsi

Il arrive ainsi qu'un silence
S'évertue à tracer l'empreinte
De mille éclats d'éternité
Sur la grève ocre de ma vie
Où se noient mes doigts écartés

Mais pour qui donc sonne le glas
Au bout des mots blessés et fiers
Et de la marée océane
Si ce n'est que pour toi et moi

Ah! Rêver trop en une fois
En langues d'ici et d'ailleurs
par-delà le bien et le mal
Dans l'indigo froissé des songes
Comme il y en a tant ici

               ...........


PASSAGE

Transi, gelé, perclus
Le vieil homme est silence
Traversée du désert
Ajoutant des royaumes
À son royaume de peur

Il met son ombre en croupe
Ricochet d'une empreinte
Dans le roc de sa soif
Ne plus trouver la mer
Fosse ouverte dans son âme

Cette fois, il a chaud
Son cœur se prend à battre
En couleurs ensablées
Lourde chape de sel
Sur les dunes ravinées

Il n'a plus qu'un désir
Prendre vite le large
Des saisons carnassières
Lisser ses souvenirs
À rebours du temps perdu

Tout à coup, dans la nuit froide
Retrouver l'éternité
Dernier geste de la main
À ses fils auprès de lui

Dans ses yeux,
l'étonnement...

                ...........

Déchirure (11 septembre 2001)

Un matin d'automne
Parmi décombres et poussière
Il a neigé une rage folle
Gravée à même la peau

Et le silence à force de s'être tu
S'est coincé dans ma gorge:
Les flammes ont brûlé
Jusqu'aux rires des enfants

Pourra-t-on un jour
Laver les plaies de l'âme
Dans le faisceau des demains sombres
Comme un oubli du temps.

             ...........


FIN D'ÉTÉ

Il y a des instants qui hésitent à mourir
Au fond de mes deux mains et du ciel encore rose.
L'éclat marmoréen des jours gris à venir
Cueille à froid mes mots bleus à l'écho de soleil.

Ah! devenir arbre que l'eau ne visite plus
Le temps de deux saisons au bout du balancier...

                     ...........

MÉMOIRE

Ombre sauvage, tracé d'ocre
Triste histoire éveillée
De femmes grises, étranglées
Aux visages enlisés

Reste de pleurs emportés
Souvenirs de vagues doucereuses
Et de plumes arrachées
Malgré l'appel de l'aurore

Mondes prisonniers
À l'intérieur de soi
Sans quai, sans arrivée
Entre vent et froidure

Mémoire...
Quand tous les bruits font silence
Dans les bourbiers à l'envers
Où s'emmêlent mille langages

                  ...........

Tempête

La pluie déraille sur les toits.
Les vagues se tordent et culbutent
L'écho des paysages dans la mer.
Mon île à moi sous moi s'enfonce
Dans les brumes d'un espoir en dérive.

C'est si triste, si terne,
Si sombre et silence
Au cercle de mon étrange ciel.
Ton rivage craint trop ma nuit
Pour voguer vers mon naufrage.

Et des étoiles se noient
Au fond de ma poitrine
Dans une toute petite flaque d'âme.

                ...........

Laisse-moi...

Laisse-moi partager ton ombre
Te toucher de toutes mes mains
Et chevaucher les méridiens
De cet amour beaucoup trop grand

Laisse mon rêve ployer l'aile
Et doucement toucher du doigt,
Sans plus de mots et de paroles,
Ton visage enfin reconnu

Laisse-le se poser sans fièvre,
À nu, sur ta peau de miel
Et déposer sur tes paupières
Le soleil qui dort sur tes lèvres

Laisse-moi le prendre dans mes mains
Et oublier ma thébaïde
Dans le sable dormant des songes
Ô que toi seul peut éveiller

                          ...........

Bulles de silence

S'empilent mes rêves crevés
Comme des strates
Moulés dans tous mes replis
Et qui transsudent des bulles de silence

Alors, comment briser en sol et en mi
Un coup de grisaille qui ne fait pas de joies
Comment anesthésier une vieille peur revampée
Sans musiquer une histoire à vau-l'eau

Car je me perds à l'horizon fauve
D'une fièvre d'enfance qui croupit
Sans musique.

                      ...........

Tu es mon cri

Tu es le feu allumé dans mon ventre
Dans le vertige de mes profondeurs.
Tu es ce puits où se noient mes sortilèges
Où s'enfoncent mes peurs.
Tu es l'éternité debout sur le pas de mon silence.
Tu es mon cri.

                       ...........

Lipogramme (sans «O» sur le thème de l'absence d'eau):

Paysage charnel

Rus asséchés. Filets taris. Midi pesant.
Estampe vultueuse de l'astre qui brasille,
Burinant ses empreintes sur les terres arides,
Incendiant mes lèvres et ma chair,
Brûlant ma retenue sur l'autel du désir.

Mes sens aigus, tendus grincent,
Exaspérés par la sécheresse démente.
Le désir ruisselle, cataracte fertile,
Mascaret m'enlevant au passage.
Relent de la bête lavée par la tempête.

                      ...........

Espoirs incendiés

Mon âme s'écaille dans les midis
D'une saison amère, sèche et jaune
Et répète la douleur indistincte
Des choses et de la foule qui passe

Je n'ai plus qu'une heure à jamais perdue
Où le temps absent s'allonge tout entier
Et se joue de ce qu'on puisse souffrir
De l'étrange profondeur des mots retenus

Une prison s'engouffre dans mon existence
Dans des mouvements d'entrailles et de fièvre
Et fait sangloter en moi, au fil de mes rêves,
Quelque chose du matin de mes espoirs incendiés.

                        ...........

Souvenirs

Aucune aiguille ne peut révéler mes heures.
Je me résorbe dans mes souvenirs d'antan
Sur cette planète aride où rien ne fleurit
Sinon la poussière, le doute et les mots.

La coupe vide ne sera jamais comblée
Que par l'enfant d'autrefois et ses mots au poing.

Se rendre ainsi jusqu'au bout de la nuit.

                       ...........

Je veux te crier...

Je veux raconter les légendes d'espoir fou
Les chaînes brisées, les espaces libérés
Même si mon âme, tour hérissée d'aiguilles,
Garde les escarres de ma désespérance
Même si les braises de mon idéal perdu
Me crèvent les yeux à chaque souffle asthénique

Ô je veux narrer les treillages cisaillés
Les refus, sous le joug, de l'échine courber
Même si ma voix s'éraille en un doux refrain
À retenir l'apparence du temps d'hier
Même si la prison des demains trop m'étreint
Moitié chagrin, moitié sourire, moitié charnier

Même loin de l'ondulation des étendards
Même loin, si loin de toutes les barricades
Je veux te crier, liberté, Ô liberté

                     ...........

Et qui donc a pleuré

En si peu d'existence
J'ai scellé mes rires
En un si long silence
Et traîné en soupirs
Une mélodie funeste

Mon enfance est morte
et qui donc a pleuré

En si peu d'existence
J'ai incendié ma candeur
À la flamme du désir
Et consumé mes rêves
En des noces excessives

Mon âme a fait naufrage
et qui donc a pleuré

En si peu d'existence
J'ai distillé la névrose
Des impossibles étreintes
Et émietté mes désirs
Sur les écueils de l'absence

Mon amour a ployé l'aile
et qui donc a pleuré

Goutte à goutte, mon existence est morte
Toutes mes minutes et mes saisons ensemble
Comme un si grand cri emplissant ma nuit
et qui donc a pleuré
et qui donc a pleuré.

                ...........

J'ai rêvé...

J'ai rêvé un grand soleil bleu
Qui allie mes étroites limites
À son déferlement lent et infini.
Mais mon soleil s'est gelé
Infiltré en moi comme une obsession
Et j'ai couru, essuyant orage sur orage,
Vers ce bleu noyé derrière un brouillard
Que des traits enflammés sillonnent.

Quel est ce voile qui recouvre mon rêve
À même ma hantise de toi.

                   ...........

Hiver

Le froid implacable me boit à petites lampées
Et je meurs de ne savoir retenir son tonnerre
Qui marque mes os de son destin glacé

Trop de silence dort encore en moi
Entre les doigts violets de la nuit éternelle.
Même mes baisers goûtent l'absence
Sous l'amas de neige qui m'abrite.

Suis-je trop petite pour habiter un cri de terre.

                     ...........

NOYÉE...

Noyée dans un océan de mortier et de papier
Je tente d'atteindre le fond de ma nuit
Faire éclater la syntaxe,
Danser les sèmes
À la face du taire.

Le quotidien est trop près
Trop près au creux de moi
Comme une seconde peau de misère
Qui à tire-d'aile se desquame
Pour devenir noirceur
Et densité du silence consenti.

Trop d'hommes meurent ainsi en silence
Dans l'impuissance à dire
Ces paroles tuées et jamais écrites

Entrailles et mémoire des hommes
Au bal des mal aimés.

                        ...........

Rumeurs insistantes

Rumeurs insistantes des autrefois
Une phrase trace son délié
Malgré l'écho terne de nos pensées
Et dessine à vie et à poings levés
Un peu de ceux que les mots ont choisi
Repeignant leurs rêves aux couleurs de vie
Sur l'eau délavée du passé en soi.

Il ne reste qu'à déterrer mains nues
Nos mots et nos points partout échoués
Silence crié au bout des saisons
Impression rude d'hiver et de soif
Sur fond de fugue et de brume et de glace.
Trêve d'amertume et d'errance vive
À pendre au ciel du Nord à fleur de peau
Nuit sauvage en partance et en partage...
Toute éternité tenue en une heure
Et un petit instant en une vie
Sur une note au battement du temps.

                      .............

Regard de vent

Fleur au destin de sécheresse
Dans l'ocre désert des rencontres
Où je ne peux prendre racine
Entre vent et cris de froidure
Qui passent dans mes longs silences

Le vent me traverse si fort
Me laisser glisser en lui, lisse
Dans les yeux d'un rêve rompu
Derrière les volets tirés
Du soleil qui fut autrefois

Mort décolorée et immense...

© Angèle Lux


 Ecrire à l'auteure :
luxa@videotron.ca

 

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